Au fil du laborieux feuilleton Joker, dans les semaines qui auront précédé la sortie du film aux Etats-Unis, la question du rapport au réel se sera présentée comme un des enjeux d'importance. Dans une nation balafrée par les tueries de masse à un rythme de plus en plus soutenu, la responsabilité de la fiction vis-à -vis des images de violence, et le refus de certains d'être exposé à des oeuvres évoquant un traumatisme réel (celui d'Aurora, dans le cas du clown), s'est à nouveau présentée dans le cadre du tournage de The Boys. La seconde saison achevait tout récemment ses phases de prise de vue dans les rues de Toronto, au Canada (une Mecque des plateaux de captation pour les séries télévisées).
Quoique les détails ne soient pas particulièrement explicites, il ne vous est pas forcément conseillé d'aller plus loin si vous êtes du genre à spéculer ou théoriser sur les éléments de scénario de ce genre de productions.
L'adaptation du comics de Garth Ennis et Darick Robertson se sera récemment heurtée au refus du Conseil Municipal de Toronto pour le tournage d'une scène, particulièrement difficile. D'après les descriptifs fournis par la production, celle-ci, tournée dans le Mel Lastman Square, devait présenter un super-héros devenu fou et s'attaquant à une foule de civils. Des centaines de figurants devaient être aspergés de faux sang et prendre la fuite, simulant une panique générale dans les alentours.
Problème : les environs du Mel Lastman Square ont été marqués, l'an dernier, par un meurtre de masse perpétré par un homme de ving-cinq ans - Alek Minassian, un habitué de 4chan brièvement militaire, s'identifiant de lui-même comme un "incel" et atteint de troubles mentaux assimilés à un syndrome autistique. Huit femmes et deux hommes auront perdu la vie au cours de cette fusillade, en plus des seize blessés additionnels. Les habitants du quartier auront été nombreux à se plaindre en apprenant le tournage de la scène prévu par Eric Kripke, et auront manifesté leurs craintes à la Mairie, refusant d'être exposés à la mise en scène d'un nouveau carnage.
Le Conseil Municipal aura donc forcé la main à Amazon Prime pour modifier l'emplacement du tournage - préférant épargner aux habitants traumatisés de ce quartier de revivre de tristes souvenirs, encore frais. Une décision ferme mais compréhensible, et qui ne devrait pas empêcher la série de mettre en scène ce segment dans un autre endroit (plus propice).
Pour l'heure, on espère cependant que la violence de The Boys, volontairement parodique ou installée pour servir un propos, ne sera pas amoindrie dans cette seconde saison suite à cette brève polémique. Ni que l'image de la série ne s'en retrouve ternie, traitant aussi de sujets politiques ou sérieux sur le complexe du survivant, le deuil ou le refus d'Hollywood d'assumer la réalité de la violence dans certains cas. Pour l'heure, on peut imaginer que le Homelander ou Stormfront resteront de solides cinglés ultra-violents dans l'adaptation des reliés de Garth Ennis, dont la suite est attendue pour la mi-2020.