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Superman : Year One #1 : Entre la poésie des origines et la crainte du trop conventionnel

Superman : Year One #1 : Entre la poésie des origines et la crainte du trop conventionnel

ReviewDc Comics
On a aimé• Un premier numéro agréable et sincère
• Frank Miller retient sa signature cynique
• Les couleurs d'Alex Sinclair
• Un renvoi au mythe Superman et à ses valeurs
On a moins aimé• Très ou trop proche des origines classiques pour le moment
• Même à son meilleur, Romita reste Romita
Notre note

Avec deux nouvelles séries à moins d'un mois d'intervalle, il semblerait que les rouages gripés de la machine DC Black Label aient enfin été remplacés. Premier titre à ne pas s'intéresser à Batman, dans cette enclave éditoriale loin des routines de séries régulières estampillées DC, Superman : Year One reste intrinsèquement liée à l'héritage ou à l'ombre étouffante du justicier à l'emblème de chauve-souris. Attendu que le scénariste en charge du projet, Frank Miller, reste associé dans l'inconscient collectif à Dark Knight Returns, et une lecture plus favorable du héros de Gotham que de celui de Metropolis, à quelques décennies de là.

En venant conclure le chapitre DKR, Miller avait cependant donné quelques gages de différenciation vis-à-vis de ce mépris d'usage du héros en bleu, éternel boy scout sans nuances et parangon de l'impérialisme américain qui faisait tant ricaner le scénariste au chapeau dans les années 1980. Ayant choisi d'assagir son image, l'auteur avait proposé, dans ce troisième chapitre co-écrit par Brian Azzarello, une alliance des deux Amériques, celle du pragmatisme et de la lutte et celle du patriotisme et des valeurs, contre un envahisseur kryptonien lourdement associé aux terroristes de la vraie vie. Une sorte de retour à l'équilibre pour celui qui, derrière ses haines du passé, accepte avec l'âge la réalité de certaines icônes.
 
Superman : Year One marche en plein dans cette lecture : plus Archie Comics que jamais, la nouvelle version des origines du personnage ne s’embarrasse pas à proposer l'habituel élément nouveau, l'habituel degré de modernisation qui justifiait autrefois que l'on réécrive le mythe tous les cinq ou dix ans. Le Superman de Frank Miller est résolument classique, résolument positif, résolument américain et, en un sens, résolument conscient de ce qu'il est. Ou de ce qu'il a toujours été.
 

 
L'histoire est connue : deux parents au bord d'un désastre écologique de très grande ampleur catapultent leur rejeton sur une planète où, la biologie de fiction étant ce qu'elle est, il ne courra aucun danger. Adopté par deux fermiers, dans un Texas de carte postale, Kal-El deviendra Clark Kent, épris de justice et de découverte dans un monde d'accueil dont il comprend les règles. Une petite variation sera proposée en clôture de numéro pour recouper avec l'angle passéiste adopté par Miller dans cette version des faits - l'histoire pourrait aussi bien avoir réellement lieu en 1938 que l'on ne ferait pas de réelle différence sur le fond.
 
Sur la forme en revanche, le bouquin ne ressemble en rien aux parutions de National ou aux Action Comics des premiers temps. Le scénariste cale bien quelques bulles de pensées désuètes, comme pour rendre hommage à cette forme de narration aujourd'hui dépassée, mais l'ensemble s'articule plutôt comme une sorte de témoignage oral, très écrit et très narré. Les cases de narration, qui vont emprunter le point de vue de Clark la plupart du temps, sont nombreuses, et utilisent les codes très habituels de Frank Miller à l'écriture - des double-sens humoristiques parfois, un ton grave ou homérique jouant sur la destinée et l'impression que l'histoire a déjà été écrite du début à la fin, une ironie parfois très sombre par endroits et les fameuses répétitions de cases ou la mise à distance des faits, moins importants que la façon dont on les raconte. 
 
L'auteur aborde la question de Superman dans un étrange compromis entre le réalisme et le stéréotype volontaire. Analogue des peintures des tableaux de Norman Rockwell, l'Amérique de Frank Miller est plus lumineuse et optimiste que dans la moindre de ses précédentes oeuvres. On jurerait Riverdale, on sentirait l'odeur de la tarte aux pommes (ou à la rhubarbe, en l'occurrence), on a déjà vu et revu cet immense champ de blé, ces matchs de football américain, ces brutes du lycée et le héros valeureux qui s'apprête à les corriger. Le travail des couleurs d'Alex Sinclair joue à plein de ce côté là, et on comprend que l'intention est de replacer Superman dans le contexte familier, simpliste ou très archaïque qui l'a vu naître : remettre le symbole et la culture inhérente à ce héros bon sous tout rapport, ses valeurs, sa morale, l'imaginaire candide qui justifie son existence, au coeur de tout. Pour cette raison, le lecteur qui s'attendrait à trouver une oeuvre sombre où Miller s'amuserait à mettre un flingue entre les mains de Clark ou à le voir appliquer le même jeu sadique d'auto-parodie tonitruante qu'à l'époque d'All-Star Batman, pourrait être déçu. 
 
L'auteur se met au service de son récit, et si l'on pourrait lui reprocher d'être trop classique, l'histoire va plus loin en mettant le jeune héros sur une trajectoire différente de ce que l'on connaît habituellement. Clark Kent va ici s'enrôler dans l'armée, épousant le stéréotype du jeune Américain rêveur jusqu'au bout, embrassant le cliché en souriant à une belle matinée d'été dans un camp militaire impeccable, où flottent les jolis drapeaux de la nation étoilée. Le scénariste applique à cette lecture une forme de doux cynisme couvert sous un élan réaliste : ses personnages parlent le jargon texan des bouseux, on imagine un accent nasal de sudiste entre chaque réplique, et derrière le portrait classique, un sous-entendu sexuel sur la relation de Clark et Lana glisse entre ces pages de poésie au parfum de brownie, de chemises à carreau et des impeccables tresses de Laura Ingalls.
 

 
Du côté des dessins, John Romita Jr. s'applique, décidément plus inspiré par l'idée de collaborer avec son vieux copain Frank qu'avec Geoff Johns ou la moindre plume de pointe des écuries DC Comics. Après Dark Knight : The Last Crusade, on retrouve un compromis hasardeux de son meilleur et de son à peu près bon, avec le même sentiment d'artiste atteint de prosopagnosie, qui ne comprend pas l'intérêt de reproduire en dessin les différences de traits dans les visages qui font que les gens, dans la vraie vie, ne se ressemblent pas tous. Les découpages sont inventifs, avec de premières pages magnifiques et superbement colorisées par Sinclair, un sentiment de solitude qui laissera sa place à des quadrillages en case plus communs pour évoquer la monotonie de l'enfance, puis plus horizontales quand Clark commencera à participer à une vie de groupe, en société. On pourrait même voir, dans l'afflux de cases allongées qui vont mettre en scène la relation du héros et de Lana, comme un renvoi au fameux format cinémascope, pour souligner le stéréotype de cette romance pour ado' vu mille et mille fois dans les fictions des années 1950.
 
Dans l'ensemble très scolaire, le numéro vaut surtout le coup pour les couleurs de Sinclair, comme All-Star Batman sous Romita Jr. valait surtout le coup pour les couleurs de Dean White. Danny Miki à l'encrage fait de son côté un joli travail pour assouplir le trait lourd du dessinateur, et dans l'ensemble le numéro ne pique pas les yeux, arrivant à trouver suffisamment de poésie ou de douceur à poser sur le script très tranquille de Frank Miller. Le scénariste, parti sur l'idée d'un récit de vie gorgé de sincérité et de respect pour le jeune Clark, laisse les trois artistes épouser la forme avec un premier numéro agréable à l'oeil, et où se ressent une ambition louable de faire quelque chose de plus joli que certains des horribles passages de The Master Race.
 

 
Avec Superman : Year One, Frank Miller n'entend certainement pas appliquer au héros en bleu le même traitement qu'au moment de sa collaboration culte avec David Mazuchelli. Ancrée dans les années 1980, la mini Batman : Year One était une déclaration d'amour au Chevalier Noir, vécue d'assez loin et en très peu de mots - le héros était un flic ordinaire et intègre assistant à la naissance d'un justicier plus lointain. Ici, le héros, sa famille, son environnement son au coeur de tout, dans une fresque honnête et emplie de tendresse pour l'Amérique qui a vu naître Superman, ses codes, ses us, ses coutumes et ses clichés. Miller arrive à trouver la justesse nécessaire à ce premier chapitre, qui ne brille pas par son originalité mais, pour la théorie des auteurs, comme une énième manifestation de la trajectoire inverse des idéaux de son créateur, assagi, optimiste et réconcilié avec sa peur ancestrale des porte-drapeaux. En citant directement le Doc Savage dans le numéro, Miller semble assumer de proposer un récit directement hérité des codes d'un autre temps, qui se lirait comme une relecture agréable et bien faite d'une histoire que tout le monde connaît déjà - à voir si vous êtes prêts à supporter les redites.

Corentin
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