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Sharkey the Bounty Hunter - Burt Reynolds dans l'espace et blagues bizarres de société

Sharkey the Bounty Hunter - Burt Reynolds dans l'espace et blagues bizarres de société

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On a aimé• L'humour à la Millar enfin bien utilisé
• Un univers graphique déjà fabuleux par Simone Bianchi
• Les bonnes références
• Le délire semble prometteur
On a moins aimé• Extra-Billy, mal présenté pour le moment
• Stéréotypes volontaires, mais stéréotypes quand même
• Des soucis de correspondance entre texte et dessin
Notre note

A une époque lointaine, d'aucuns avaient l'habitude de dire que Ridley Scott réussissait à sortir quelque chose de bien tous les deux (ou trois) films - une sorte de variable du hasard des réussites, qui ne s'est d'ailleurs pas nécessairement vérifiée depuis. A échelle comparable, Mark Millar marcherait dans les mêmes clous, à ceci près que lui n'est pas encore assez âgé pour profiter de l'excuse universelle qui édicte que l'on devient tous un peu cons en vieillissant.  Plus paresseux que mal intentionné, l'auteur est pris depuis des années par une boulimie de créations lancées au hasard, sous la forme de pitchs qui ne se cachent plus de leur objectif réel. 
 
Comme si sa carrière récente ne se résumait qu'à une partie de fléchettes où la cible aurait les mots "adaptation" ou "commande de script" en lieu et place de la bulle, et où deux coups sur trois tomberaient dans la tranche "pas ce mois-ci, Mark, on a House of Cards à terminer". Fort heureusement, il y a aussi ces brefs instants de concentration où l'esprit s'accorde à la main, où l'on tape dans le mille et où l'on recommande une tournée de bière avec les gains de la partie. Si Prodigy et The Magic Order étaient deux tentatives passées plus ou moins près de la réussite, Sharkey the Bounty Hunter, nouvelle création de l'auteur avec l'artiste Simone Bianchi, passerait plus pour un coup dans le mille hasardeux lié aux hasards de l'alcool - en définitive, la meilleure façon de remporter une partie.


Prévu pour être un film, développé en comics en parallèle, Sharkey a l'avantage de ne pas avoir à convaincre qui que ce soit dans les bureaux de production du bien fondé de sa capacité filmique. Il y a un an, le scénariste Michael Baccall travaillait avec Millar sur le projet et à l'écriture d'un script. Deux choses ont alors pu se passer : soit celui-ci n'a convaincu personne dans les bureaux de Netflix, et l'auteur peut donc s'adonner à un joyeux délire où il n'a pas besoin d'être entièrement consensuel, ou bien, à l'image de Kick Ass, l'idée sera de développer une version parallèle à celle du film, plus libre ou plus déjantée. Dans les deux cas, le premier numéro démarre bien cette nouvelle mini, accompagné par de superbes planches qui donnent déjà raison à la version papier.
 
Dans une fédération galactique quelconque, un ancien soldat d'élite à moustache s'est reconverti en chasseur de prime, pour rembourser un crédit et éponger des dettes de jeu. A mi-chemin entre Lobo et Burt Reynolds, cet aventurier spatial sans le sou va être mis sur la piste d'un contrat qui pourrait résoudre tous ses problèmes d'argent. Se dessine une piste toute tracée de scénario à la Mise à Prix où différents porte-flingues avides cavalent après la même cible - Edra Deering, une terroriste (/révolutionnaire, on a déjà vu Millar nous faire le coup) en fuite après avoir décapité de hauts dignitaires politiques. Avec lui, Sharkey trimbale le petit Extra-Billy, victime collatérale de sa dernière mission qui se retrouve privé de tueur et embarqué dans l'aventure de son propre chef. 
 
Esthétiquement, la série démarre déjà très bien : on retrouve un feeling d'univers foisonnant dans la mouvance des bande-dessinées de science-fiction des années 1970, habillées avec des idées de couleurs et de découpages rigolos. Si Millar avait déjà proposé la série Starlight dans le registre spatial, on est ici plus proche d'un héritage culturel qui imite le chemin emprunté par James Gunn sur les Gardiens : rendre hommage au bizarre, au foutraque, à la science-fiction crasseuse de Star Wars et des westerns spatiaux à l'Anglaise. L'humour va dans la même direction, et on retrouve un peu de l'énergie du Mark Millar délirant des débuts.


 
Quelques blagues réellement bien senties se glissent dans ce premier numéro, avec le côté grande gueule et parfois beauf du scénariste sur certains dialogues. Des vannes curieuses sur le fait d'assumer une demi-calvitie, le sexe trans-identitaire ou sur un ennemi apparemment prêt à tout - mais vraiment, à tout - pour un contrat à plusieurs zéros se déploient dans ces premières pages, qui sentent bon la déconne des années 2000AD en plus propre. Intéressant d'ailleurs d'entendre l'avis de Mark Millar sur le prélèvement à la source, et le fait que tout est tracé et contrôlé au niveau bancaire dans un système fédéral - le genre de blagues de sous-texte qui rappellent que l'auteur reste plus pertinent dans l'humour que dans le propos frontal, ou dans la métaphore de fiction en général que dans un contexte par trop réaliste. 
 
Une blague en particulier serait d'ailleurs intéressante à analyser dans ce qu'elle dit de la façon dont le scénariste aborde le présent (sautez au paragraphe en gras si vous ne l'avez pas lue) : après avoir rencontré Kristine, une jeune femme, bardée de prothèses bioniques et intéressée par une partie de jambes en l'air, Sharkey lui demande la raison des nombreuses parties robotiques de son anatomie. Celle-ci lui explique alors être en pleine opération de changement d'identité. Se sentant mal à l'aise dans un corps organique, elle envisage une opération complète pour devenir, à terme, un robot des pieds à la tête. 
 
Là où l'idée a quelque chose de saugrenu ou de parodique, Millar semble l'aborder comme une allégorie réelle sur cette situation, emblématique de débats modernes sur le genre. Derrière l'archétype du sexe alien cher à l'art séquentiel (pour de bonnes ou de mauvaises raisons) Kristine elle-même n'est pas traitée comme une blague, à l'aise avec ses choix et sa sexualité et finalement plus rationnelle que Sharkey, un gros beauf' plutôt tolérant en définitive. Une blague potache sur les mœurs space op' de la série abritant un propos pas si neuneu ou lourdaud, qui rappellerait les bonnes heures de Transmetropolitan et son déluge de métaphores délirantes sur l'état de la société. Le propre des bons concepts à la britannique : violence, imaginaire, déconne et un peu de politique en sous-texte. 

 

Du côté des reproches, quelques passages plus figés de Bianchi, qui n'accorde pas toujours sa narration au texte et donne quelques raccords ou expressions loupés par endroits. Surtout, un Extra-Billy qui devra s'affirmer dans les prochains numéros et casser le stéréotype de l'orphelin adopté par le héros brusque et rude, mais avec un coeur gros comme ça. A voir si l’essoufflement (malheureusement répété) des séries Millar ne se réitérera pas une fois encore passée cette bonne introduction, et quitte à marcher dans les traces d'oeuvres du même genre, il serait recommander d'aller (beaucoup) plus loin.
 
Sharkey the Bounty Hunter séduit, au sortir de ce premier numéro. Sans prétentions, la série aligne les bonnes références et de superbes planches pour convaincre, sans discours marketing élaboré ou mise en place d'une folle mythologie dont on n'apprendra rien. L'idée est simple : mélanger Han Solo et Lobo, ajouter un gosse pour le facteur émotionnel et partir défourailler du chasseur de prime sans un coin coloré d'une galaxie fictive où les corporations ont le pouvoir et où la mode est aux dreads métallisées. Un peu d'huile de moteur à l'écriture et un peu d'inventivité dans les prochains numéros et on sera heureux de pouvoir dire que pour une fois, Mark Millar a plus à vendre que le nom de son dessinateur sur la jaquette du single.

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Corentin
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