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Wonder Woman: Earth One vol. 1, la review

Wonder Woman: Earth One vol. 1, la review

ReviewDc Comics
On a aimé• Le comic book Wonder Woman qui nous manquait
• Un Yanick Paquette au top
• Un habile hommage aux origines du personnage
On a moins aimé• Une trop courte rencontre avec le monde des hommes (mais ce n'était pas le propos)
Notre note

Annoncé il y a de nombreuses années pour la ligne All-Star de DC Comics, le projet Wonder Woman de Grant Morrison et Yanick Paquette n’en finissait plus de ne pas arriver sur les étals, devenant l’une des plus belles arlésiennes de la Distinguée Concurrence. Redirigé naturellement vers la ligne Earth One de l’éditeur lorsque celle-ci est apparue, cette origin story sur la plus célèbre des Amazones nous est finalement parvenue ce mois-ci, assez logiquement juste après la première apparition du personnage sur grand écran, dans Batman v Superman. Zeus que l'attente en valait la peine.

Si elle complète la fameuse Trinité de DC Comics aux côtés de Batman et Superman, la Princesse Diana est loin d’avoir bénéficié d’autant de relectures de ses origines que ses deux compères. Il n’en fallait pas plus à Grant Morrison (déjà père de quelques perles cultes sur le duo de mâles susnommés) pour vouloir rétablir les choses et présenter son projet aux pontes de l’éditeur. Seulement voilà, bien trop subversif dans le traitement, DC Comics a préféré éviter de rappeler au sein de son univers classique les différentes symboliques liées à la création du personnage. Wonder Woman: Earth One était né.


Rappelons en effet que lors de ses débuts, Wonder Woman était régulièrement associée à une iconographie bondage, ce qui n’est pas forcément au goût de tout le monde dans le monde actuel. Mais il faut aussi rappeler que William Moulton Marston, éminent psychologue et créateur du personnage, était un féministe convaincu, très influencé par sa femme, qui a usé de cette iconographie pour montrer la libération de la femme, par ses propres moyens. C’est à cet aspect ambigu que Grant Morrison souhaitait rendre hommage, et il y est plutôt bien parvenu.

Si nous rappelons le contexte, c’est que la lecture de Wonder Woman : Earth One pourra choquer plus d’une âme au premier abord, n’hésitant pas à présenter d’emblée une Hippolyte enchainée, à genoux et soumise à Hercules, symbole ultime de la masculinité et de la domination de l’homme sur la femme, et ce dans une scénographie de viol en devenir. Un sujet sensible, et qui fait régulièrement polémique chez DC Comics, notamment avec la situation de Barbara Gordon dans The Killing Joke. Et un sujet d’autant plus sensible qu’il est magnifiquement mis en image par Yanick Paquette, qui emplit ce tome de sexualité et de sensualité. Dans cette ouverture, il présente une Hippolyte sexy, dénudée, soumise à un Hercules musculeux au possible. Mais tout ceci est fait pour appuyer d’avantage le retournement de situation et la libération du peuple des Amazones par sa reine, future mère de Diana.

Sur ces bases, destinées à expliquer la scission de Paradise Island avec le monde des hommes, Grant Morrison construit ensuite l’histoire de la rébellion de Diana, lasse d’un monde figé et curieuse d’en découvrir plus, prête à risquer sa place auprès de son peuple.


Loin de présenter une simple histoire de super-héroïne et d’éternels combats contre des (super-)vilain(e)s, ce premier tome traite de l’émancipation de Diana, et de son combat auprès de sa propre famille. Usant d’un habile procédé narratif, l’histoire nous est racontée de plusieurs points de vue, et nous permet de découvrir à la fois la société des Amazones, leurs mœurs et leurs coutumes, et le cheminement qui amènera Diana à devenir Wonder Woman, amenant un changement conséquent pour les deux mondes qu’elle touchera.

Il est intéressant de voir que Morrison ose pousser le concept des Amazones jusqu’au bout, et les implications d’une société totalement coupée des hommes sur la sexualité de ses personnages. En procédant ainsi, il permet de ne pas seulement amener à une trahison familiale, mais également à une trahison affective de Diana, poussée par ses instincts aventureux. Quant aux coutumes des Amazones et au rapprochement des origines de Wonder Woman, Morrison transforme et joue sur la nature de la soumission, pour en faire un symbole de respect et d’affection, redonnant ainsi le pouvoir à ces femmes qui acceptent de se soumettre les unes aux autres.

Du début à la fin, Morrison est aidé par un Yanick Paquette qui a vraiment pris le temps d'être à la hauteur de l'évènement, et parvient à poser en dessins cette subtilité entre force et sensualité, l’une n’excluant pas l’autre, tout en parvenant à placer quelques taquets au monde réel, celui des hommes et son traitement des femmes et de leur image. On notera d’ailleurs un joli tacle envers l’immonde illustration de Greg Horn, qui présentait il y a quelques années une Catwoman abaissée au rang de sextoy animal devant un Batman dominateur. Paquette use de quelques artifices, comme le Lasso de Vérité utilisé par ses personnages, pour alterner entre découpages classiques et d’autres (beaucoup) plus libres qui ne sont pas sans rappeler J. H. Williams 3, jouant avec les formes qu’il veut très arrondies et vaginales sur Paradise Island, avec une seule interruption phallique, lorsque Steve Trevor pénètre le territoire des Amazones. Et n'oublions pas les couleurs de Nathan Fairbairn qui donnent vie et contraste aux différentes situations, du sombre début à la lumière de Themyscira, en passant par le rouge écarlate qu'arborera une Diana libérée. 


Second temps de ce volume, la découverte du monde des hommes par Diana nous permet d’aborder un choc culturel, et l’incompréhension d’une femme tombée du paradis face à un monde imparfait, lui-même baigné dans l’ambiguïté de l’espoir face au désespoir constant. Et cette rencontre avec le monde permet à Morrison de réinventer quelques personnages cultes de la mythologie de Wonder Woman, comme Steve Trevor ou Etta Candy, actualisés pour donner une vision moderne de ce qu’ils pourraient représenter. Il est d’ailleurs intéressant d’y voir que, seul homme important de ce premier volume, Steve Trevor se place très en retrait par rapport aux autres personnages.

Cette interaction avec le monde des hommes pourra frustrer par sa faible durée, le tome ne s’étalant que sur un peu plus de cent-dix pages (plus quelques bonus), mais c’est pour le mieux, l’histoire pouvant être prise comme une origin story définitive et intemporelle du personnage et de sa mythologie. Grant Morrison a cependant d’ores et déjà annoncé vouloir en faire une trilogie, et développer notamment un peu plus le personnage d’Hippolyte, pour faire de cette incursion au sein du label Earth One une vraie saga légendaire pour un personnage de la stature de Wonder Woman.


L’attente aura été longue mais le résultat est largement à la hauteur d’un personnage qui mérite de bonnes origines sur papier. Tout l’amour et le respect de Grant Morrison et Yanick Paquette pour le personnage se retrouvent dans un tome dense en symbolique et en hommages, qu’on devrait pouvoir apprécier en VF l’an prochain chez Urban Comics, à l’aube d’un film entièrement consacrée à la Princesse Diana.

Manu
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