Home Brèves News Reviews Previews Dossiers Podcasts Interviews WebTV chroniques
ConnexionInscription
Dossier Premium : L'épopée du label Epic de Marvel

Dossier Premium : L'épopée du label Epic de Marvel

DossierMarvel

Le label de creator-owned de Marvel, le label Icon, est en train de mourir à petit feu. Les auteurs préfèrent aujourd'hui se tourner vers des modèles plus intéressants comme Image Comics ou Dark Horse pour accueillir leurs séries propres. Seul Brian M. Bendis semble faire vivoter cet imprint désormais, et le glas ne semble pas loin.

Pourtant, ce n'est pas la première tentative de Marvel de donner une terre d'accueil à la création la plus pure. Dès les années 80, un label portant le doux nom d'Epic proposait une alternative aux comics mainstream au sein même de la Maison des Idées. Une initiative qui aura eu un impact non négligeable sur l'ensemble de la BD américaine.

1. Le Métal Hurlant à l'américaine
Chapitre 1

Le Métal Hurlant à l'américaine

L'histoire du label Epic commence étrangement en France. Quand Métal Hurlant cherche à s'implanter aux Etats-Unis, Jean-Pierre Dionnet présente son magazine à Stan Lee dans les années 70. Seulement, ce sera l'une des rares fois où le génie visionnaire du créateur de Spider-Man et consorts ne se rendra pas compte de l'opportunité qui lui est ici présentée.

Il se rendra vite compte de son erreur, ou du moins son successeur Jim Shooter. La version américaine de Métal Hurlant, Heavy Metal, cartonne dans les librairies et un sentiment d'opportunité manquée habite Marvel quand il s'agit d'évoquer cette nouvelle BD qui secoue le monde de l'art séquentiel. Alors Jim Shooter va mettre en place son propre magazine : Epic Magazine. Un magazine qui ne respecte pas le Comics Code Authority et qui est distribué uniquement dans le réseau des comics shops.

La première œuvre qui va être publiée dans ces pages ne sera nulle autre que Dreadstar, du pape du cosmique chez Marvel : Jim Starlin. Celui qui a redéfinit les grandes lignes de l'univers cosmique avec Adam Warlock ou Captain Marvel se lance dans un ambitieux space opera, aussi philosophique que psychédélique (qui n'est pas sans rappelé ce qu'il a déjà fait pour la Maison des Idées). Le ton est donné pour Epic.

Tout comme le magazine français qui lui sert de modèle, Epic aligne les séries de SF barrées et osées. I Am Coyote de Steve Englehart et Marshall Rodgers, qui dans sa seconde série fera débuter un tout jeune dessinateur : Todd McFarlane. Le fameux Alien Legion, créé par Carl Potts et qui présente une sorte de Douze Salopards de l'Espace. Ou encore Starstruck, série de SF féministe écrite par Elaine Lee et qui fait découvrir le talent incroyable du dessinateur Michael Kaluta, pépite bien gardée des comics.

Le magazine ne s'arrête cependant pas au seul genre de la science-fiction. Ainsi, Pat Mills et Kevin O'Neill, transfuges de 2000AD, vont offrir aux Etats-Unis leur Judge Dredd avec l'iconoclaste Marshal Law. Pendant que Groo de Sergio Aragonés parodie avec humour Conan. D'ailleurs au rang de la fantasy, on peut aussi noter Elfquest, œuvre de Wendy et Richard Pini qui présente une société d'elfes et qui a grandement contribué à l'établissement du graphisme presque désuet de la fantasy américaine.

Chapitre suivant >Qui s'y frotte s'Epic
2. Qui s'y frotte s'Epic
Chapitre 2

Qui s'y frotte s'Epic

Malgré un certain nombre de séries de grande qualité, les ventes d'Epic Magazine ne décollent pas. Elles sont en tout cas incomparablement loin du succès rencontré par Heavy Metal, qui propose aussi des séries au fond plus adulte, réfléchi et philosophique, plus européen en somme (même si la plupart des auteurs de la version en langue anglaise sont américains). Marvel  réagit donc rapidement pour ne pas laisser le magazine s'enfoncer encore plus.

L'éditeur du magazine, Archie Goodwin, a alors l'idée de convoquer des artistes de la maison-mère et de leur laisser les mains libres pour créer des histoires avec les personnages Marvel, dans une version bien plus adulte, plus mature. La première histoire ainsi produite sera Elektra : Assasin de Frank Miller et Bill Sienkiewicz. Véritable petit bijou conceptuel, ce comics est la preuve qu'on le peut traiter les super-héros mainstream d'une façon innovante et va ouvrir la voie à de nombreux autres.

Ainsi, Louise et Walter Simonson imaginent dans Meltdown une association pour le moins originale, Wolverine travaillant de concert avec Havok, le tout mis en image par des artistes dont le style est très éloigné de ce qui se fait en mainstream, Jon J. Muth et Kent Williams. Plus connu, Silver Surfer : Parable, permet à Stan Lee de travailler avec Moebius, qui vient d'emménager à Los Angeles, et permet de définitivement entériné la filiation avec Métal Hurlant (et à The Man de se faire pardonner de son manque de vision sur ce coup-là).

Archie Goodwin va aussi créer au sein d'Epic une toute nouvelle ligne super-héroïque : Shadowline. De nouveaux super-héros, Doctor Zero, Power Line et St. George, qui évoluent dans un univers partagé (qui est en fait une terre alternative à la Terre-616) plus sombre que celui de Marvel. Cependant, ils ne trouveront pas leur public mais réapparaitront épisodiquement dans l'histoire de l'éditeur, comme dans la dernière série Terror Inc. de David Lapham.

Ce qui va vraiment populariser Epic Magazine, c'est quand Goodwin va aller directement à la source et proposer des traductions des séries-phares de Métal Hurlant, rapprochant encore plus Marvel du magazine créé par Jean-Pierre Dionnet, Moebius et Philippe Druillet. Ainsi, les Américains pourront découvrir dans ces pages des BD aussi essentielles que L'Incal, Blueberry ou encore Le Garage Hermétique. Des chefs-d'œuvres qui vont inspirer de nombreux artistes en devenir.

Histoire de définitivement confirmer le multiculturalisme du magazine et son bon goût certain, ils vont aussi être les premiers à traduire en anglais Akira de Katsuhiro Otomo. L'impact sur le public américain sera monumental, lui qui ne connait pas encore le manga. Pour l'occasion, le manga sera colorisé par Steve Oliff et même le mangaka reconnaitra l'excellent travail de ce dernier.

< Chapitre précédentLe Métal Hurlant à l'américaineChapitre suivant >Le déclin du magazine américain
3. Le déclin du magazine américain
Chapitre 3

Le déclin du magazine américain

Archie Goodwin laisse son poste au début des années 90 et c'est Carl Potts, qui avait créé dans les pages d'Epic le comics Alien Legion, qui devient le nouveau rédacteur en chef du magazine. Il va notamment se démarquer en adaptant les œuvres du maître de l'horreur Clive Baker, le créateur de Pinhead, en comics. Hellraiser ou Nightbreed deviennent ainsi des BD à succès.

Comme l'adaptation de romans semble bien fonctionner, il va continuer dans cette veine en proposant TekWar de William Shatner (le Capitaine Kirk de la série originale Star Trek) en comics. Tout comme l'anthologie Wild Cards, supervisée par George R.R. Martin (grand fan de Marvel), dont les multiples histoires écrites par Roger Zelazny, Pat Cadigan, Victor Milán ou encore Chris Claremont connaitront une seconde vie en comics.

De même, ils vont adapter Neuromancer de William Gibson en comics. Ce roman qui est considéré comme celui qui a posé les bases du cyberpunk sera adapté par Tom de Haven et le dessinateur Bruce Jensen (qui donnera son nom au héros de Deus Ex) qui est connu pour avoir été proche de grands auteurs de SF américains comme comme Neal Stephenson, Linda Nagata ou Philip K. Dick et qui illustrera la couverture d'un grand nombre de leurs romans. Malheureusement, ce comics restera à jamais inachevé.

Les ventes déclinent de plus en plus et un sentiment d'urgence commence à habiter la rédaction du magazine Epic. Pourtant, de belles œuvres paraissent encore dans ses pages, comme Atomic Age, un hommage à la SF pulp des années 50 écrite par Frank Lovece et dessinée par ces artistes de talent que sont Mike Okamoto et Al Williamson (ce dernier recevant l'Eisner Award du meilleur encreur pour cette série).

Ils durcissent le ton avec une ligne de comics plus violents, Heavy Hitters, où l'on retrouvent des auteurs de grande renommée, comme Peter David, Howard Chaykin, Joe Kubert ou Ron Lim. Pourtant, rien à faire, avec l'effondrement du marché des comics, le magazine est le premier à en pâtir et quand la publication d'Akira cesse en 1996, il ferme définitivement ses portes. Cette fermeture annonce les années de galère que va traverser Marvel.

< Chapitre précédentQui s'y frotte s'EpicChapitre suivant >Epic 2000
4. Epic 2000
Chapitre 4

Epic 2000

En 2003, Marvel va beaucoup mieux. Merci monsieur Avi Arad. Le label Epic est alors réactivé, pas sous la forme d'un magazine mais juste d'un label. Qui n'a d'ailleurs plus rien à voir avec la version initiale qui avait été inspirée par Métal Hurlant. En manque d'auteurs, Marvel lance un appel aux contributions et se sont majoritairement des journalistes de sites spécialisés dans les comics qui vont répondre.

Marvel va mettre un certain temps à déblayer toutes les idées qu'ils vont recevoir et vont finir par retenir celle d'un rédacteur de Newsarama entre autres, Michael San Giacomo, qui va leur proposer Phantom Jack. Mais ce sera un départ raté puisque l'auteur finira par récupérer les droits de sa série pour pour la publier chez Image Comics.

La ligne vivote et peine à décoller faute de projets viables. Jusqu'à ce qu'un certain Mark Millar vienne avec l'idée d'une série sur le passé de Tante May qui va "retconner" le passé de Spider-Man. Cette série, Trouble, illustrée par Terry Dodson, va provoquer de nombreux remous dans la communauté des fans de Marvel, assurant au scénariste écossais un gain de popularité non négligeable mais qui ne va pas véritablement aider le label.

Après plusieurs séries à l'importance totalement négligeable, le constat est évident, il n'a plus la résonance qu'il avait avant d'être arrêté. Alors qu'ils ont l'idée de republier les anciennes séries dans Epic Anthology Presents, Marvel change de direction. L'anthologie est arrêtée au bout d'un numéro et le label Epic est définitivement enterré au profit d'Icon. La suite, vous la connaissez.

< Chapitre précédentLe déclin du magazine américain
Chapitre 1

Le Métal Hurlant à l'américaine

L'histoire du label Epic commence étrangement en France. Quand Métal Hurlant cherche à s'implanter aux Etats-Unis, Jean-Pierre Dionnet présente son magazine à Stan Lee dans les années 70. Seulement, ce sera l'une des rares fois où le génie visionnaire du créateur de Spider-Man et consorts ne se rendra pas compte de l'opportunité qui lui est ici présentée.

Il se rendra vite compte de son erreur, ou du moins son successeur Jim Shooter. La version américaine de Métal Hurlant, Heavy Metal, cartonne dans les librairies et un sentiment d'opportunité manquée habite Marvel quand il s'agit d'évoquer cette nouvelle BD qui secoue le monde de l'art séquentiel. Alors Jim Shooter va mettre en place son propre magazine : Epic Magazine. Un magazine qui ne respecte pas le Comics Code Authority et qui est distribué uniquement dans le réseau des comics shops.

La première œuvre qui va être publiée dans ces pages ne sera nulle autre que Dreadstar, du pape du cosmique chez Marvel : Jim Starlin. Celui qui a redéfinit les grandes lignes de l'univers cosmique avec Adam Warlock ou Captain Marvel se lance dans un ambitieux space opera, aussi philosophique que psychédélique (qui n'est pas sans rappelé ce qu'il a déjà fait pour la Maison des Idées). Le ton est donné pour Epic.

Tout comme le magazine français qui lui sert de modèle, Epic aligne les séries de SF barrées et osées. I Am Coyote de Steve Englehart et Marshall Rodgers, qui dans sa seconde série fera débuter un tout jeune dessinateur : Todd McFarlane. Le fameux Alien Legion, créé par Carl Potts et qui présente une sorte de Douze Salopards de l'Espace. Ou encore Starstruck, série de SF féministe écrite par Elaine Lee et qui fait découvrir le talent incroyable du dessinateur Michael Kaluta, pépite bien gardée des comics.

Le magazine ne s'arrête cependant pas au seul genre de la science-fiction. Ainsi, Pat Mills et Kevin O'Neill, transfuges de 2000AD, vont offrir aux Etats-Unis leur Judge Dredd avec l'iconoclaste Marshal Law. Pendant que Groo de Sergio Aragonés parodie avec humour Conan. D'ailleurs au rang de la fantasy, on peut aussi noter Elfquest, œuvre de Wendy et Richard Pini qui présente une société d'elfes et qui a grandement contribué à l'établissement du graphisme presque désuet de la fantasy américaine.

Chapitre suivant >Qui s'y frotte s'Epic

Galerie

Alfro
à lire également
Commentaires (6)
Vous devez être connecté pour participer