Home Brèves News Reviews Previews Dossiers Podcasts Interviews WebTV chroniques
ConnexionInscription
Fight Club 2 #1, la review

Fight Club 2 #1, la review

ReviewDark Horse
On a aimé• Un propos plus riche que jamais
• Le même coup de poing, 20 ans plus tard
• Cameron Stewart parfaitement dans son élément
On a moins aimé• L'ironie des oeuvres comme Fight Club, c'est que ceux qui la liront ne sont sûrement pas ceux qui en ont besoin.
Notre note

Le monde a bien changé depuis 1996. Les connexions Internet ne sont plus limitées à quelques heures par mois, télécharger un film prend maintenant quelques secondes contre 3 jours des précurseurs du peer-to-peer et les auteurs phares des 90's ont pris quelques années dans la vue. Cynique témoin de son époque, Chuck Palahniuk n'échappe pas à la règle du temps qui passe, à la différence près que l'auteur du sulfureux Fight Club est aujourd'hui de retour pour mettre les points sur les "i", ne livrant pas moins que la suite de son best-seller dans un média inédit pour la saga, qui a démarrée en roman avant d'être consacrée au cinéma grâce au chef d'œuvre absolu de David Fincher. Presque 20 ans plus tard, les crocs de l'auteur à succès le plus enragé des États-Unis sont-ils toujours aussi acérés ? La réponse est oui, et ce n'est pas le seul miracle de ce premier numéro qui fera date. 

"This is your life and it's ending one minute at a time." 

La première difficulté qui s'impose quand on pense Fight Club 2, qu'on soit auteur ou simple fanatique du pamphlet nihiliste qu'est le premier volume, c'est de se questionner sur la légitimité d'une suite, d'inhérence presque antinomique avec le message de son aîné. Pourtant, l'auteur prend le taureau par les cornes et envoie voler les conventions en offrant cette suite en Bande Dessinée, bousculant ses personnages, qu'il ne conviendrait surtout plus de qualifier de héros. Devenus de vulgaires copies de copies, les deux sulfureuses moitiés qui composent le couple Sebastian / Marla ressemblent d'avantage à l'illustration des effets secondaires de l'industrie pharmatoxique, eux les ex-combattants d'une liberté fantasmée.  
 
L'autre problématique repose elle sur l'écriture. Comment bâtir son récit chez un spectateur qui connait déjà tout du twist qui lie Tyler Durden à son hôte ? En lui offrant une continuité, pardi ! Et quitte à tout se réapproprier, pourquoi ne pas le faire en deux lignes de dialogue et un indice de mise en scène en début de numéro seulement ? Lui qui avait pourtant réutilisé le personnage de Tyler Durden dans son dernier recueil de nouvelles l'invoque ici comme un esprit définitivement lié aux idées de paternité et de transmission, les deux sujets principaux de ce Fight Club 2. 

Si l'œuvre garde tout son aspect corrosif sur la société de confort de manière aussi jouissive qu'automatique, l'auteur veut pointer l'attention de son lecteur sur le fait de devenir père, un sujet au cœur de la vie de couple mortifère que mènent ceux qui sont maintenant parents d'une grande fille et d'un jeune garçon aux ambitions explosives, au sens le plus littéral du terme. En bon Nietzschéen convaincu, l'auteur rappelle qu'il est impératif de créer après être devenu, plutôt que de se contenter d'être, piégé par un système et un quotidien vampirisants. C'est là tout le génie d'un auteur admiré pour sa pensée, et ça ne fait de toute façon pas de mal de rappeler ce genre d'idées. 
 
Parfaitement prêt pour les joutes de la Bande Dessinée, ce dont on pouvait douter, l'auteur livre les dialogues cinglants comme les bonbons un soir d'Halloween, lui qui accompagne parfaitement Cameron Stewart dans sa performance proprement hallucinante, et qui se paye même le luxe d'un cliffhanger insoutenable, qui replace les enjeux de Fight Club #2 à tous les niveaux de lecture atteints par un premier numéro purement fabuleux. 
 

"On a long enough timeline, the survival rate for everyone drops to zero." 

Le suspens étant désamorcé, laissez-moi vous parler du niveau atteint par un Cameron Stewart qui n'en finit plus de s'imposer comme l'une des valeurs sûres du monde de la BD, lui qui n'était encore qu'un jeune auteur il y a quelques années - et qui est quelqu'un de tout aussi formidable dans la vie de tous les jours. Finesse de traits, détails sur tous les plans de chaque case, utilisation brillante du 4ème mur, appropriation de l'univers si particulier d'une saga qui vit au travers de ses acteurs, tout y est. 
 
Et si l'on parle découpage, l'auteur s'amuse à nous laisser croire à la symétrie des pages pour mieux la faire voler en éclats par les manifestations de l'omniprésence de Tyler, lorsqu'il n'offre pas directement des cases à l'alter-ego de Brad Pitt par de petites actes de délicieux vandalisme. Un bijou de symétrie et de réflexion, à la hauteur des ambitions de son diable de scénariste.
 
Notons également la magnifique couverture de David Mack, accompagnée par une batterie de variant covers signées par des artistes qui n'ont pas à rougir de leur talent, et que vous pouvez retrouver en galerie. 
 
Enfin, parce que ça nous tient à cœur, notons l'édition parfaite de Dark Horse, sans publicité, imprimée sur du beau papier, pleine de bonus et j'en passe. Un modèle du genre. 
 

"I wanted to mimic certain tricks that David Fincher did in the film."

Débarrassé des codes et des quotients de spectacularité que peuvent être "l'effet Saga" et/ou l'étiquette du "nouvel Alan Moore" (dès lors que l'on dépasse 3 niveaux de lecture) grâce à son passé en roman et au cinéma, Fight Club a vieilli avec ses fanatiques et revient comme un uppercut dans le menton de ses congénères interrogés par la transmission et la paternité, engoncés dans leur confort et leur vie trop bien rangée. Qui est l'homme qui se cache derrière le père ? 

Pour la petite anecdote, un peu plus personnelle, j'ai traversé ma vie en maudissant ma mémoire précisément à cause de Fight Club. J'aurais donné beaucoup pour redécouvrir le film sans en connaître le Twist pour revivre de nouveau les émotions que celui-ci procure. Ici, j'ai touché du doigt cette idée un peu folle, preuve que Chuck Palahniuk vient régler ses comptes, pas payer ses impôts.
Enfin, pour une anecdote beaucoup moins personnelle, sachez que David Fincher et Trent Reznor travaillent actuellement à l'adaptation en Opéra-Psyché (comprenez en spectacle vivant, façon U2 et Spider-man) de Fight Club. Oui, vous avez bien lu. 

Galerie

Sullivan
est sur twitter
à lire également
Commentaires (17)
Vous devez être connecté pour participer