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Mon ami Dahmer, la review

Mon ami Dahmer, la review

ReviewIndé
On a aimé• L'originalité de l’œuvre dans son ensemble
• La sobriété du propos
• La partie graphique très réussie
On a moins aimé• Parfois un peu lourd dans la narration
Notre note

Mon ami Dahmer raconte la jeunesse de Jeffrey Dahmer, un tristement célèbre tueur en série américain ayant avoué le meurtre de dix-sept personnes entre 1978 et 1991. Arrêté en 1991 il est condamné à 957 années de prison où il est assassiné par un codétenu en 1994.
Cette histoire, qui commence à l'époque du collège et se termine au premier meurtre, est écrite et dessinée par Derf Backderf qui a côtoyé Jeffrey Dahmer durant leurs années de collège et de lycée.

Backderf est un journaliste de formation et auteur, entre  autre, de comics strip. Il a commencé à écrire sur Dahmer en 1994, peu de temps après son décès. Plusieurs étapes et près de vingt ans ont mené à la publication l'année dernière (en VO) du roman graphique de 200 pages dont il est question ici.
En plus de ses propres souvenirs l'auteur a eu recours à de nombreuses sources : beaucoup d'entretiens avec des personnes ayant été en contact avec Dahmer à cette époque, articles de journaux, retranscriptions d'interrogatoires et même dossiers du FBI auxquels il a eu accès.

Je dois bien l'avouer, même après lecture des élogieuses critiques que cette œuvre a recueilli un peu partout dans le monde, j'étais plutôt septique avant de me lancer dans la lecture. Je craignais de tomber sur une sorte de BD-documentaire voyeuriste comme on en trouve un peu partout à la télévision, dans les journaux et dans les livres, avec pour seul différence le média bande dessinée.

Je vous rassure on en est loin. Même si j'ai quelques réserves sur certains choix de narration, mais  j'y reviendrai plus loin.

L'histoire est linéaire, ce qui permet de bien suivre l'évolution de Jeffrey Dahmer. Du collège où il est comme transparent, au lycée où il commence à se faire remarquer en simulant des crises d'épilepsie et en imitant le discours inarticulé et les tics spasmodiques  d'une personne atteinte d'infirmité motrice cérébrale. Cela lui vaudra d'ailleurs une certaine fascination de la part de quelques uns de ses camarades de classe qui iront même jusqu'à créer le « fan-club de Dahmer Â».
Mais cet intérêt n'ira jamais jusqu'à de l'amitié, un certaine distance sera toujours maintenu.


La narration se fait par la voix-off omniprésente de Backderf. Cela permet d'apporter de nombreuses informations et détails supplémentaires. Mais cela amène aussi, par moment, un peu de lourdeur à la lecture. Surtout lorsque les commentaires décrivent un peu trop ce que l'on comprend très bien par le récit seul, ou que l'auteur se répète (notamment dans les comparaisons qu'il fait entre sa vie à l'époque et celle de Dahmer).
Il y a également un passage où il apporte un détail qui est à la limite du mauvais goût, n'apportant rien à son propos sinon une ambiance malsaine. Mais je ne dis pas lequel, je vous laisse voir si vous ressentez la même chose.

Ces quelques défauts restent cependant minimes en comparaison de la qualité d'ensemble de l'ouvrage et du tableau sociétal dressé par Backderf. Un tableau loin d'être reluisant où il aborde aussi bien les atrocités sur les animaux et ce que cela révèle, le mal-être de l'adolescence, l'égoïsme des jeunes et l'indifférence des adultes, les tensions familiales, ou encore l'alcool utilisé comme échappatoire pour n'être au final qu'une voie sans issue.

Cette voie sans issue sur laquelle est embarqué Dahmer est d'ailleurs magnifiquement représentée dans le dessin de Backderf par l'omniprésence des routes. Mais des routes majoritairement droites, sans bifurcation possible, où un seul chemin est possible. Chemin qui mène d'ailleurs souvent à une impasse. Mais il ne s'agit absolument pas d'une métaphore d'une quelconque destinée. Loin de là.  Backderf semble au contraire persuadé que la vie de Dahmer aurait pu être bien différente, si quelqu'un s'était réellement intéressé à lui. Mais personne ne lui a tendu la main, personne ne lui a proposé un autre chemin. Il est resté seul dans sa descente au enfer.


Graphiquement Derf Backderf fait très fort avec un trait aux rondeurs qui n'est pas sans rappeler celui Robert Crumb. Les cadrages sont très bien travaillés, très cinématographiques. Et le visage de Dahmer est une vraie réussite : sans expression à l'exception de son regard angoissant, cela permet de contraster avec ses imitations et de rendre ce personnage d'autant plus intriguant et inquiétant.

Le coté « cartoon Â» du dessin évite de sombrer dans une ambiance trop glauque. On garde ainsi toujours une certaine distance avec l'histoire, ce qui est bien le but de l'auteur qui n'émet aucun jugement mais pose beaucoup de questions, n'épargnant personne, pas même sa propre responsabilité. Il se contente d'apporter un regard sobre sur le parcours qui a mené ce garçon mal dans sa peau, comme beaucoup à l'adolescence, à devenir un tueur.

Coté édition, la VF est sortie le mois dernier chez l'éditeur çà et là dans un format couverture souple soigné au prix de 20€. Nous y trouvons une préface par un écrivain spécialisé en criminologie, une introduction de l'auteur sur la genèse de l'ouvrage et de nombreuses notes de fin où il apporte sources,  détails supplémentaire et explications quant à certains de ses choix.

Une œuvre intéressante et originale par son thème et le traitement de celui-ci. Si on peut regretter les quelques défauts qui m'empêche de le ranger dans les incontournables de la bande dessinée indépendante américaine cela reste une lecture très conseillée qui ne vous laissera pas insensible et que vous n'oublierez pas à peine l'album refermé.

Crisax
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