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MF DOOM s'éteint : vie et mort d'un vilain de comics dans l'industrie musicale

MF DOOM s'éteint : vie et mort d'un vilain de comics dans l'industrie musicale

chronique

Figure tutélaire du hip hop underground, l'artiste Daniel Dumile, connu sous les pseudonymes MF DOOM, Viktor Vaughn ou King Geedorah, quittait ce monde en octobre dernier. Après quelques semaines de silence, l'épouse du musicien rendait publique l'annonce de son décès il y a quelques jours, pour clore une année chargée en mauvaises nouvelles du même genre. Le bonhomme n'avait que quarante-neuf ans, et une épaisse quantité de hauts faits au fil de ses trente années de carrière. 

Quantité de musiciens ont depuis rendu hommage à Dumile, depuis ses anciens collaborateurs (Madlib, Ghostface Killah) jusqu'à cette jeune génération de rappeurs inspirés par son style ultra-créatif et son indéniable talent de parolier (Tyler the Creator, Earl Sweatshirt). Pour ces musiciens contemporains de l'alternatif, passés après les réinventions de ces quinze dernières années pour imposer une variété de styles inédite jusqu'alors, DOOM a tout d'un authentique précurseur : en marge des modes, avec son propre persona et sa mise en scène travaillée, à la recherche de ses propres sonorités. Le rappeur JPEGMAFIA dira de lui qu'il était "ce weirdo noir" auquel il pouvait s'identifier, ni gangster, ni flambeur, un produit d'une culture rétro' où l'art urbain s'inspirait, entre autres, des comics de super-héros.
 
Plusieurs artistes de bande-dessinée rendront eux aussi hommage à Dumile en l'espace de quelques jours, parmi lesquels Ed Piskor, Jim Mahfood ou Michel Fiffe, trois grands amateurs de street art et de l'imagerie hip hop, liés d'une certaine façon à l'iconographie MF DOOM sur un plan séquentiel. Le mystérieux rappeur au flow monocorde opérera une bonne partie de sa vie en suivant un mantra particulier : celui du super-méchant, planqué derrière un masque inspiré par un certain dictateur de Latvérie, pourfendeur des Quatre Fantastiques et adversaire de la superficialité du rap moderne. Un super-vilain devenu son propre personnage, hérité de Jack Kirby et des goodies Hasbro, sorti d'une case de BD pour conquérir le monde de la musique et réduire l'humanité en esclavage. Rêve caché de tout éditorialiste en herbe cherchant à mêler la thématique du hip hop et des comics, Daniel Dumile reste à ce jour la seule adaptation viable du personnage de Doctor Doom, et pas forcément sur les écrans de cinéma.

Origin story d'une origin story


 
Le style de DOOM résulte d'un métissage culturel historique pour ces jeunes afro-descendants des quartiers pauvres de New York, fascinés par la lecture de BDs traditionnellement destinées aux jeunes blancs à lunettes de la classe moyenne américaine. Pour le hip hop, les comics, et principalement ceux de l'écurie Marvel, représenteront l'une des sources d'inspiration principales à différentes échelles du mouvement : pour le street art, et pour l'iconographie des premiers MCs jusqu'à l'avènement du Wu-Tang Clan, avec ses Johnny Blaze (Method Man), Tony Starks (Ghostface Killah) et les emprunts à Spider-Man d'Inspectah Deck. Dès les premiers pas de ce genre nouveau, les comics s'invitent dans les référents en vogue, compatibles avec la culture de l'alter-ego, des démonstrations de force et des battles chères à l'imagerie en construction d'une musique de passionnés.
 
"C'était comme ça à l'époque. Je n'en collectionne plus trop aujourd'hui, mais en ce temps là, avant l'ère d'Atari, avant que les jeux vidéo ne deviennent à la mode, les comics c'était le truc capital. J'aimais tous les personnages."
 
Dumile, né au Royaume-Uni, déménage avec ses parents dans la banlieue de New York pendant son enfance. Il se plonge dans la lecture de comics, avant se tenter sa chance dans le hip hop sous le pseudonyme Zev Love X avec son frère, Dingilizwe Dumile, dit DJ Subroc et Onyx the Birthstone Kid. Leur groupe, KMD, sort un premier projet en 1991 salué par la critique. Cette première aventure dans le monde de la musique marque un coup d'arrêt brutal après la mort de Subroc deux années plus tard. Le jeune Daniel, en deuil, va alors s'éloigner quelques années des studios et errer entre Atlanta et New York, se retrouvant souvent à la rue à squatter dans les parcs et sans le sou, avant de trouver l'inspiration de son retour sur scène.
 
Pendant le second semestre de 1997, un rappeur mystérieux écume les clubs de New York, masqué, oscillant entre différents genre de déguisements. Bandanas pour se cacher le visage, masque de Star Wars peint au spray par un ami graphiste, Blake Lethem, avant de définir le style qui marquera le reste de sa carrière. Storytelling de tyran en conquête, ce nouvel entrant se décrit comme un ennemi de l'industrie musicale, venu pour se venger de la bestialité du hip hop qui l'avait laissé pour mort pendant des années. 
 
 
Blessé au visage, MF DOOM cacherait derrière un masque de métal ses cicatrices d'une vie passée où sa naïveté de jeune homme lui fut arrachée. Troquant un sweatshirt à capuche vert pour imiter la cape du Doctor Doom de Jack Kirby, un accessoire du film Gladiator derrière lequel enfouir son identité, et une nouvelle construction de style qui jouera en permanence sur la mise en abyme de son propre rôle, Dumile invente un personnage qui fera date en piochant dans ses propres obsessions de jeunesse.
 
"Le personnage de MF DOOM est une combinaison de tous les vilains à travers l'histoire. Il y a d'abord le méchant masqué, comme dans le Fantôme de l'Opéra. Evidemment, il se mélange avec le Doctor Doom, et même avec le personnage de Destro de G.I. Joe. C'est une icône de la culture américaine.

La façon dont les comics sont écrits démontre la dualité de certaines choses, comme par exemple le fait que le vilain n'est pas vraiment le vilain si on voit les choses de son point de vue. En utilisant ce style d'écriture, je me suis dit que je pouvais retourner la technique dans le hip hop, un truc que personne n'avait fait jusqu'à présent. Je cherchais un angle inédit. C'est à ce moment là que j'ai eu cette idée du personnage, et que j'ai posé les bases : j'allais être le vilain." 

Le personnage de Victor Von Doom évoque la trajectoire de Dumile après ses années d'adolescence : émigré aux Etats-Unis, ce jeune étudiant brillant finira par être défiguré lors d'une expérience de laboratoire, pour avoir tenté de communiquer avec le monde des morts. Doom arpentera alors le monde avant de finir par s'échouer au Tibet, où il étudiera et préparera sa vengeance en se concevant une armure et un masque qu'il ne quittera plus jamais. Bardé d'une cape verte évoquant la faucheuse dans l'esprit de Stan Lee et Jack Kirby, ce personnage deviendra l'un des alpha super-méchants de l'écurie Marvel, convoquant par sa seule présence une puissance aristocratique doublée d'un génie machiavélique unique en son genre. Dumile puise dans la personnalité et le style du vilain des Quatre Fantastiques, auquel il ajoute le préfixe MF, pour Metal Face
 
 
Sous cette identité, l'artiste sort un premier album en 1999 baptisé Operation : Doomsday. La jaquette originale de ce projet assume très largement l'emprunt au personnage de Marvel, en reprenant le design d'un Doom en streetwear, microphone à la main. Les différents interludes de ce premier album tapent très largement dans le mythe des Quatre Fantastiques, avec des samples de dialogues du dessin animé de 1967 produit par Hanna-Barbera sur les personnages de la Maison des Idées, entre autres références au détour de l'un ou l'autre couplet. La pochette originale provient également de ce cartoon d'époque : grand fan des héros de Lee et KirbyDumile possédait les VHS du dessin animé et se sera contenté de décalquer au crayon une scène où le super-méchant parle dans un micro, depuis son propre téléviseur.
 
Tiré à un nombre d'exemplaires restreint, Operation : Doomsday obtiendra vite un statut d'objet rare pour les amateurs de hip hop underground, sans s'attirer les foudres de Marvel au moment de sa sortie. Lors d'une réédition tardive quelques années plus tard, l'entreprise aurait toutefois interdit à l'artiste d'utiliser le visuel original, évoquant un peu trop le Doctor Doom originel selon les ayant droits. Marvel aurait même envoyé, selon la légende, une injonction restrictive au musicien, qui dut proposer un visuel plus proche de son costume définitif. Dumile n'évoquera pas l'affaire publiquement, loin de l'esprit querelleur de son personnage en dehors du studio, et toujours accroché à son amour des super-méchants sur le reste de sa carrière. 

MF DOOM sur Terre-2


 
La première moitié des années 2000 est une période faste pour le musicien, qui enchaîne les projets sous différents alias. Sous le pseudonyme King Geedorah, Dumile travaille une autre de ses obsessions de jeunesse : le folklore des monstres géants du cinéma japonais, mis en scène dans l'album Take Me to Your Leader en 2003. La même année, l'artiste sort également Vaudeville Villain, un projet placé dans une identité parallèle à celle du super-méchant MF DOOM, Viktor Vaughn. Le nom de ce nouveau personnage est une autre référence à Victor Von Doom, que Dumile présentera comme une version alternative de son avatar vengeur, cette fois venu d'une réalité parallèle.
 
"Viktor arrive à Brooklyn. C'est là qu'il s'est téléporté, avant que son appareil de voyage-dimensionnel se mette à déconner. Il rencontre Heat Sensor (ndlr : producteur sur l'album Vaudeville Villain) dans un bar du coin, et il se trouve que les deux ont quelque chose en commun : lui-aussi faisait des expériences sur le voyage à travers l'espace-temps."

Pour Dumile, l'alter-ego Viktor Vaughn est une nouvelle opportunité de se réinventer : après avoir composé l'essentiel des sonorités sur le projet Operation Doomsday, l'artiste se contente de rapper en laissant à d'autres le soin d'ajouter les samples et les mélodies. Cette identité lui permet aussi différents jeux de mise en scène : Vaughn est un rappeur plus jeune que DOOM, porté sur les battles et les rixes dans les clubs de hip hop, et le rival de son propre double. Dans un morceau publié sous cet alias, Viktor va reprocher à sa copine de l'avoir trompé avec MF, comme une mise en abyme de ses différents personnages évoluant dans un même univers de fiction.
 
 
 
En s'ouvrant à d'autres styles, Dumile va faire la connaissance du producteur Madlib, autre figure tutélaire du hip hop underground de cette période. Les pontes du label Stone Throw Records arrangent une rencontre entre les deux artistes. L'entente prend immédiatement : symbiotiques sur le plan musical comme dans leur rapport à l'identité mise en scène - Madlib venait alors de lancer son propre rappeur de fiction, Lord Quas, un alias virtuel qui lui permettra de s'essayer au rôle de MC le temps de deux albums et d'une compilation - l'un et l'autre s'accordent pour former le duo MadVillain. Leur album commun, Madvillainy, entrera dans la légende en 2004, considéré comme l'un des chefs d'oeuvres de ce genre musical, alliance parfaite des sonorités élaborées de Madlib et de l'excellence vocale de DOOM, vilain érudit adepte des lectures croisées et des métaphores obscures cerclées de culture pop' indéchiffrable.
 
A l'occasion de cet album, le morceau All Caps est mis en images sous la forme d'une déclaration d'amour en deux dimensions aux comics du Silver Age. Fruit d'une expérience de laboratoire malheureuse, DOOM se transforme en équivalent  masqué du Ben Grimm des Quatre Fantastiques, arborant le chapeau et le pardessus emblématiques du personnage dans le civil. Le clip épouse la structure d'un comics rétro', avec de fausses publicités désuètes entre les pages et une fin ouverte invitant le lecteur à revenir pour le numéro suivant. 
 
 
Sur la ligne d'arrivée, le projet MadVillain décrit le combat de deux super-méchants incompris par la société. Madlib y pose quelques couplets sous l'avatar de Lord Quas, également inspiré par la bande-dessinée et les cartoons des années soixante, plus dans le style d'un personnage de Robert Crumb que d'un super-héros Marvel. Dumile quitte la première moitié des années 2000 sous un accueil triomphal, avec son monstre extra-terrestre inspiré par la Toho, son duo de super-vilains implacables et sa propre déclinaison venue d'une réalité parallèle pour mener bataille. 
 
Le rappeur termine l'année avec le projet Mm..Food, où il collabore avec un certain Mr. Fantastik, rappeur mystérieux qui endosse le pseudonyme pour l'hommage au héros de Marvel, sur le morceau Rapp Snitch Knishes. Après 2004, MF DOOM est arrivé à ses fins : le rappeur a obtenu sa vengeance, et conquis l'industrie musicale qui l'avait laissé sur le banc de touche.

Doombots et Team-ups


 
Dans la foulée de cette boulimie de projets, Dumile fait partie des invités de Gorillaz sur le second album du groupe, Demon Days, en 2005. L'artiste enregistre le morceau November Has Come avec le groupe virtuel, à l'aise avec le sacerdoce général de Damon Albarn et Jamie Hewlett pour la mise en images de musiciens fictifs inspirés par la bande-dessinée et le dessin animé. Le dessinateur de Tank Girl illustrera même le malveillant MF DOOM le temps d'un mince storyboard, utilisé pour la démo visuelle du morceau. 
 
Sur Demon Days, Dumile fait la rencontre du producteur Brian Joseph Burton, dit Danger Mouse, embauché par Albarn pour le mixage et la sonorisation de l'album de Gorillaz. Les deux compères se recroiseront à plusieurs reprises avant de s'engager dans un autre projet commun sous le pseudonyme Danger Doom, The Mouse and the Mask. Moins bande-dessinée que cartoon, cet album particulier abandonne les sonorités de l'underground traditionnel pour un emprunt général aux dessins animés de la chaîne Adult Swim. Les diffuseurs de Rick & Morty acceptent de jouer le jeu, en donnant leur accord au groupe pour les différents samples employés par Burton sur les instrumentales du projet, pensé comme une réflexion ironique sur la vie des personnages dans un monde d'animation. Les voix officielles des séries Aqua Teen Hunger Force et Family Guy participeront à l'album, en plus de références à Futurama ou Harvey Birdman, entre autres productions Adult Swim.
 
Avec The Mouse & the Mask, MF DOOM croise également la route du rappeur Ghostface Killah, membre du Wu-Tang Clan et autre admirateur des super-héros de Marvel. L'un et l'autre collaboreront à plusieurs reprises sur différents morceaux avant d'annoncer un album commun, DOOMSTARKS, qui ne verra hélas jamais le jour. Après un dernier album solo en 2009, Born Like This, Dumile enchaîne les collaborations et les projets de groupe, travaillant avec Thom Yorke du groupe Radiohead, le rappeur Jneiro Jarel avec qui il forme le duo JJ DOOM, et Bishop Nehru pour l'album NehruvianDOOM, illustré par l'artiste Ghostshrimp de la série animée Adventure Time.
 
 
Au tournant des années 2010, Dumile est accusé d'utiliser des imposteurs lors de ses tournées après avoir été pris la main dans le sac lors d'un concert à Toronto. Pour les performances scéniques, l'artiste avouera avoir plusieurs fois envoyé des inconnus sous le masque pour jouer à sa place certains de ses morceaux devant le public. Lors d'une interview au New Yorker, DOOM assumera complètement cette stratégie atypique.
 
"Je suis le scénariste et le réalisateur. Si moi, j'allais sur scène en ne portant pas le masque, les gens se diraient 'c'est qui ce connard ?'. Le prochain coup, je vais peut-être envoyer un blanc à ma place. Peu importe qui joue le personnage, c'est un personnage. Je pourrais même envoyer un Chinois. Je pourrais envoyer tout le groupe des Blue Men à ma place."

A l'aise avec cette mise en abyme du rôle de MF DOOM, le rappeur expliquera à plusieurs reprises jouer sur les attentes du public et le persona du masque comme représentant d'une pure création. Avec le temps, cette manigance deviendra l'une des signatures de DOOM en tant que super-vilain, qui trahit le spectateur en utilisant un double artificiel. Le public finira par s'amuser de cette pratique, surnommant affectueusement les remplaçants de Dumile de "Doombots", en référence à l'armée de robots fabriqués par Doctor Doom dans les comics Marvel pour aller au combat à sa place. Au cours d'un festival organisé par Adult Swim, le musicien Flying Lotus, grand fan du rappeur, invitera le comédien Hannibal Buress sur scène en le faisant passer pour Dumile, caché derrière le masque emblématique. Une part de la légende du super-méchant, avec son propre bataillon de clones pour vendre la tromperie de la scène.
 

 
Sur ses dernières années, l'artiste fut interdit de séjour aux Etats-Unis. Revenu d'une tournée en Europe, Dumile n'obtiendra pas de permis de séjour dans le pays, encore citoyen britannique malgré ses longues années passées en Amérique. Il s'installera en Angleterre pour le reste de sa carrière musicale, une Latvérie de substitution où le bonhomme collaborera avec toute une série de musiciens jusqu'à récemment. 
 
Son ultime projet fut une fois de plus pensé comme un hommage aux comics, et un dernier team-up avec cette génération de rappeurs bercés aux bande-dessinées de super-héros. MF DOOM s'associait avec le collectif Czarface pour l'album Czarface Meets Metal Face, dernier combat du vilain contre un surhomme en armure, à son image, il y a un petite paire d'années.
 
Derrière le patronyme Czarface se cache en réalité le rappeur Inspectah Deck du Wu-Tang Clan, complété par le duo de producteurs 7L & Esoteric, deux nostalgiques du boom bap et des sonorités d'un hip hop rétro en décalage avec les modes du moment. Via une série d'albums reprenant l'iconographie des couvertures de comics de Marvel, le personnage de Czarface entendait sauver les auditeurs de rap nostalgiques du trop plein contemporain, pour les amateurs de samples, d'interludes bavards et des rimes épaisses de l'ancienne époque. Czarface Meets Metal Face donne l'occasion d'une rencontre entre héros et vilain, crossover estival et musical pour les amoureux d'un underground perdu. Là-encore, l'imagerie devait faire écho aux passions communes aux deux artistes, comics, cartoons et goodies. 
 

October has come


Le parcours de Daniel Dumile, embarqué avec ses différents personnages, styles et alter-egos, s'est achevé au terme de cette dernière démonstration de force. Après avoir fait évoqué à plusieurs reprises la possibilité de travailler une fois encore avec Madlib, Danger Mouse ou de réaliser un album commun avec Ghostface Killah, le rappeur s'éteindra, presque par surprise, en hors champ d'une carrière passée à composer l'imagerie d'un super-vilain invincible. 

L'hommage rendu par l'artiste Ed Piskor dans la série Hip Hop Family Tree symbolise toute la puissance du masque de MF DOOM, avatar d'une passion croisée entre amateurs de comics de super-héros et auditeurs d'un courant musical en perpétuelle évolution, peut-être plus encore que les acharnés du Wu-Tang, Eminem ou des artistes de rap français fanatiques du mythe de Gotham City. Cette curiosité de gamin pour les super-méchants permit aussi au rappeur de s'ouvrir à d'autres styles, d'autres thématiques que les ténors du mouvements, pour pousser les murs de l'expression musicale de son temps.

Partis des comic shops de New York vers les bloc parties des quartiers noirs, Daniel Dumile représente surtout cette génération de lecteurs inattendus pour la BD des surhommes, déclinés en futurs artistes de tout bord encore accrochés aux aventures des Quatre Fantastiques, des X-Men ou de Batman, à quelques encablures. Immense talent de l'écriture et de la mise en scène, l'artiste aura enfanté toute une armée de jeunes rappeurs prompts à s'ouvrir à d'autres styles, d'autres narrations ou d'autres personnages, en n'oubliant pas de livrer le seul Victor Von Doom valable une fois les BDs remises dans l'étagère. Un héritage inattendu à l'oeuvre de Jack Kirby, et peut-être aussi l'un des plus passionnants.

Corentin
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