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Un Chevalier Noir du papier à l'écran : rencontre avec Paul Dini

Un Chevalier Noir du papier à l'écran : rencontre avec Paul Dini

InterviewUrban

Présents parmi les invités Urban Comics au dernier festival d'Angoulême, le scénariste Paul Dini nous a accordé un peu de son temps, car nous ne pouvions pas manquer de le retrouver, un peu plus de deux ans après son passage à la PCE en 2016. De quoi faire le point sur ses derniers projets et de causer Batman en long et en large, puisque ce dernier fête ses 80 ans cette année. Une interview à découvrir ci-dessous. Bonne lecture !


Bonjour Paul et merci de nous accorder de ton temps. J'ai une question directe : qu'est-ce que tu fais en ce moment ? 

En dehors d'être présent dans cette belle ville d'Angoulême, en ce moment, j'écris beaucoup. Pour différents supports. Je ne peux pas trop en parler pour le moment. L'un de ces projets est pour DC Comics, dont tu entendras certainement parler dans les prochaines semaines. 

L'autre projet est une histoire que je fais pour Detective Comics #1000. Ca s'appelle "The Legend of Knute Brody" et c'est un documentaire télévisé sur le pire homme de main de Gotham City. C'est un loser, un lâche qui a réussi à travailler pour certains des criminels les plus notoires de la ville, et tout le monde le déteste. A chaque fois que Batman arrive, il s'enfuit où est assommé, et les vilains veulent donc le tuer. Et justement, l'un deux affirme qu'il a réussi à le tuer. Au delà de ça, l'histoire pose la question "qui sont les hommes de main qui servent l'élite criminelle de Gotham ?". C'était très amusant à écrire, et j'ai réussi à placer seize vilains dans cette histoire, avec des rôles différents : de Joker à Tow-Face en passant par Condiment King, ils sont tous là !


Je suis très honoré de faire partie de ce Detective Comics #1000, aux côtés d'artistes et auteurs tels que Jim Lee, Scott Snyder, Dennis O'Neil, Neal Adams, Kevin Smith, Frank Miller... Ils contribuent tous d'une façon ou d'une autre à ce numéro. C'est vraiment super d'être avec ceux qui ont aidé à définir le personnage.

D'autant plus que Batman a  une place très importante dans ta vie, comme tu le racontais dans Dark Night : A True Batman Story. Que penses-tu de l'évolution du personnage ? 

Je pense qu'elle montre la résilience et la longévité du personnage, en premier lieu. Batman est un bon personnage pour raviver ton imagination. Quand tu es un artiste, tu peux adorer le dessiner comme une ombre mouvante, avec une cape immense. J'en discutais hier avec Frank Miller, lui voudrait s'amuser à lui faire une cape très courte, alors que Jock voudrait la dessiner comme si elle n'a pas de fin. J'aime cette idée. Cette cape n'a pas de restrictions à suivre, ou de règles de physiques. Et je pense que tout ce qui va visuellement avec Batman - sa voiture, sa cave, ses vilains bizarres - est un cadeau pour les artistes. Il y a tellement de façon de raconter des histoires visuellement que ça me surprend toujours.

Je me rappelle d'un épisode de la série animée où Batman et Superman sont présents tous les deux. Il y avait cette image de Bruce Wayne dans l'ombre de ses parents, qui en s'étendant formait le symbole du Bat-signal. Il n'y a pas d'image plus éloquente que ce n'importe quel auteur pourrait décrire. Mais pour les auteurs, Batman est une superbe opportunité pour explorer sa psyché, celle de ses alliés et adversaires, et leur apporter un référentiel humain. J'ai toujours aimé écrire Batman, son monde, la nature de Gotham, c'est une merveille façon de laisser libre cours à ton imagination.

On va aussi fêter le 26e anniversaire de Harley Quinn...

On va vraiment fêter ça ? (rires)

Non, mais on a fêté ses 25 ans l'année dernière ! Que penses-tu de son évolution ces dernières années ? 

Je l'adore. Elle est passée d'un personnage marginal à quelqu'un qui importe à beaucoup de personnes, et pas seulement les fans qui la trouvaient amusante au début. Elle représente aussi cette idée que tu peux faire de mauvais choix, mais te relever après et aller de l'avant. Que tu peux établir ta propre identité, tu n'as pas à te restreindre vis-à-vis d'un partenaire, ou de toi-même. J'ai toujours dit que tout le monde peut être Harley Quinn, et j'adore la voir sonner à ma porte à Halloween, par exemple. Pour moi, en son coeur, c'est une farceuse. Récemment, elle ressemble à une femme séduisante de 28 ans, mais tout le monde peut avoir Harley en soi.


Tu as travaillé sur l'ancien DCAU, et aussi sur la série animée Justice League Action il y a peu. Pourtant on ne voit plus trop de séries animées DC ces derniers temps. La mode est définitivement passée ? 

C'est une histoire de cycles. Dans les années 1990, il y avait un motif à proposer beaucoup d'animation pour un studio de télévision. Il y avait beaucoup de dessins animés à programmer pour lorsque les enfants rentraient d'école, et il y avait beaucoup de compétition entre Warner Bros. et les autres qui fournissaient des programmes animés - et je ne te parle pas du samedi matin. 

Avec l'arrivée du câble, puis de services comme Netflix et Amazon, les choses ont changé. Les projets ne se financent plus de la même façon. La façon de diffuser les séries a changé aussi. On a plus ce qu'on avait dans les années 1990, mais les personnages sont toujours là. Je ne dis pas que ça ne reviendra jamais, mais ce n'est pas le cas en ce moment. Je n'ai plus fait d'animation depuis quelques temps parce que je travaillais sur d'autres projets. Plutôt que de rester et travailler sur des oeuvres qui ne m'auraient pas plu, j'ai préféré aller de l'avant et tester quelque chose de complètement différents. 

J'ai la chance qu'avec Batman et Harley Quinn, on associe des choses plutôt positives à mon nom, ça m'a permis d'avoir d'autres opportunités avec eux, et même par la suite avec mes propres personnages - ce à quoi je tends le plus à me consacrer.

Tu as écrit pour la télévision, pour des comics, et aussi pour du jeu vidéo. Quelle est ton expérience préférée ? 

Je dirais la télévision. J'aime son immédiateté. Tu ne travailles pas pendant des années comme pour un film, ça se fait dans un petit intervalle de temps. Je peux écrire un épisode en janvier et ce serait diffusé en octobre, ce qui donne un bon rendement. J'aime bien aussi les comics, mais j'adore voir le tout prendre vie, avec un superbe casting vocal, l'accompagnement musical, et tout ce que ça peut t'apporter en terme d'émotions.


Tu as lu ce que fait Tom King sur le personnage ? Qu'en as-tu pensé ?

C'est un auteur fantastique, il arrive vraiment à rentrer dans la tête du personnage. C'est un peu difficile d'être à jour avec tout, Batman peut-être présent parfois dans quatre titre différents à la semaine ! J'arrive à faire le tour d'à peu près tout, et en ça je remercie les comics numériques. Si je devais aller au comic shop et prendre mes single issues en physique, je n'aurais déjà plus de place chez moi !

C'est intéressant, tu mentionnes que Batman peut être présent jusque dans quatre titres par semaine. Tu ne crois pas que DC sort trop de Batman ?

Hé bien, chacun a sa version préférée de Batman. Tu peux ne pas aimer celui dans le titre principal ou dans Detective Comics, mais préférer celui qui évolue dans Justice League, ou un autre titre dans lequel il est. Il y a un peu de tout pour chacun. Je ne crois pas qu'il y ait trop de Batman, les gens peuvent être sélectifs et se concentrer sur le Batman de leur série préférée.

On voit aussi une certaine insistance, en comics avec le Batman Who Laughs et à la TV avec Titans, d'un Batman qui tue. Ca te parle ?

Ca dépend de l'histoire qui gravite autour. Je n'ai jamais pensé à lui comme un personnage qui doit tuer. Je n'ai pas vu Titans et je n'ai pas tout lu de ce qui est sorti récemment, mais si ça permet de l'amener dans une direction intéressante, alors pourquoi pas ? Si c'est juste pour un petit moment. Mais c'est une règle qu'il ne tue pas. Il est très intelligent, et s'il existe une seule façon de ne pas tuer, il la choisira, comme Superman. Si l'histoire n'est pas bonne et qu'on utilise ça que pour choquer, alors je pense que tu devras revoir ton scénario. Au final, on part d'un personnage en costume, qui représente des idéaux.


On voit que DC Comics s'essaie à sortir du direct market, notamment avec la gamme Walmart. On dirait bien que les éditeurs ont besoin de sortir des comic shops pour continuer de vendre des comics, non ?

Je suis d'accord à 200%. La toute première fois que j'ai déjeuné avec Diane Nelson, je lui ai dit qu'il fallait rendre les comics accessibles à de nouveaux lecteurs. Je ne dis pas que l'idée vient de moi, ils ont certainement dû y penser aussi. Je maintiens que pour avoir des nouveaux lecteurs, il faut placer les comics là où ils peuvent se les procurer. J'ai remarqué qu'Archie Comics avait rencontré un certain succès en mettant ses comics en magazines dans les comptoirs caisse des super-marchés. Et je me rappelle que tout lecteur d'entre 30 et 60 ans, étant petit, allait acheter ses comics dans des magasins - pas des comic shops, mais des boutiques, un kiosque, une pharmacie.

L'idée que les gamins peuvent avoir un comicbook entre les mains, pendant que leurs parents font leurs courses, c'est du potentiel. Les plus jeunes ne vont pas lire des comics en numérique, il leur faut quelque chose de physique. Et j'ai toujours pensé que le succès c'est d'avoir des comics avec du matériel original, qui n'est pas nécessairement lié à la continuité, et qu'ils soient placés là où l'on trouve des enfants. Aux US, c'est à Walmart, c'est à Target, dans ces chaînes de magasins. Ca a l'air d'être un succès, et ça pourrait permettre de sauver le business.

Mon frère me disait quand on était plus jeunes que l'endroit le moins accueillant pour un gamin, c'est un comic shop. Il y a du métal très fort, des personnages féminins sexy, des images violentes... Ce qui est très bien pour les ado' ou un public young adult, mais autant mettre un écriteau "les enfants ne sont pas les bienvenus" ! C'est dommage, car tu as plein de publications qui pourraient leur convenir, mais tu n'as pas le point d'entrée qu'il faut. Un gamin pourra connaître Batman depuis un dessin animé, mais les publications actuelles ne sont pas forcément adaptées. Alors autant mettre des comics à Walmart et envoyer le message aux parents : voilà des comics que vos enfants peuvent lire.


On m'a d'ailleurs proposé d'écrire pour l'un des titres, pour m'occuper de la série Wonder Woman, mais le timing n'était pas bon. C'est Jimmy Palmiotti qui l'a repris, et il fait un super travail. On veut plus de choses comme ça ! Il faut plus de comic shops, et plus de librairies, de façon générale. Et on a besoin de plus de Dupuis, Dargaud, ce qui vient de France et Belgique, c'est génial mais on ne les trouve qu'ici. Il faut que les comics fassent partie du langage quotidien des enfants, afin de maintenir ce média en bonne forme.

On peut y voir une initiative similaire avec les titres Wonder Comics ? 

Oh, oui. J'aime beaucoup ce que fait Brian Bendis avec ça. Je savais qu'il avait de grandes idées quand il est passé de Marvel à DC. C'est un homme très créatif, capable de parler aux lecteurs hardcore, et aussi aux plus jeunes. Je suis vraiment très excité pour la ligne qu'il va sortir. 

Tu serais intéressé d'écrire pour du young adult ? 

J'ai eu quelques discussions avec Bendis de temps en temps, mais on en revient toujours aux emplois du temps. Je pense qu'on pourra se parler sérieusement un jour ou l'autre, ça m'intéressait beaucoup, c'est toujours quelque chose de neuf. J'ai d'ailleurs quelque chose en travaux qui sera très différent de ce que tu as pu lire de moi. Ca arrivera à un rythme bimestriel, à partir du milieu de l'année, mais je ne peux pas encore en parler.

Le creator-owned ne t'intéresse pas ? Tu avais réussi à financer par Kickstarter ton comicbook Hiss & Boo... 

Kickstarter a été une expérience intéressante, et je pense que c'était la seule façon d'y arriver. C'était une histoire classique de Looney Tunes avec une approche assez sombre, et c'est difficile pour un éditeur de faire un saut de la foi sur ce genre de projet. Mais les fans ont montré leur soutien. Chaque année, je publie une histoire de Jingle Belle, maintenant chez IDW. C'est une histoire amusante de la fille adolescente du père Noël. Très peu de gens la lisent, mais c'est toujours satisfaisant quand j'en sors un chapitre. C'est quelque chose qui est très spécial pour moi, et je les fais d'ailleurs pour moi !

Merci beaucoup !

Remerciements : Louise Rossignol, Clémentine Guimontheil

Arno Kikoo
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