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Bloodshot Salvation : point d'orgue d'une saga exemplaire

Bloodshot Salvation : point d'orgue d'une saga exemplaire

chronique

C'est en 2014 que l'auteur Jeff Lemire reprenait à son compte le personnage de Bloodshot pour une nouvelle série chez Valiant Comics. Sous l'intitulé Bloodshot Reborn, le scénariste se proposait de mettre le personnage face à sa condition, avec un polar psychologique qui se sera profondément étendu dans une saga aux genres divers, avec un exercice de variation sur ce qu'est Bloodshot.

Quatre ans plus tard, Lemire s'apprête à nous dire au revoir, mais les lecteurs français auront eu une appréciation plus rapide du travail du bonhomme. Bloodshot Reborn s'est offert à nous en 2016, avec la venue de Bliss Comics sur le marché français, et en seulement deux ans, après cinq albums, on aurait pu croire que le sujet aurait été abordé dans son ensemble. Il n'en est rien, et le premier tome de Bloodshot Salvation est là pour nous le rappeler.

Variation sur un thème connnu

Loin de l'imagerie de l'homme-soldat-machine sanguinaire et bourrin dont on a peur qu'un prochain film soit l'unique reflet, Bloodshot a réussi sous la plume de Lemire à avoir un véritable caractère, et une personnalité travaillée, torturée qui l'aura immédiatement rapproché du lectorat. Entre la créature de Frankenstein qui accepte peu à peu sa part monstrueuse, un prototype de soldat inconnu qui se résigne à laisser tomber son passé pour embrasser le présent, l'homme au visage pâle n'aura cessé d'évoluer. Dans Bloodshot Reborn, un cheminement intérieur voyait le personnage tour à tour affronter son parcours et sa condition. La perspective de revenir à une vie normale cédait face à la responsabilité d'être le seul à pouvoir assumer le rôle de Bloodshot.


Par la suite, cette conviction venait à être ébranlée lorsque Lemire décidait d'étendre le lore du personnage, au travers de l'idée simple qu'il a plantée dès le début de son run : Bloodshot n'a pas à se limiter qu'à un seul personnage. La stature d'arme humaine, d'un produit de commande (qu'on peut voir comme un commentaire sur ce qui a poussé Valiant à lancer le personnage il y a quelques décennies), ne pouvait être monopolisée par Ray Garrison seul. En découle l'idée d'un bataillon de soldats à la peau blanche et yeux rouges, qui permettaient de remonter le fil de l'Histoire de l'humanité et de ses innombrables guerres. Au final, qu'il soit né pour la Seconde Guerre Mondiale ou bien le Vietnam, c'est l'humain derrière l'arme et la technologie qui transparaît, et que Lemire s'est attachée à dépeindre.

Dans Bloodshot USA, peut-être le moins réussi de la saga malgré un côté divertissant indéniable, le concept "Bloodshot peut être n'importe qui" se voyait poussé jusqu'au bout. Les nanites, robots minuscules qui confèrent les capacités physiques exceptionnelles et les pouvoirs de régénération de Bloodshot, sont utilisées comme un agent pathogène, un virus qui fait perdre toute humanité à celui qui l'attrape. Lemire passe alors dans un scénario de film catastrophe, ou viennent se mêler d'autres personnages de l'univers Valiant


Un blockbuster dont la ligne de mire est malgré tout très claire : par opposition aux débuts de Bloodshot Reborn, qui voyait l'anti-héros enfermé dans sa solitude, le titre se conclut avec la construction d'une famille potentielle. En effet, Lemire aura aussi, petit à petit, démarré une histoire d'amour entre Ray et Magic, jeune femme paumée retrouvée dans les premiers numéros de la série initiale. La belle et la bête dans un registre plus moderne et bien plus violent. Et si l'on avait vu des bribes de relation se construire, c'est sur cet angle, encore peu exploré par Lemire, que va se faire cette nouvelle proposition : Bloodshot Salvation.

Une histoire de famille

La famille dysfonctionnelle, ou les relations familiales plus généralement, sont au coeur de nombreux travaux dans l'oeuvre de Lemire, qu'on aille du côté de ses créations indé (Sweet Tooth, Royal City, Black Hammer) ou lorgner dans le mainstream (Green Arrow). Après avoir fait miroiter longtemps cette possibilité, c'est à Bloodshot que revient le rôle de père de famille, pour une direction à nouveau différente de la série. Il est évidemment question d'héritage, puisqu'une des questions principales est de savoir si les capacités du héros seront transmises à sa descendance.


Lemire joue également sur la part monstrueuse du personnage, en ramenant l'environnement familial de Magic, laissé de côté jusque là, présent pour rappeler que le monstre sommeille tout à fait chez des personnes qui n'auraient pas été soumis à des expériences militaires. Cette dernière, portrait d'une amérique redneck comme on la retrouve souvent dans les oeuvres de fiction, ne sera pas sans rappeler un certain clan L'Angelle venu de chez Garth Ennis. On ne choisit pas sa famille, mais elle finit toujours pas revenir à nous.

Bloodshot Salvation surprend également par son concept de narration temporelle, le récit étant séparé à deux époques ; le présent nous emmène donc à cette confrontation familiale, alors que dans un futur distant, on ne sait pas ce qu'il est advenu de Ray, Magic et sa fille Jessie sont laissées à elle même alors qu'une nouvelle menace débarque, émergeant des cendres encore fumantes du Projet Rising Spirit - où là aussi, vous verrez qu'il est question de relations familiales. Alterner pour deux ambiances différentes, des enjeux qui se complètent, avec un Lemire qui prend son temps pour faire découvrir ce qu'il est arrivé au héros dans cette intervalle de temps.


Une séparation qui se fait aussi graphiquement, avec deux artistes attitrés par période. Mico Suayan et Lewis LaRosa, qui dont déjà apporté leur patte à l'oeuvre de Lemire, nous régalent une nouvelle fois. Suayan par son approche photo-réaliste et un relief principalement apporté par les couleurs (de Brian Reber et Diego Rodriguez) ; LaRosa dans un style plus marqué, avec un encrage prononcé. Dans l'un comme dans l'autre, la séparation est cohérente avec la structure narrative, et participe à une empreinte visuelle, forte, pour un titre toujours aussi violent.

La construction du Valiant moderne aura profité par la contribution de scénaristes de talents, et Bloodshot ressort indéniablement grandi par ces quatre années passées sous la plume de Lemire. Bloodshot Salvation vient confirmer la facilité avec laquelle Lemire réussit à transformer et humaniser un personnage dont on pourrait se contenter de faire un titre bourrin. Cheminement de relations humaines tissées au fil des précédentes séries, le titre peut s'aborder directement pour les amateurs de drame familial (corsé) et de quêtes de vengeance, avec une tonalité brute, qui ne s'impose que peu de limites. Une réussite seulement entachée par le fait ce premier tome amorce la fin de ce très joli run.

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Arno Kikoo
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