Depuis mercredi dernier, Lake of Fire n'est plus qu'une chanson de Nirvana, c'est aussi l'une des nombreuses nouvelles séries d'Image Comics, qui offre ici à l'artiste multi-spécialiste Nathan Fairbairn, principalement connu pour ses couleurs (Nameless, Scott Pilgrim, Invicible), sa première série en creator-owned, pour laquelle il s'allie avec un certain Matt Smith, qui n'est ni footballeur ni Docteur. Retour sur ce titre plutôt très original, qui mélange science-fiction et moyen-âge.
Si vous avez peut-être déjà croisé la route de ce drôle de cocktail, dans des séries B comme Outlander, le dernier Viking, par exemple, il faut bien préciser, d'entrée, que cette alliance de l'histoire et de la SF atteint ici une véritable élégance, sans doute parce que les auteurs s'attachent autant au réalisme historique qu'à la beauté des planches. Nous voilà donc plongés en 1120, dans une France rongée par des guerres intestines. La croisade est de mise, et les mots "Inquisiteurs" et "Hérétiques" sont monnaie courante. Des faits réels qui vont être secoués par le crash d'un énorme vaisseau alien dans les Pyrénées. Dommage pour nos chevaliers, qu'ils soient croisés désabusés, ou jeunes adolescents cherchant à faire leurs armes farce aux armées renégates.
Qu'on se le dise, ce joyeux mélange aurait pu exploser à la figure des auteurs comme des lecteurs, et pourtant, il se tient tout au long de ce joli numéro double-sized, dans lequel Nathan Fairbairn parvient à tenir ses différentes influences. Il y a tout d'abord une passion non-dissimulée pour l'histoire (de France), qui hélas, pour les besoins d'un public américain - sans doute - se voit alourdie par une exposition géo-politique pas toujours très subtile ni digeste.
Qu'à cela ne tienne, les français et francophones que nous sommes iront volontiers de l'avant, notamment grâce aux personnages, qui nous sont présentés à la manière d'un film commando, ou presque. Là encore, l'exposition n'est pas toujours très bien insérée dans le récit, et nos protagonistes ont parfois l'impression de réciter leur propre genèse. Heureusement, les dessins de Smith et la caractérisation du scénariste les rendent rapidement attachants, qu'ils soient chevaliers désabusés ou jeunots débordant d'entrain.
Après ces présentations (historique et celle des personnage), on plonge la tête la première dans un récit qui distille assez bien la tension et le mystère provoqué par le crash du fameux vaisseau alien, qui semble peser sur nos personnages comme la menace planante d'un film de monstre. Mais peut-être vois-je trop de cinéma dans une série qui fait un usage pourtant exemplaire de tous les moyens à disposition du neuvième art.
Sans être spectaculaire, puisque le découpage rappelle, à de rares exceptions près, les canons du franco-belge, la composition des planches et assez exemplaire, très dynamique, et en tous cas, au service de l'ambiance : stricte quand on cause de la réalité historique de la période, et un peu plus créative dans les scènes d'action, par exemple. Par ailleurs, les couleurs de Nathan Fairbairn, qui ne se contente pas du scénario puisqu'il assure aussi la colorisation et le lettrage, sont magnifiques, et rendent assez bien le charme et l'inquiétude qui se dégage des forêts françaises en pleine automne. Et s'il faut aimer le style finalement très européen et suggestif de Matt Smith, sa légèreté sera justement ce qui donne au titre une vraie patte, et une forme de respect envers l'histoire du vieux continent : après tout on aurait eu du mal à imaginer des croisés français, même face à des aliens, dans un style très américain.
Moralité, Image nous offre une nouvelle curiosité en la personne de ce Lake of Fire, parfait mélange des canons américains et européens, qui semble se nourrir de tas d'influences avant de les digérer dans un résultat qui est certes n'est pas toujours parfait, mais qui aurait si vite pu virer à la série B que le produit fini en devient diablement séduisant. Un nouveau titre à suivre, de même que ses auteurs. Et si vous n'osez pas vous lancer, n'oubliez pas que ce premier numéro de 44 pages ne vous coûtera que quatre dollars.