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I Hate Fairyland #1, la review

I Hate Fairyland #1, la review

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On a aimé• C'est méchant
• C'est drôle
• C'est beau
On a moins aimé• Est-ce que la seule irrévérence tiendra sur plusieurs numéros ?
Notre note

Cela fait de nombreuses années que nous voyons Skottie Young tenir une place à part dans le paysage des comics. Un artiste prolifique aussi à l'aise avec l'adaptation des romans de Frank L. Baum sur le Magicien d'Oz en comics qu'avec les héros de Marvel, qu'ils soient dans leurs versions normales ou en couche-culotte. On l'a même vu illustrer un livre pour enfant écrit Neil Gaiman. Pourtant, il aura fallu bien longtemps pour le voir livrer son tout premier creator-owned.

"And fluff that guy !"

Pour son tout premier projet mûri par lui-même, Skottie Young s'attaque à un genre qu'il connait bien : le conte de fée. Mais I Hate Fairyland annonce son programme dès le titre, ce genre dont l'imagerie a été largement galvaudée avec le temps va subir bien des sévices à mesure que l'héroïne de cette série va traverser ce monde aux couleurs chatoyantes et aux habitants tous mignons. Le cover artist de Marvel s'explique en postface de ce premier numéro, il n'a pas grandi avec les héros de la Maison des Idées, mais avec les magazines irrévérencieux et joyeusement vulgaires de MAD puis, étant étudiant durant les années 90, va se mettre aux comics avec les personnages aux gros guns et gros muscles des débuts d'Image Comics (ce qui explique aussi pourquoi lui aussi a cédé aux sirènes de l'éditeur qui ne cesse de grandir). Son héritage est donc aussi bien fait de provocations que de violence graphique, et ceux sont ces deux mamelles dégénérées qui ont nourri sa toute première série.

C'est d'ailleurs sans doute pour se débarrasser de cette image de dessinateur "kawai" que Skottie Young a concocté l'histoire de cette petite fille, Gertrude, qui a désiré très fort pouvoir vivre au sein d'un conte de fée et qui une fois son souhait exaucé se rend compte qu'il faut se méfier de ses désirs. Surtout quand elle est toujours bloquée dans ce monde aux couleurs criardes vingt-sept ans plus tard avec une quête absurde à mener. Toujours coincée dans son corps de petite fille et accompagnée de son Jiminy Cricket sentencieux, il lui a poussé des tendances psychopathiques à faire pâlir le Joker et une haine absolue pour tout ce qui est relatif au merveilleux et au mignon. Son chemin vers la sortie sera donc parsemé d'un chaos innommable et de cadavres ensanglantées de créatures fabuleuses. Bien évidemment, le monde de conte de fée va finir par se rebiffer et une guerre ouverte va finir par être déclarée.

"Haha ! I got a riddle for you !"

Pour avoir travaillé avec Eric Shanower et avoir lui-même bien étudié le sujet, Skottie Young connait bien le conte de fée. Il va donc mettre d'autant plus de minutie et de joie malsaine à en détourner les codes. Ainsi, si Gertrude tombe dans un trou fabuleux telle la fameuse héroïne de Lewis Carroll, la chute se termine de façon brutale, laissant à la petite fille fracture ouverte et tronche en vrac. De même lorsqu'il met en scène le fameux narrateur, pierre angulaire de tout conte, qui ici prend la forme d'une lune qui parle fort. Sa rencontre avec Gertrude va être brutale et laissera le reste du comics sans personne pour en relater les événements à la troisième personne. Ainsi, Young s'acharne à reprendre les tropes du genre pour les exploser dans l'irrévérence et un déluge d'hémoglobine, et il se permet même d'offrir un petit trip à base de champignons hallucinogènes à son horrible héroïne. L'artiste ne cherche pas de message plus large, de réflexion sur la perte de l'enfance ou quoi que ce soit dans le genre. Juste de la provocation dans le plus pur style MAD.

Un projet qui pourrait donc paraitre un peu léger si ce n'est le fait que l'on se marre franchement devant la méchanceté de cette petite fille et sur les sévices qu'elle inflige sur son chemin. Le rythme endiablé et les trésors d'imagination que déploie Skottie Young garantisse une lecture tout à fait jouissive. Surtout que l'on retrouve son style graphique bien caractéristique, bien aidé par le fait d'être accompagné par Jean-François Beaulieu, son coloriste et compère de toujours. Pour ceux qui collectionnent ses variantes Babies, il ne devrait pas y avoir de surprises, jusqu'à ce que les mignonnes petites créatures meurent dans des souffrances innommables. Toujours aussi généreux dans son dessin, fourmillant de détails et de trouvailles, son style cartoony et torturé sert à merveille cette histoire qui adresse un gigantesque doigt d'honneur à la bienséance.

Pour sa toute première histoire qu'il a conçu du début à la fin par lui-même, Skottie Young a démontré ce qui faisait son ADN d'artiste : l'irrévérence, la profusion et le fun. Dans un désir de briser l'image de dessinateur mignon qui lui colle à la peau, il nous délivre une série qui ne cherche pas grand chose si ce n'est de nous faire rire méchamment. Et c'est déjà très bien.

Alfro
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