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Afterlife with Archie : chronique d'une révolution (manquée) au pays des comics jeunesse

Afterlife with Archie : chronique d'une révolution (manquée) au pays des comics jeunesse

chronique

Un roux, une blonde, une brune. Un curieux loustic coiffé d'un bonnet à pointes. De temps en temps, un match de football, une soirée dansante. Depuis les années quarante, les éditions Archie Comics se sont spécialisées dans une structure d'histoires figées, invariables, appliquée et déclinée pendant des générations. Si le personnage d'Archie Andrews n'est pas particulièrement populaire de notre côté de l'Océan Atlantique, aux Etats-Unis, il appartient bien à cette catégorie de mascottes solidement ancrées dans le paysage de la bande-dessinée pour enfants. Comme Snoopy, Mickey Mouse ou Garfield.
 
Les éditions Archie Comics ont bâti leur fortune et leur pérennité sur une formule efficace, tout public, particulièrement hermétique aux variations de tons. Depuis la prise de pouvoir de l'artiste Dan DeCarlo dans les années cinquante, les séries ont en plus l'avantage de toutes se ressembler, appliquant obstinément la charte graphique inventée par le dessinateur : une allure de cartoon, des sourires à faussettes, des corps féminins calqués sur les canons de beauté du cinéma d'après guerre, etc. Imaginez. Soixante-dix ans de numéros interchangeables, dans une ville de carte postale où les seules perspectives d'évolutions se cantonnent à la possibilité de voir un nouveau personnage rejoindre la même bande de copains. Des routines, des triangles amoureux, un burger shop en perpétuel danger d'être fermé par les industriels du coin, et un héros incapable trancher entre ses deux soupirantes.

Imperméable aux transformations de la société et aux évolutions du marché de la bande-dessinée, Archie Andrews, ses amourettes et son copain vorace décidaient finalement de s'actualiser au fil de ces dernières années. L'événement eut lieu pendant la dernière décennie, en marge de ce que les historiens de la BD appelleront peut-être le Relaunch Age un jour, pour représenter cette nouvelle époque obsédée par la réinvention permanente des séries de super-héros. Paradoxalement, Archie Comics ira plus loin, quitte à casser toute une imagerie de séries pour enfants sages, et en allant chercher de grands talents de la bande-dessinée pour reprendre les choses depuis le début. Comme souvent dans ce genre de cas, tout part d'une invasion de zombies. 

Redhead Redemption

 
 
Le projet Afterlife with Archie trouve son origine au Nicaragua, dans le coffre à jouet d'un jeune passionné de comics baptisé Roberto Aguirre-Sacasa. Fils d'un haut dignitaire politique local, le petit bonhomme se plonge dès l'enfance dans la lecture de comics, et dans les romans d'épouvante. Stephen King, Bram Stoker, H.P. Lovecraft et Neil Gaiman d'un côté, Superman, Batman et Archie Andrews de l'autre, un imaginaire enfantin encore en gestation. Cette passion pour les produits culturels d'origine anglo-saxonne arrangeront les affaires de la famille Aguirre-Sacasa, lorsque le jeune homme partira pour les Etats-Unis afin d'y étudier les lettres et le spectacle vivant.
 
Déjà passionné par le mélange des genres, Roberto Aguirre-Sacasa s'oriente vers une formation de dramaturge. Son diplôme en poche, il écrit la pièce Archie's Weird Fantasy (2003), dans laquelle il invente une homosexualité refoulée au personnage vedette d'Archie Comics, à la fois pour évoquer le puritanisme dans la bande-dessinée aux Etats-Unis et pour mêler à cette passion de jeunesse la découverte de sa propre orientation. Une fois la production lancée, l'éditeur sera mis au courant : hors de question de valider cette lecture saugrenue. Aguirre-Sacasa reçoit une injonction restrictive de la part des ayant droits, et doit alors remanier sa pièce de fond en comble. Celle-ci sera expurgé de toute référence aux personnages de Riverdale, et rebaptisée Weird Comic Book Fantasy. Il arguera plus tard que "la question était légitime", compte tenu du nombre de filles qui courent après Archie Andrews, "qui n'a toujours pas perdu sa virginité au bout de soixante ans".
 
 
 
L'auteur avait eu son idée un peu trop tôt : en cette période, Archie Comics obéit encore aux routines standardisées, dirigée par les deux héritiers des fondateurs, Richard Goldwater et Michael Silberkleit, qui se seront contentés de suivre les routines posées par leurs deux parents. L'entreprise n'a pas pour projet de se remettre en question à ce moment - le règne de ces deux présidents aura même été marqué par un cynisme assumé. L'entreprise avait été jusqu'à publier un numéro spécial (Archie Pals'n Gals #34) où la formule de scénario des séries consacrées aux personnages de Riverdale était décortiqué, expliqué, comme le manuel d'une machinerie bien huilée. Une sorte de "faites-le vous même !" qui détaillait comment devait s'écrire une aventure normale d'Archie, Jughead, Betty et Veronica. En résumé, une journée normale, une rencontre, un gag, un présent perpétuel sans continuité ni engagement émotionnel. Pour secouer la poussière et ouvrir les placards d'Archie Comics, il faudra patienter pour le prochain renouvellement de générations.
 
Ce dernier intervient justement à la fin de la décennie. Richard Goldwater, et Michael Silberkleit prennent leur retraite, et Jon Goldwater, un ancien manageur de l'industrie de la musique, se retrouve avec une maison d'édition sur les bras. Le fils de l'ancien patron n'est pas éditeur de métier, et ne sait pas exactement quoi faire du rouquin et de sa bande d'amis. En allant prendre le train vers New York pour signer son contrat de président, il achète à la gare un numéro d'Archie Comics, pour se mettre à jour. Pendant le trajet, sa voisine de wagon l'interrompt pendant sa lecture pour lui demander, stupéfaite, " Archie ? Ca existe encore ces trucs là ?". Goldwater prend immédiatement conscience du problème.
 
La société doit se moderniser, sur le plan du format comme sur le plan des histoires. Après avoir amorcé une première transition vers l'édition numérique, en proposant à bas prix une bonne partie du catalogue, le bonhomme prend les commandes d'Archie Comics.
 

 
 
L'entrée en scène de Jon Goldwater ne passe pas inaperçue du côté de Roberto Aguirre-Sacasa. Depuis l'échec de la production Archie's Weird Fantasy, le dramaturge s'est fait un nom sur la scène du théâtre de New York. Sa réputation de passionné de comics lui a ouvert les portes de Marvel, au bouche-à-oreille : en plein ravalement de façade, la Maison des Idées cherche à accueillir de nouvelles voix venues d'autres disciplines et contacte le jeune homme par agents interposés. Aguirre-Sacasa entretiendra une production soutenue pour l'entreprise pendant les années suivantes, avec des prestations remarquées sur Man-Thing, Nightcrawler et les Quatre Fantastiques. Par effet de rebond, Aguirre-Sacasa est régulièrement consulté sur les scripts de différentes comédies musicales basées sur différents super-héros (It's a Bird, It's a Plane, It's Superman et Spider-Man : Turn Off the Dark). Grand amateur de théâtre chanté, il se fera vite repérer par un certain Ryan Murphy et devient scénariste régulier pour la série Glee.
 
Aguirre-Sacasa prend alors contact avec Goldwater pour lui proposer un premier projet. Dans la tradition des crossovers farfelus entre les héros d'Archie Comics et d'autres franchises populaires, il imagine une rencontre entre les personnages de Glee et Riverdale en bande-dessinée. Les deux hommes s'entendent immédiatement : l'éditeur apprécie l'enthousiasme du scénariste, qui apprécie de son côté l'ouverture d'esprit de ce jeune président. L'un et l'autre vont s'accorder pour un autre projet, plus important, en forme de spin-off appocryphe à la série Life with Archie (2010). Première tentative d'ouvrir le lectorat de l'entreprise à une cible plus adulte, cette expérience lancée par Goldwater vise à imaginer la vie future d'Archie Andrews après son mariage avec Betty ou Veronica - les deux épouses potentielles se relaient d'un numéro à l'autre. Enfin tournée vers un narratif plus sérieux et qui admet la possibilité de passage du temps, Life with Archie introduit le personnage de Kevin Keller, premier héros gay du catalogue local, et se conclura par la mort d'Archie Andrews. Une lettre d'intention nette, pour tourner la page. 
 
Pendant la parution de Life with Archie, le dessinateur italien Francesco Francavilla livre une couverture à l'occasion du vingt-troisième numéro. Grand amateur de cinéma bis, du catalogue des monstres classiques des studios Universal, l'artiste imagine Archie dans un monde de morts-vivants. Aguirre-Sacasa, autre grand fan de films d'horreurs, sera déçu de découvrir qu'il ne s'agissait que d'une couverture en achetant le numéro. L'idée d'une série de zombies dans le paysage d'Archie Comics commence à le travailler, et après sa rencontre avec Jon Goldwater, commence à se mettre en place le projet Afterlife with Archie (2013). Avec l'arrivée de la série en France, aux éditions Glénat Comics, ce projet très particulier mérite d'être étudié avec le recul de ces quelques dernières années.

Night of the Living Redhead

 
 
Afterlife with Archie pose le décor d'une invasion de morts-vivants dans la petite ville de Riverdale. Le mauvais garçon du lycée, Reggie Mantle, écrase Hot Dog, le mignon toutou du pauvre Jughead avec sa voiture. Il dépose ensuite la bête sur le pallier de son propriétaire. Inconsolable, Jughead demande de l'aide à la petite sorcière de la ville d'à côté, Sabrina Spellman, en espérant que celle-ci aura une solution pour sauver l'animal. Comme souvent, la jeune femme va utiliser un sort dont elle n'aurait pas du se servir, en puisant dans le Necronomicon Ex Mortis pour ressusciter le chien. La bestiole revient, oui, mais ni morte ni vivante, elle sera le patient zéro d'une épidémie de bouffeurs de cerveaux qui se propage vite dans toute la ville.
 
Afterlife with Archie pioche dans une série de référents connus : le chien ressuscité évoque le chat de Simetierre (Pet Sematary) de Stephen King, le Necronomicon est emprunté à H.P. Lovecraft et aux films Evil Dead de Sam Raimi, l'invasion de zombies dans une petite bourgade rurale et l'isolement des survivants dans une barraque fortifiée rappelle La Nuit des Morts Vivants (Night of the Living Dead) de George Romero. Aguirre-Sacasa cite d'autres influences dans la correspondance qui clôt les numéros dans leur format de publication original, Rosemary's Baby, Creep Show, Halloween, le cinéma de John Carpenter en général, et toute l'oeuvre de King ou Lovecraft, là-encore, sans distinctions précises. La série épouse les contours de ces feuilletons d'horreur d'autrefois, avec le soin et la passion d'un authentique nerd du frisson qui a fait ses devoirs : Afterlife évoque les structures, les formes, les stéréotypes d'une épouvante classique, presque familière, charmante dans les souvenirs qu'elle convoque et surprenante dans sa capacité à réinventer cet univers particulier.
 

 
Roberto Aguirre-Sacasa ne va pas toutefois se cantonner à une simple injection de trouille et de monstres dans la mythologie Archie. Comme sur Archie's Weird Fantasy, le scénariste va aussi poser des questions à ces personnages poussiéreux. Prisonniers de leur condition de portraits figés, reliques d'une époque où la fiction choisissait volontairement d'éluder certains sujets, les héros de Riverdale vont se moderniser un à un au contact du scénariste. Les jumeaux Cheryl et Jason Blossom, généralement présentés comme une paire d'insupportables gosses de riches dans les aventures d'autrefois, vont s'ouvrir à la possibilité d'un inceste caché, jamais abordé dans leurs aventures précédentes. Betty et Veronica sont enfin prises au sérieux, les incertitudes d'Archie paraissent enfin avoir des conséquences : les deux jeunes femmes souffrent manifestement de cette manipulation permanente, de la part d'un grand benêt qui n'a jamais été capable de se décider. 
 
Le scénario pose un regard rétrospectif sur la plupart des vedettes d'Archie Comics. L'auteur interroge les origines, les caractères, et replace les unes et les uns dans une continuité travaillée, qui abandonne les parures de cartoon pour enfants pour les aider, enfin, à passer dans un autre registre de fiction. Ces appropriations sont travaillées, tout en respectant l'essence des héros de la maison. Des logiques connues de l'âge de bronze des comics mises en mouvement, un renversement de perspective, comme lorsque Jack Murdock, un honnête boxeur sans le sou, devenait un un alcoolique qui frappe fils dans le Man Without Fear de Frank Miller et John Romita Jr.. De la même façon, Aguirre-Sacasa et Francavilla, sur un fond d'invasion de zombie, vont distiller un peu de maturité et de réalisme dans l'imaginaire candide et propret d'un éditeur qui ne se sera jamais posé ce genre de questions. L'exercice prend, et le talent des deux auteurs emporte un large succès critique et commercial (proportionnellement aux ventes habituelles des séries Archie).
 
 
 
Pour Jon Goldwater, l'affaire est entendue. Le président de la compagnie nomme Aguirre-Sacasa au poste de chief creature officer. L'un et l'autre vont  alors s'attaquer à deux chantiers majeurs : l'étude d'autres transformations de personnages classiques en monstres potentiels, et la possibilité de reprendre à zéro la globalité de l'univers de Riverdale avec de nouvelles équipes créatives. Le style graphique de Dan DeCarlo est abandonné, un appel d'offre est lancé pour imiter la stratégie d'Afterlife With Archie sur d'autres personnages, Roberto Aguirre-Sacasa s'attaque de son côté à Chilling Adventures of Sabrina (2015) avec l'artiste Robert Hack, une réinvention parallèle de la petite sorcière proportionnelle aux zombies d'Archie Andrews
 
En parallèle des créations "Archie Horror",  l'entreprise annonce un reboot général, en avançant les noms de Mark Waid, Fiona Staples, Adam Hughes, Chip Zdarsky et Dan Parent sur différentes séries. Mais, l'éditeur manque de fonds propres. Archie Comics risque gros à lancer un nouvel univers sans garantie de retour, et n'est pas certain de pouvoir assurer à ces créateurs une paye durable pour leur travail. Dans la précipitation, Jon Goldwater suggère une campagne de financement participatif via la plateforme Kickstarter. L'opération ne plaît pas : si ce genre de levée de fonds sont aujourd'hui monnaie courante, et participent à la bonne santé du marché et à la possibilité de voir de nouvelles idées apparaître, les fans de comics n'entendent pas jouer le jeu à ce moment là. La campagne est avortée au bout de quelques semaines, et l'éditeur se fend d'un communiqué qui annonce que les titres seront tout de même publiés, d'une façon ou d'une autre.
 

 
L'entreprise va heureusement rebondir, une fois encore, grâce à Roberto Aguirre-Sacasa. En parallèle de ses activités de scénariste de bande-dessinée, l'auteur enchaîne quelques boulots de commande au cinéma. Il s'occupera notamment du scénario du film Carrie au Bal du Diable (2013) et The Town That Dreaded Sundown (2014), en poursuivant son travail sur Glee. Après son embauche chez Archie Comics, il proposera à Warner Bros. un scénario de comédie adolescente à la John Hughes basée sur les rouquin et ses potes. Le projet évolue, passe de mains en mains. Un temps, on étudie la possibilité d'un film de voyage dans le temps, dans lequel le comédien Louis C.K. se serait chargé du rôle d'un Archie Andrews quarantenaire. Remanié pour devenir une série télévisée, le scénario atterrit chez la Fox, qui passe son tour. La CW finira par se pencher sur le dossier, et commander un pilote pour ce qui deviendra, plus tard, la série Riverdale de Berlanti Productions
 
Roberto Aguirre-Sacasa travaille au développement et à l'écriture de cette adaptation. Le succès est au rendez-vous, et engendre par ricochet la mise en route d'une série Chilling Adventures of Sabrina, basée sur l'autre comics vedette du label Archie Horror. L'entreprise est alors à son zénith : le relaunch se passe bien, Mark Waid se charge de la série principale, quelques titres sont importés à l'international, et les projets de télévision rapportent de l'argent. Ses obligations sur Riverdale et CAOS accaparent néanmoins le temps de travail du scénariste, qui abandonne l'écriture d'Afterlife with Archie au bout de dix numéros. 

Undead Nightmare

 

Dans la foulée de Jughead : The Hunger, qui imagine le meilleur ami vorace d'Archie dans une peau de loup-garou, l'entreprise annonce la série Vampironica de Greg et Megan Smallwood. Le temps a passé depuis Afterlife with Archie et l'éditeur cherche à retrouver la formule gagnante : prendre un personnage ou un groupe connu de la ville de Riverdale et le passer à la moulinette du bestiaire des monstres classiques. Veronica Lodge, la brune provocante, écope d'un rôle de vampire. Cette fois, plus de risques : le projet est immédiatement annoncé comme une mini-série en cinq numéros, pour s'épargner une nouvelle arlésienne en devenir.

A ses débuts, Vampironica a tout d'une bonne surprise. Le titre se présente comme une lettre d'excuse de la part d'Archie Comics : un scénario qui emprunte au même tissu de films bis des années soixante-dix et quatre-vingt, un dessinateur dont le talent se compare au génial Francesco Francavilla, et trois premiers numéros réussis. L'éditeur va toutefois se heurter au mur Smallwood, qui peine à se motiver pour les pages intérieures depuis déjà quelques années. L'artiste ne tient pas les délais, et sera remplacé par Greg Scott au pied levé dès le numéro #4. Une fois la cohérence graphique foutue en l'air, la série s'achève sans faire de vagues sur une conclusion décevante, évoquant un remaniement de dernière minute ou une simple lassitude de la part du couple Smallwood, encore à l'écriture. L'éditeur tente de raviver la flamme avec un second titre Vampironica, cette fois dans le canon de Jughead : The Hunger, pour une horreur mainstream qui assume de ne plus avoir grand chose de comparable avec la qualité d'Afterlife ou de CAOS.

 

Le nouvel élan créatif entamé avec ces deux projets s'essouffle peu à peu : Mark Waid termine son run sur la série principale, Adam Hughes abandonne le navire après trois petits numéros de Betty & Veronica, les nouvelles séries d'horreur entamées ici ou là peinent à convaincre, et Archie Comics assume même de revenir en arrière avec de nouvelles parutions reprenant le style de Dan DeCarlo. L'ensemble de la production se tasse, avec quelques projets destinés aux fans de longue date, quelques tentatives de capitaliser sur les séries télévisées, et un oubli progressif des zombies de Roberto Aguirre-Sacasa qui avaient permis, au départ, la mise en route de cette révolution des idées. Récemment, l'éditeur annonçait vouloir faire appel à Rob Liefeld pour relancer l'équipe des Mighty Cruisaders - difficile de trouver meilleure illustration à l'expression "faire les fonds de tiroir".

Ce tassement progressif s'explique surtout par une incapacité à être présent aux bons endroits. S'il aurait probablement eu le temps de travailler sur Afterlife with Archie, voire d'adapter cette bande-dessinée, Roberto Aguirre-Sacasa préférera travailler sur la série Katy Keene, une tentative malheureuse de spin-off à Riverdale avortée au bout d'une saison. Depuis, le bonhomme a choisi de s'orienter vers un reboot pour jeunes adultes de la série True Blood de HBO, un énième doigt d'honneur aux lecteurs d'Afterlife qui patientent depuis bientôt cinq ans pour connaître la suite de l'histoire. De son côté, Jon Goldwater affirme que celle-ci est toujours dans les cartons, mais que la priorité est donnée aux projets plus rentables - autrement dit, moins de comics et davantage d'Archie sur les écrans. 

 

Sur le papier, le sursaut créatif d'Archie Comics se cantonne à une belle histoire. Celle d'un gamin passionné par l'horreur et les aventures d'un rouquin polygame dans les revues de son enfance. Plus tard, d'un étudiant qui tentera de mettre des mots sur cette amour de jeunesse, pour se faire botter les fesses par les avocats de son éditeur préféré. Enfin, d'un homme accompli qui sera finalement parvenu à transformer une société à laquelle il se sera toujours raccroché, pour mettre en mouvement un nouveau souffle éditorial, avec des bande-dessinées et d'adaptations, en se servant d'une bête invasion de zombies et d'un crossover avec une série télé' sur de jeunes chanteurs adulescents. Le problème des bonnes histoires, c'est qu'elles n'ont, justement, pas toujours à une fin heureuse.

Comme Afterlife with Archie, l'éditeur est aujourd'hui à un croisement, incertain de la route à prendre pour les années à venir ou de la meilleure façon de capitaliser sur le succès de ces derniers coups d'éclat. Une chose est sûre, ce feuilleton, pas forcément récompensant pour les curieux qui auront pris le train en route, aura fait partie des événements marquants de la dernière décennie dans le paysage de l'édition aux Etats-Unis, proportionné à l'histoire de ce qui a longtemps été l'entreprise la plus conservatrice de l'industrie. Imaginez que Walt Disney décide un beau jour de prêter Mickey Mouse à un dingue de slashers, qui mettrait une tronçonneuse et un masque entre les mains et sur le museau de la souris, pour livrer l'équivalent qualitatif du Halloween de Carpenter au pays des animaux qui parlent et des canards fortunés. Afterlife with Archie a fait ça pour la bande-dessinée contemporaine, dans un monde statique de triangles amoureux, de carte postale de l'Amérique rurale des tartes aux pommes et de Norman Rockwell. Une anomalie à remettre dans les livres d'histoire de l'art séquentiel aux Etats-Unis, comme l'un de ces comics qui aura su transformer l'industrie à son échelle.

Paradoxalement, cette révolution artistique se sera révélée plus intéressante que beaucoup de tentatives comparables chez les principaux pourvoyeurs de super-héros - mais comme d'habitude, les relaunchs sans visée de long-terme ne suffisent pas forcément.

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Corentin
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