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Édito #65 : En quoi Deadpool change-t-il les choses pour les films de super-héros ?

Édito #65 : En quoi Deadpool change-t-il les choses pour les films de super-héros ?

chronique

Après une année 2015 placée sous le signe d'une fatigue naissante, le genre super-héroïque pourrait retrouver, grâce à Deadpool, un nouveau souffle. Du haut de sa classification R et de ses 57 millions de dollars de budget, le film de Tim Miller serait, à en croire certains, le game changer du genre. Un titre pour le moins inespéré pour un métrage qui doit son existence au leak d'un test footage qui avait conquis le web. Deadpool fera-t-il vraiment des émules ?

On vous répondra qu'il en fait déjà. Abonné aux déclarations tout à fait opportunistes (c'est son métier), le producteur et scénariste Simon Kinberg déclarait la semaine dernière, en qualité de chef de file des X-Men au cinéma, qu'un film X-Force classé R était envisageable. Et quelques jours plus tard, on apprenait que le troisième film consacré à Wolverine - avec lequel Hugh Jackman tirera sa révérence - serait sans doute lui aussi classé R. A croire que la 20th Century Fox, qui a attendu la semaine de sortie de Deadpool pour confirmer une suite, s'est engouffré dans la brèche la tête la première. 

Qui sait, peut-être que le studio a ici trouvé son salut créatif, après quatre films marqués par l'influence de Bryan Singer et trois de celle du producteur Tom Rothman, que beaucoup considèrent comme le bourreau de l'univers mutant au cinéma. Et à raison, puisqu'on lui doit l'amour sans limite de la franchise pour Wolverine et la crainte non dissimulée des Sentinelles, pour ne citer que deux exemples. Un constat qui vole en éclat deux semaines après la sortie de Deadpool, qui semble signer la fin de l'univers X-Men tel que nous le connaissons au cinéma. Du moins, jusqu'à la sortie d'un X-Men Apocalypse qui pourrait au moins avoir le mérite de distribuer les cartes.

Maintenant, pas sûr que le seul fait d'être classée R soit une solution pour la franchise. D'autant plus que Deadpool restait tout de même très (trop sage) de ce côté-là. Le film de Miller n'est clairement pas ce que nos confrères américains appellent un "Hard R" qui appuie constamment son contenu adulte - tous les démembrements et autres joyeusetés du genre sont furtives, par exemple. Et puisque Deadpool est loin d'être le premier film de super-héros a être classé ainsi, on ne peut pas le couronner simplement pour avoir osé s'afficher avec une lettre qui signe souvent l'arrêt de mort d'une grosse ou moyenne production au box-office américain.

James Gunn, réalisateur de Guardians of the Galaxy, nous mettait d'ailleurs en garde contre cet amalgame, expliquant que les spectateurs devaient rester vigilants. Selon ses mots, ce n'est pas la classification de Deadpool  ou encore son explosion du quatrième mur qui assure son succès, mais son originalité, pure, face au reste du genre super-héroïque. Et puisque l'année 2015 semble avoir plongé le genre dans une sorte de sommeil ou de relatif désintérêt, il n'est pas étonnant de voir le public accueillir un Deadpool avec autant d'enthousiasme. 

Hélas, le mal est déjà fait, ou presque. Tous les studios s'emparent déjà du succès de Deadpool, qu'ils ont eu tôt fait de recycler en argument de vente. Et on les comprendrait presque, puisque nous sommes les premiers, journalistes et spectateurs, à reconnaître les bienfaits de cette classification R. Quelque part, nous faisons le premier pas vers ce que James Gunn dénonçait : synthétiser les qualités de Deadpool dans sa seule classification. Qui, pour peu qu'on cède à la paranoïa, serait le futur argument facile des studios, qui pourraient bien se mettre à l'abri des critiques derrière cette jolie lettre qui semble soudain tout changer pour le genre super-héroïque.

Sauf que non. Comme Gunn l'expliquait assez bien, il ne suffit pas de placer une bande-son aussi cool que rétro dans un trailer pour accoucher de Guardians of the Galaxy. Chaque film a son moment, et si les tendances sont bien réelles à Hollywood, elles ont tôt fait de se transformer en vraies parodies - souvenez-vous de la mode des adaptations de jeux de société, par exemple. 

À ce titre, il convient de contextualiser le succès de Deadpool. Sa sortie en février, pourtant risquée d'après les règles "académiques" de l'industrie hollywoodienne, lui offre le champ libre pour séduire un large public. Des spectateurs d'ailleurs lassés, ne serait-ce qu'inconsciemment, par le genre super-héroïque. En conséquence, ils ne pouvaient pas rester insensibles aux charmes de Deadpool, aussi évidents et convenus - c'est mon avis - soient-ils. Enfin, il convient de garder à l'esprit la gigantesque campagne marketing qui a accompagné le film.

Le personnage était le candidat parfait pour expérimenter une promo plus originale tout en restant très soutenue, et les pontes de la 20th Century Fox s'en sont donné à cœur joie. C'est peut-être là la plus grande réussite du film, et en cela qu'il change le genre auquel il appartient. Caractérisés par un matraquage médiatique permanent et pas toujours inspiré, les super-héros ont toujours plus de mal à nous captiver. Le public s'habitue plus vite qu'Hollywood ne le croit à ce qu'il a. Dorénavant, les super-héros sont le quotidien de tous les spectateurs. 

Et Deadpool est parvenu à secouer cette routine avec un marketing particulièrement agressif - toutes les méthodes y sont passées, des plus traditionnelles au viral marketing en passant par les co-branding avec des gros noms - mais dont personne ne s'est jamais plaint. Pour la simple et bonne raison qu'il accompagnait à merveille le film de Tim Miller et divertissait les spectateurs avant l'heure. Les autres studios devraient ainsi en prendre de la graine plutôt que d'opter pour une nouvelle génération de matraquages ennuyeux et bourrés de spoilers.

Moralité, Deadpool est loin d'avoir balayé tous les problèmes du genre d'un revers de la main. Il a le bon goût de remettre des évidences au goût du jour - comme la fidélité du personnage à sa version de papier, ou encore une classification appropriée au héros - et la chance de compter sur un marketing pour le moins exemplaire, qui on l'espère, n'encourageront pas les studios à "faire du Deadpool" mais bien à utiliser la richesse et la diversité à leur disposition, en respectant le spectateur, dès l'annonce d'un projet et jusqu'à sa sortie.

Republ33k
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