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Batman : Les Contes de Gotham - Si vous cherchiez quoi offrir aux plus jeunes pour Noël

Batman : Les Contes de Gotham - Si vous cherchiez quoi offrir aux plus jeunes pour Noël

ReviewUrban
On a aimé• Parce qu'on a pas grandi
• Parce que c'est bientôt Noël
• Parce que c'est pas cher
On a moins aimé• Comment ça c'est déjà fini ?
Notre note

Halloween passe, Noël approche, et les lecteurs de BD ont, eux aussi, leurs propres piles de lectures de saison. Dans la fenêtre de tir qui pousse, chaque année, à l'excavation des prouesses de Jeph Loeb et Tim Sale ou à jeter un énième un coup d'oeil à l'adaptation du conte de Charles Dickens par Lee Bermejo, il arrive aussi que les amateurs de Batman se tournent vers des lectures plus simples. Avec par exemple la série Little Gotham de Dustin NGuyen et Derek Fridolfs, agréable plongée dans le paysage des fêtes et des célébrations.

A ceux qui ne connaîtraient pas, Little Gotham (ou Batman : Li'l Gotham) était une série proposée en numérique par Fridolfs et NGuyen, en forme de parodie tendre des aventures de Batman et Robin pliées aux codes des bande-dessinées pour les tout petits. A chaque numéro, un Damian Wayne plus mignon et moins meurtrier que sa contrepartie "officielle" découvrait une fête du calendrier des réjouissances populaires. Noël, Pâques, Thanksgiving, Halloween, ou d'autres petits détours par des traditions moins conventionnelles. Le titre était aussi accessible pour les adultes, avec un maillage de références et de blagues destinées aux lecteurs plus âgés - beaucoup de références à Batman : La Série Animée et un esprit de série familiale pour papas et mamans. 
 
Les deux créateurs de Little Gotham rempilaient récemment pour le volume Batman : Les Contes de Gotham, importé par Urban Comics dans l'anticipation de ces après-midi théière et truffes au chocolat de la fin d'année, ou pour aider les parents à embrigader les marmots dans l'amour des super-héros avec cette porte d'entrée taillée dans le bois des BDs pour enfant - 'faut bien donner un coups de pouce aux papas anxieux qui tenteront plus tard de convaincre leurs mômes de se déguiser en Robin et Batgirl pour les concours de cosplay famille des futures Comic Con. C'est aussi ça, le sacerdoce culturel.
 

 
Batman : Les Contes de Gotham s'éloigne du postulat des fêtes pour attaquer un autre répertoire de thèmes très connus à habiller aux couleurs de Gotham City : les contes populaires, les personnages de bouquins pensés pour la jeunesse avec lesquels chaque génération grandit depuis un bon paquet d'époques. Damian Wayne va devenir Pinocchio, Harley Quinn va devenir La Princesse au Petit Pois, Alfred va devenir la Alice de Lewis Carroll (ce qui donne à l'histoire une tournure moins pédophile mais pas nécessairement moins dérangée), entre autres reprises de fables connues, tordues pour correspondre à la mythologie des chauve-souris comme à leur avalanche de super-méchants, souvent assez finement choisis.
 
Comme d'hab', le but est aussi de rigoler un peu : dans Waynocchio, Damian s'endort en lisant la fameuse histoire du pantin italien au nez télescopique, pour mélanger dans ses rêves le folklore de Gotham à son aventure de petit bonhomme de bois. Plutôt qu'un Geppetto, le gosse invente un Bruce Wayne charpentier avec une Batmobile de bois, marié à une Talia qui lit "l'assassinat pour les nuls" pendant leurs après-midi familiales. Alfred devient Jimini Cricket, Harley et le Joker sont Gidéon et Grand Coquin, dans une version du conte plus légère et aérée qui s'autorise quelques blagues pour les plus âgés. 
 

 
Le style de Fridolfs et NGuyen se veut généralement assez simple et perméable, entre le double-discours d'un produit pour enfants conscient de son aspect parodique (à la Batman '66, dans une certaine mesure) et une envie de distraire les petits et petites fans de Gotham avec des reprises intelligentes de ces grandes histoires inscrites dans l'inconscient collectif. Le duo trouve un juste équilibre entre les clins d'oeils amusés à l'univers de DC Comics et l'envie de correspondre au ton plus cotonneux d'un authentique bouquin pour enfants, ludique, coloré, et qui évoque ces trucs avec lesquels les trentenaires habitués à investir dans le travail d'Urban Comics ont eux-mêmes grandi, en d'autres temps. Cet exercice d'écriture est parfois hasardeux, avec des passages plus à même de parler à des moins de cinq ans, ou d'autres qui résonneront plus fort pour ceux qui ont (au hasard) grandi avec Alice aux Pays des Merveilles, voire vieilli avec, attendu que Alfred aux Pays des Merveilles fait aussi écho aux autres travaux de Carroll et ne se cantonne pas aux premiers volumes (pensez "Dragon", "épée magique" et "c'était franchement pas la peine de faire ce film les frérots").
 
Le traducteur (Maxime Le Dain) s'éclate d'ailleurs, sur cette histoire en particulier, à coller aux jeux de mots absurdes et aux syllogismes de syntaxes du roman, avec des dialogues assez finement écrits dans cette adaptation en Français. L'esprit Batman '66 ou Silver Age de Batman transparaît dans La Princesse au Petit Pois avec des interrogatoires de police à coups de blagues de tonton - tout fonctionne en adéquation avec les dessins, qui saupoudrent cet esprit enfantin et candide par-dessus le texte et la narration. Personnages étonnamment souriants et enjoués dans une Gotham City de cahier de coloriage aux héros et vilains sympathiques, chaleureux, le monde de Little Gotham est une parenthèse d'élégance moelleuse dans laquelle on se sent bien, où la ville aux dirigeables n'est plus cet ensemble gris et ombrageux. Des choix artistiques qui tordent le coup au présupposé de la licence déclinée pour vendre aux plus jeunes (comme les éditeurs ont coutume de le faire avec n'importe quelle licence populaire), et qui passent plus pour un prolongement de l'esprit Batman : La Série Animée, voire un tremplin pour préparer les petits à découvrir le cartoon avant l'âge légal. 
 

 
La dernière des histoires du recueil reprend La Reine des Neiges, dans une parure de conte moins chantant que ce qu'en auront fait les studios Disney. Plus glacial, plus boîte-à-musique, plus traditionnel, ce segment du volume épouse les contours d'un mythe authentique et sans humour, superbe et évoquant la poésie des quelques bonnes histoires de Timm et Dini sur Mr Freeze. En définitive, c'est un peu ça Les Contes de Gotham : des histoires de Batman pensées par des adultes fans de chauve-souris qui écrivent et dessinent ce qu'ils auraient aimé lire dans leur enfance mutuelle. Avec des références parfois évidentes, parfois subtiles ou légères, un tome qui sent l'amour de cette mythologie et l'envie de bien faire. 
 
Noël approche, et en l'absence de perspective certaine sur l'endroit où vous passerez les fêtes de cette année, l'exercice est simple : commander en click-and-collect, installer un fauteuil moelleux près de la fenêtre avec un radiateur et une infusion, lire Les Contes de Gotham et trouver un peu de réconfort dans les derniers restes de la poésie saisonnière des fêtes de fin d'année. Le genre de lectures qu'on se garde pour les vacances ou les jours de neige, en définitive, pour se rassurer, et transmettre ça à des gosses pour réduire le gap générationnel qui finira de toutes façons par se manifester. Chouette lecture pour les adultes, les petits, ou les grands enfants.

Corentin
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