C'est une nouvelle rentrée qui se propose à nous, et c'est assez éloquent au vu du nombre de sorties VF - et de qualité ! - que nous proposent nos chers éditeurs. De l'autre côté de l'Atlantique, le rythme ne faiblit pas une seule seconde et moult single issues s'offrent à nous (façon de parler), de quoi avoir le tournis face à tant de choix. Et puisque choisir, c'est renoncer, la Checklist Comics est là pour vous aider à faire le bon choix. Ou l'un des bons choix. On peut se tromper, des fois.
Bien entendu, si l'une des sorties qui vous plaît le plus n'est pas évoquée ici, nul besoin d'insulter votre humble rédacteur : vous pouvez en faire profiter tout le monde dans les commentaires, afin qu'un maximum de personnes lise des comics !
Après avoir été présenté dans le premier numéro de The Sandman Universe #1, la série The Dreaming prend son départ officiel cette semaine. On retrouve le disciple Si Spurrier et les splendides crayonnés de Bilquis Evely, dans un royaume du rêve où le dieu local a apparemment décidé de rendre son tablier - parti sans donner d'adresses, Dream a en effet laissé à ses sujets le soin d'assumer les dégâts de son exil. Le ciel se fissure, la populace onirique est en émoi, et seul le bibliothécaire du royaume reste pour prendre les décisions importantes. La continuation la plus directe du Sandman dans les différents titres relaunchés récemment, où l'on devrait aussi suivre la quête du peuple pour retrouver son roi.
Au travers de son run sur le Titan Fou, Donny Cates aura fait s'affronter un Thanos en déclin qui aura tout conquis avec un Thanos plus jeune encore aux débuts de sa carrière. Alors que le scénariste s'amuse à réécrire l'histoire sur le Cosmic Ghost Rider, son obsession pour le gros bonhomme violet se poursuit dans ce numéro sensé raconter la jonction entre le moment où il sera parti "changer son destin" et le moment de son apparition dans Infinity Wars. Cela étant dit, ce pitch pourrait se révéler trompeur et s'orienter vers une toute autre direction, qui tiendrait plus de savoir que faire dans un univers privé de Thanos, où Cates ramène ses héros préférés dans l'équation. Une nouvelle exploration de la lubie Thanos chez Marvel, par le seul auteur qui aura livré une copie impeccable jusqu'ici.
Vampires, romances et tartes aux pommes ce mois ci chez Archie Comics, avec la lente progression de Vampironica. Un titre superbement illustré et raconté par les Smallwood, où la jeune héritière Lodge a été mordue par un vil suceur de sang tout ce qu'il y a de plus banal. Directement inspiré de l'iconographie du cinéma de drive in des années '60 et '70, Vampironica vaut largement le coup tant pour ses dessins brillants que pour son énième relecture du paysage d'Archie sous cet angle horrifique qui lui va décidément bien. De quoi patienter en attendant le retour d'Afterlife - d'ici dix ou vingt ans, ça devrait être bon.
Bien que la conclusion du dernier arc de Batman, avec le fantastique Lee Weeks aux dessins, nous ait quelque peu déçu par sa conclusion abrupte (et le changement de costume du Chevalier Noir à peine justifié), il nous tarde de poursuivre un run dans l'ensemble très qualitatif, surtout avec le nombre de questions qui restent encore sans réponses pour le moment. On se réjouit de plus d'accueillir Matt Wagner en guest sur le titre, pour un numéro à base de flashbacks qui doit revenir sur la relation de Bruce Wayne à son protégé Dick Grayson - dont de récentes rumeurs nous annoncent à nouveau un sort peu recommandable, encore un coup de Dan Didio. Le duo affronte Mr. Quilt, un super-vilain qui les assaille à coups de flash lumineux - qui ne vont pas avoir de bons effets sur leur mental déjà bien abîmé. C'est toujours une question de psychologie, avec King !
Après une entrée en matière séduisante et surprenante à la fois, Leviathan s'en revient déjà alors que John Layman semble crouler sous les projets. Sa version du répertoire "attaque de monstre géant", avec violence, ironie et le fantasque des dessins de Michael Garland, se paye déjà un second numéro après nous avoir surpris sur la fin du dernier. On espère y retrouver la verve habituelle du scénariste, fana' de violence gratuite, de belles pages pleines et de vannes sur Donald Trump, un ensemble détonnant qui emprunte pour beaucoup au cinéma japonais et aux délires de fin du monde à la South Park. On aime.
En parallèle de la relance de l'univers Sandman, le renouveau de DC Vertigo passe par une nouvelle vague de titres indés qui sentent très fort le comicbook social et engagé (que certains appelleront "SJW comics" à n'en pas douter ; continuez comme ça, les gars). Avec Border Town, la politique anti-immigration de Donald Trump est utilisée pour une histoire fantastique où c'est la frontière entre le monde réel et celui des démons qui se brise, et qui entraîne l'arrivée sur le sol américain d'une multitude de monstres issus du folklore mexicain. Bien entendu, les immigrés sont accusés de ces maux surnaturels, et une bande de jeunes marginaux va mettre un point d'honneur à découvrir l'origine de tout ce darwa. Les premières planches nous montraient un titre atypique, avec une écriture pas forcément subtile à tout moment, mais on ne demande qu'à voir le résultat du nouvel effort éditorial de DC Vertigo, proposé par Eric M. Esquivel et Ramon Villalobos.
Dès le second numéro, Donny Cates avait donné la mesure du Cosmic Ghost Rider - sa version du récit absurde et bariolé à la Rick & Morty. Frank Castle y joue un rôle de Marty McFly, qui espère qu'en éduquant Thanos de la bonne façon, le Titan Fou échappera à son destin de meurtrier de masse. Avec le désaccord de Uatu et Galactus, le Rider s'emporte dans une quête effrénée où les obstacles seront nombreux. Mais qui pourrait arrêter le mélange du Punisher, du Ghost Rider et du Silver Surfer, un être si puissant que son caprice de correcteur de l'Histoire habituelle ne saurait être stoppée ? Pour la marrade, les bonnes idées et la narration débridée associées à de superbes planches, le titre est déjà un immanquable absurde qu'on espère vite retrouver en relié.
En plus de donner suite à certaines de ses créations comme Scarlet ou United States vs Murder Inc. (qui est la suite de The United States of Murder Inc.), Brian M. Bendis poursuit l'établissement de son Jinxworld chez DC Comics avec la venue de Cover, nouvelle collaboration avec David Mack, avec qui il a collaboré mainte fois pour Jessica Jones. L'idée de base est diablement intéressante : et si un équivalent de la CIA décidait d'employer les artistes de comicbooks comme agents, lorsque ces derniers vont aux quatre coins du monde au gré des conventions ? Mêler l'industrie des comics au monde de l'espionnage, voilà un concept qui nous séduit d'emblée, et avec l'équipe derrière, inutile de vous dire qu'on va clairement y jeter un coup d'oeil !
On vous en avait déjà parlé lors de sa sortie en VO, le Batman Annual #2 de Tom King et Lee Weeks est certainement l'un des meilleurs numéros du scénariste, où l'établissement (définitif) de la relation entre Batman et Catwoman tient autant d'une écriture puissante de maîtrise et d'émotion qu'au magnifique travail de Weeks, avec également la présence du trop rare Michael Lark. Pour l'édition française, Urban a la bonne idée de réunir le numéro avec un autre travail du duo, Batman/Elmer Fudd, réinvention improbable du monde des Looney Tunes dans une ambiance de polar noir, et réussie en tous points. Un album qui met vraiment l'accent sur cette collaboration artistique - et l'on vous rappelle d'ailleurs qu'une version Noir et Blanc doit arriver pour le Batman Day !
Allons du côté de Delcourt Comics à présent, qui en plus d'un artbook dédié à Frank Cho, propose le titre Green Valley de Max Landis, scénariste reconnu autant pour ses comics (Superman : American Alien) que ses travaux au cinéma (Chronicle), avec l'artiste Giuseppe Camuncoli aux dessins. Un titre d'heroic fantasy déluré dans lequel l'inspiration des 80s est omniprésente, avec une troupe de chevaliers reprend du service pour aller dans la Vallée d'Emeraude, anéantir un sorcier et ses dragons. A moins que tout ça ne soit qu'une farce, ou pire encore ? On ne vous en dit pas plus, les rebondissements valent le détour.
Parmi les nombreuses rééditions de la semaine chez Panini Comics, en parallèles de sorties consacrées à Venom, c'est l'event Secret Invasion qui revient dans la collection Marvel Deluxe de l'éditeur (et donc : couverture cartonnée, grand format, et 26€ également). Pilotée par Brian M. Bendis, cette saga qui fait suite à la première Civil War met les Vengeurs face à cette terrible réalité : certaines personnes sont en fait des Skrulls infiltrés, et une invasion alien est imminente. L'event est fondamental pour le Marvel moderne, et a permis à quelques tie-ins (hélas, absents) de briller. A (re)-découvrir, surtout avec les dessins de Francis Leinil Yu.
Une belle sortie en indé du côté d'Urban Comics avec le God Country de Donny Cates et Geoff Shaw, équipe créative sacrée pour ce travail et qu'on retrouve maintenant chez Marvel en pleine forme. La couverture laisse entrevoir l'ambition épique de l'histoire, qui mène un vieil homme atteint d'Alzheimer à la rencontre d'une épée magique, qui fait de lui un homme nouveau. Mais le propriétaire est bien décidé à la lui reprendre coûte que coûte. Comme souvent avec Donny Cates, le récit est puissant, et l'on profitera d'une critique dédiée pour vous vanter les mérites de Geoff Shaw aux dessins.
Autre sortie incontournable de la semaine, et oui, il s'agit encore de Tom King au scénario. Bien avant Batman ou Mister Miracle, lorsqu'il co-écrivait Grayson, le scénariste a livré une oeuvre fondamentale dans sa carrière (toujours en construction, cela dit) chez Vertigo, qui tire parti de son expérience comme agent de la CIA opérant en Irak. Un récit sous forme d'album souvenir, où le point de vue de trois personnes engagées dans des aspects différent du conflit Irakien laisse à disserter sur l'absurdité de cette guerre, avec une mise en page bluffante de Mitch Gerads. Une première pierre qualitative dans ce que le duo apportera par la suite avec Mister Miracle, et un ouvrage à posséder absolument chez soi. Ou à lire, puis partager. Vous nous aurez compris.
Puisqu'il n'est pas publié en fascicule, le nouveau Moon Knight lancé avec Marvel Legacy est à découvrir directement en album dans la collection 100% Marvel de Panini Comics. Après une petite coupure suivant la fin du run de Jeff Lemire, c'est Max Bemis (Evil Empire, Foolkiller) qui reprend les commandes de Marc Spector, avec Jacen Burrows (Providence) aux dessins. Une lutte oppose le Moon Knight au dangereux Sun King (forcément), qui menace de lui révéler une vérité dérangeante sur son compte. Le côté folie du personnage reste bien exploité, et Burrows est convaincant aux dessins : alors pourquoi ne pas vous laisser tenter ?
Serait-ce du forcing ? Non, c'est de l'amour. Et l'amour, c'est bien. On vous met l'accent sur ce cinquième tome de Batman Rebirth qui entame, dans le long run de Tom King, une délicieuse partie qui mène vers le mariage de Batman et Catwoman, avec de courts arcs servis avec maestria par Joelle Jones (qui fait ses débuts sur le titre) et Clay Mann. Au programme, un démêlé familial avec Talia Al Ghul et un double date entre amis, toujours servi par une écriture au poil, et l'envie de voir ce couple se concrétiser et le Chevalier Noir atteindre son bonheur. Et graphiquement, c'est la branlée tout du long. Donc oui, c'est bien par amour qu'on met ce tome par ici !