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L'évolution du marché des comics

L'évolution du marché des comics

DossierIndé

L'industrie des comics est un milieu qui existe maintenant depuis plusieurs décennies, et qui aura connu des fortunes diverses au fil du temps. Si aujourd'hui on achète ses comics chaque semaine, que ce soit en allant dans son comic-shop préféré ou en attendant la livraison de ce que l'on a commandé sur internet sans trop se poser de question sur le pourquoi du comment, il peut être intéressant de voir par quels moyens cette industrie s'est développée pour arriver à ce stade ? Et nos habitudes de consommateurs (que ce soient les recueils, la 158ème réédition du run de Frank Miller sur Daredevil ou les numéros publicitaires) ont-elles toujours été les mêmes ?



Tout d'abord, si on veut comprendre d'où viennent nos chers comics, ils faut regarder bien loin en arrière, au début du vingtième siècle, où des comic-strips, qui se résume en une seule bande ou parfois en une page (le dimanche surtout), paraissent dans les journaux quotidiens. Ce sont souvent des histoires comiques faisant intervenir des personnages récurrents, parmi lesquels on peut compter le Yellow Kid de Richard Oucault ou encore Little Nemo de Winsor McCay (oeuvre qui a bénéficié d'une réédition récente). Ceux-ci sont une réelle plus-value pour le magazine dans lequel ils paraissent, tellement qu'ils seront ensuite regroupés dans des recueils qui se vendront comme des petits pains.


Avant l'arrivée des super-héros, on trouve de nombreux comics relatant des histoires comiques, de polar ou de western. Le plus connu d'entre eux s'appelle Famous Funnies, qui accueilleront un temps le célèbre héros de science-fiction Buck Rogers, se vendra aux alentours des 300.000 et 400.000 exemplaires.


C'est donc vraiment l'arrivée des super-héros qui va changer la donne. En effet, Action Comics #1 puis Detective Comics #27, soit respectivement la première apparition de Superman et de Batman, se vendront tous les deux bien au-dessus du million d'exemplaire, pulvérisant littéralement tous les standards préétablis. C'est bien sûr la raison pour laquelle tout le monde fera du super-héros, et que cela deviendra le genre quasiment exclusif aux Etats-Unis.


Durant les années 40 et 50, les ventes vont subir assez peu de changement. Allant jusqu'à vendre à la fin des années 50 de 300 millions à 400 millions de comics par an, alors qu'en 2010, recueils inclus, il s'en est vendu environ 100 millions. Cependant, il est intéressant de remarquer que malgré la grande différence du volume vendu, la tendance s'inverse totalement en termes d'argent engrangé. En effet, même s'il l'on considère l'inflation, à l'époque ils se faisaient environ 300 millions de dollars, alors que l'année dernière, l'industrie a fait 600 millions de dollars, soit le double. On pourrait être choqué, surtout qu'à la place des 32 pages actuelles, les singles faisaient à l'époque généralement 48 pages, mais il faut aussi prendre en compte le fait que le papier et la colorisation sont de bien meilleure qualité, augmentant dans le même temps son coût. Dans un même temps, il faut remarquer une diminution progressive du comic de super-héros au profit des comics de western, d'horreur ou de romance.



Le début des années 60 appartient totalement à Walt Disney, qui à travers l'éditeur Dell, ses meilleurs comics au-delà de la barre du million d'exemplaire. Mais les ventes s'effondrent, et en seulement quelques années ces chiffres sont divisibles par deux, et en 1964, le meilleur titre, Action Comics, ne se vend qu'à 500.000 exemplaires. Mais un éditeur débarque et fait bouger l'industrie. C'est bien sûr de Marvel dont il est question. Assez étrangement, ce n'est pas à eux que va d'abord profiter ce regain d'intérêt, mais à DC, qui va réussir à placer Superman au-delà des 800.000, tandis que la boîte de Stan Lee reste coltiné aux 200.000 pour Journey Into Mystery. Mais un titre de la Maison des Idées va bientôt tirer son épingle du jeu et monter progressivement dans le classement pour se vendre à près de 400.000 exemplaires en 1969, il s'agit bien sûr d'Amazing Spider-Man, alors que la meilleure vente de l'année, un Archie, se vend à 500.000 exemplaires.



Les années 70 et 80 verront le marché se stabiliser, tandis que DC restera dans le haut du classement et sera rejoint par Marvel, les deux bouteront progressivement tous les autres du haut des ventes pour conserver une main-mise totale sur le marché. Ils useront l'un et l'autre de tous les moyens possibles pour augmenter les ventes. Dans ce sens, l'ère Jim Shooter chez Marvel est la plus significative. Il lancera des séries sous licence comme les Transformers, les Micronauts, ROM et bien d'autres. Il trouvera aussi la solution du crossover avec Secret Wars, idée qu'il lui est venu grâce à... Mattel. En effet, ces derniers avait besoin de nouveaux costumes et de nouveaux personnages pour faire leurs collections, et Shooter trouva cette solution qui est bien pratique puisqu'elle attire les fans de chaque personnage de l'univers partagé. DC ne sera pas en reste puisqu'ils répondront ni plus ni moins que par le gigantesque Crisis on Infinite Earths.



La décennie suivante sera marquée par la création d'Image et d'un nombre d'éditeurs indépendants (Wildstorm, Cliffhanger, Crusade,...) important qui va s'enfoncer dans la brèche. L'impact sur les deux majors sera immense, puisque les frères ennemis se partageaient le haut du classement des ventes depuis près de trente ans. Apparaîtront alors des titres comme Spawn, WildC.A.T.S. ou Tomb Raider sur la première marche du podium. Les ventes de Marvel et DC s'en ressentent. Ils arriveront tout de même à placer plusieurs titres mémorables, comme la mort de Superman ou bien Age of Apocalypse. Mais alors que les ventes subissaient une envolée qu'on avait plus vu depuis des années, la bulle spéculative va s'effondrer d'un seul coup, passant de ventes qui frisaient parfois le million, à des 200.000 exemplaires pour les meilleurs titres. Et si Marvel subira de plein fouet cette crise, passant tout près de la banqueroute, c'est les indépendants qui seront le plus touchés. Un grand nombre de ces nouvelles maisons d'édition disparaîtront aussi vite qu'elles étaient apparues ou seront rachetées par une major (comme Wildstorm que Jim Lee va revendre à DC). Même Image va devoir stopper son envolée lyrique pour se ressaisir sur les titres qu'ils proposent déjà.



Le nouveau millénaire voit le retour des deux majors au pouvoir. Ils montent progressivement vers le haut des ventes, surtout Marvel qui se refait une nouvelle jeunesse et repasse devant DC. Les deux ont trouvé la solution pour stopper l'hémorragie. En premier lieu, des séries chocs comme des crossovers du style de Civil War qui fut l'une des meilleures ventes de la décennie ou bien un numéro d'Amazing Spider-Man qui accueillera un invité de choix en la personne de Barack Obama (le titre se vendra à 500.000 exemplaires, ce qui est ahurissant pour l'époque, juste sur le buzz car à l'intérieur rien d'exceptionnel), supportées par un battage médiatique intelligent utilisant à merveille le nouveau média d'internet. De plus, ils ont compris l'importance donnée aux TPBs qui ne se sont jamais aussi bien vendus, surtout parce qu'ils se trouvent ailleurs que dans les commerces spécialisés. Désormais, est-ce que l'avenir se trouve dans les recueils, ou dans le balbutiant numérique qui se développe lentement ? Il est en tout cas assez remarquable qu'alors que les comics ne se sont jamais aussi peu vendus, les recettes de l'industrie (et particulièrement les bénéfices des deux géants Marvel et DC) ont rarement atteint de tels sommets.

Alfro
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