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Marvel Classic #3 - Captain America : La review

Marvel Classic #3 - Captain America : La review

ReviewPanini
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Notre note

Quelle ne fut pas ma surprise quand, au détour d'une promenade chez mon libraire, je tombais par hasard sur le Marvel Classic volume 3 ! Après les origines des héros de la maison des idées et Thor, c'est donc Captain America qui voit sept de ses récits d'archives tirés du fin fond des cartons de Stan Lee. Une fois rentré chez moi, bien calé dans mon canapé, j'ouvrais l'ouvrage et un sourire en coin se dessina sur mon visage : scénariste par Stan Lee et dessinée par Jack Kirby et Jim Steranko, cette centaine de pages a comme un goût de madeleine de Proust. Étrange pourtant d'être nostalgique d'une époque que je n'ai pas connue, c'était comme si ce Marvel Classic s'adressait à moi en chuchotant d'une voix enrouée : "Jeeee suiiiis toooon pèèèère !" Mais au fond, ce qui était encore plus étrange pour moi, c'était d'être capable de lire ce recueil de bout en bout sans avoir une envie folle de m'arracher les yeux :
Pour tous ceux qui comme moi, ont découvert les comics dans les années 90, bercés par le vent frais venu de chez Image et Cliffhanger, le style narratif et graphique des années 60 a quelque chose de... très, très, très perturbant.
Malgré tout, ce Marvel Classic #3 est une véritable petite mine d'or pour qui veut entrer dans l'esprit de La Sentinelle De La Liberté, car ces 7 histoires n'ont pas été choisies aux hasards. Elles permettent aux lecteurs d'aujourd'hui de cerner le personnage, de comprendre son état d'esprit tourmenté une fois "ressuscité", perdu loin de son époque, avec la mort de son meilleur ami pesant lourdement sur ses épaules.

Le Passé Recomposé

Premier récit du recueil, Stan Lee et Jack Kirby y narrent des événements qui succédèrent au retour de Steve Rogers dans la vie civile. Assaillit par les souvenirs macabres de la mort de Bucky, Rogers se voit prescrire des médicaments par un psychiatre sans scrupule. Le Docteur Faustus, c'est son nom, se révèle en fait être un saboteur à la solde de l'Hydra - la routine pour notre Cap de l'époque.
Il s'agit plus ici d'une histoire sur Rogers que sur La Légende Vivante, Lee s'intéresse à l'homme derrière le masque, à l'ancien soldat qui a perdu son frère d'arme. Utilisant la recette-Marvel qui l'a rendu célèbre, The Boss nous propose un Steve Rogers envahit par les remords. Dans ses cauchemars Bucky l'accuse de l'avoir laissé mourir.
Finalement, on découvrira que le Docteur Faustus droguait Cap et mettait en scène ses cauchemars (plus vrais que nature) à l'aide de ses sbires.
Comme il était d'usage à l'époque, Lee et Kirby usent de métaphores afin de représenter les tourments qui hantent leurs personnages. Ainsi, les sbires déguisés et les drogues donnent corps aux remords du soldat Rogers. On y découvre donc un personnage sombre et tourmenté, remettant en cause son statut de héros. Une illustration simple et parfaite de la recette-Marvel.
Alors bien sûr pour des petits jeunes comme moi, il a été un peu dur de me plonger dans ce style graphique, cette narration et cette mise en page de 20 ans mon aînés.
Toute scène d'action est pliée en quelques cases et suppléée par des dialogues censés expliquer la scène en question ; les techniques d'impression de l'époque n'offraient à Marvel qu'une possibilité de colorisation simpliste par aplats ; les méchants ont forcément tous un visage simiesque parce que bon, c'est des méchants et Cap s'extirpe de toutes les situations par des pirouettes scénaristiques à s'arracher les cheveux. Mais tels étaient les "codes" de l'époque et au milieu de cet océan de retro-reading, quelques fulgurances sautent aux yeux :
Ainsi, les didascalies de Lee sont romancées, offrant une lecture agréable tout en donnant au récit une dimension plus profonde. De son côté, et ce n'est pas pour me déplaire, Kirby explose chaque case avec un dynamisme fou, finalement aidé par cette colorisation si particulière ; des onomatopées massives ; des personnages aux mouvements amples et des traits dans tous les sens. Le King lance finalement son lecteur dans une course effrénée jusqu'à la dernière bulle.

Il Était Une Fois Un Héros

Passage obligatoire pour ce Marvel Classic, il est ici question de la naissance même de Captain America. Ce dernier raconte à Nick Fury son recrutement pour le projet Super-Soldat. Le héros est pris d'une grande nostalgie pour cette époque où (encore une fois) Bucky était en vie, et où Rogers était véritablement un gamin d'une vingtaine d'années bien ancré dans une époque qui lui correspondait. Il l'explique à Fury : dans les années 60 Rogers est perdu, il n'a plus de repères. Mais son interlocuteur n'est pas vraiment homme à se laisser attendrir, Fury le remet en place à plusieurs reprises en lui rappelant que beaucoup s'estimeraient heureux de pouvoir être à sa place. Le leader du SHIELD est ici la personnification de ce que Rogers doit pouvoir atteindre pour supporter sa nouvelle vie : le Super-Soldat doit prendre du recul sur sa situation passée et sur celle bien ancrée dans le présent, il doit pouvoir tourner la page pour avancer. Il doit prendre soin de lui. Fury le lui dit avant de tourner les talons : "Si j'étais toi, je sortirai m'en payer une tranche !" - et à Rogers de se dire : "C'est peut-être ça mon problème. Peut-être qu'après toutes ces années... je ne sais plus m'amuser !"
Sa propre conclusion est risible, mais les comics de l'époque n'ont jamais tenté de faire dans la psychanalyse pointue. Ils se contentaient de vulgariser les ressentis pour les rendre plus accessibles. Ici, Steve Rogers comprend qu'il doit faire le deuil d'une vie passée sur le front. Une fois revenu dans le civil, le passé militaire doit rester le passé militaire avec tout ce qu'il comporte de souvenirs plus ou moins douloureux. Et encore aujourd'hui Cap reste l'archétype du vétéran revenu parmi les siens. Pour changer de vie en quittant le front et en retournant chez lui, le bleu Rogers n'a pas seulement traversé des milliers de kilomètres, mais il a surtout traversé deux décennies ! Son passé et son présent sont désormais et définitivement deux univers totalement différents et Stan Lee nous démontre comme il est dur de passer à autre chose.

Plus Jamais Seul

Cette aventure très poignante met en scène la rencontre décisive entre Captain America et celui qui remplacera Bucky, Rick Jones. C'est donc au cours d'une confrontation entre l'armée et Hulk que Cap sauve in extremis le jeune Rick avant de rentrer le soigner chez lui. À son réveil, Rick a revêtit le costume de Bucky Barnes provoquant alors une réaction de rejet de la part de Rogers qui n'a pas encore terminer le deuil de son ancien side-kick. Mais le petit est volontaire et Rogers comprend qu'il doit sauter le pas pour peut-être passer à autre chose, il décide donc de laisser sa chance à ce nouveau partenaire.
Ensemble ils sont aussitôt pris dans une embuscade de l'Hydra qui permet à Stan Lee de mettre en scène un Captain America mentor et leader, hurlant ses ordres à l'inexpérimenté Jones afin de lui éviter une mort certaine. Le nouvel acolyte reste malgré tout un gamin buté plus que désireux de faire ses preuves quitte à mettre leur mission en danger.
Évidemment les deux héros s'en sortent, mais encore une fois ce n'est pas vraiment l'action qui est au coeur du récit mais ce qui se raconte derrière :
À cette époque, Steve Rogers a toujours été comme un père ayant perdu son unique fils. De son côté Rick Jones vient à lui comme un enfant voulant impressionné ce père qu'il n'a jamais eu. La relation filiale renaît d'elle-même et permet à Cap de tourner la page et à Jones, orphelin, de trouver un père de substitution. Et même si au fond la psychologie de Rick Jones est identique à celle du Bucky Barnes de l'époque, la relation qui se noue entre les deux complices n'en reste pas moins très touchante.
Mais la fin de cette histoire n'augure rien de bon et laisse présager les heures sombres qui vont frapper cette jeune famille recomposée. Ainsi, la dernière case les voit tous deux s'éloigner avec un Cap paternel posant une main sur l'épaule de son fils, et en premier plan on peut distinguer un panneau de chantier "ATTENTION DANGER". La tension s'installe alors que la sérénité était le sentiment attendu pour ce genre de récit.



Côté dessin, on passe de Jack Kirby à Jim Steranko. Son style plus arrondi que celui du King offre une dynamique nouvelle mais toute aussi efficace que celle de son comparse. Leur travail de découpage reste relativement proche mais Steranko s'autorise plus de liberté, comme on pourra surtout le voir dans l'histoire suivante.

Demain Tu Vis, Ce Soir Je Meurs

Cet épisode commence avec une scène d'action très efficace confrontant Cap à... des hommes de l'Hydra (pour changer) avant de nous présenter l'entrainement de Rick Jones sous l'oeil expert du Super-Soldat. Durant cet épisode, le jeune side-kick ne peut s'empêcher de se comparer à Bucky : "Moi qui pensais que remplacer Bucky serait du gâteau ! Certes, je suis pas un cascadeur accompli... mais il ne l'était pas non plus, au début !" De son côté, Rogers comprend les tourments de son allié et devine que son entrainement ne sera pas chose aisée : "Il est perturbé ! Chaque fois que je parle de Bucky, Rick pense que je le rabaisse ! Mais comment l'entrainer sans lui enseigner la technique de Bucky ?".
En une vingtaine de pages, The Boss explore plus profondément la relation père-fils de ses deux protagonistes. Steve Rogers se présente comme un parent ne parvenant pas à guérir la perte de son enfant : "[Rick] souffre de vivre dans l'ombre de quelqu'un d'autre ! Et pourtant, je ne peux pas... je ne veux pas oublier Bucky Barnes !".



Par la suite, en voulant encore une fois prouver sa valeur auprès de son mentor, Rick se fait kidnapper par l'Hydra. Cap prend alors conscience qu'en révélant sa véritable identité au monde entier, il a mis chacun de ses proches en danger.Il court alors sauver son apprenti. Sur place, Cap est prévenu d'un piège par Rick Jones - qui s'est fraichement extirpé de l'emprise de ses ravisseurs. Mais trop tard, La Légende Vivante est criblée de balles et son corps inanimé plonge dans l'Hudson !
La police ne retrouvera que le costume ravagé du héros ainsi qu'un masque à l'effigie de Steve Rogers. Pour les autorités, deux certitudes s'imposent : Steve Rogers n'était qu'une couverture pour Captain America et ce dernier est mort !
Comme dit plus haut, Stan Lee pousse à son paroxysme la relation filiale qui uni Steve et Rick. En développant le trauma des deux personnages, Lee humanise le duo et fait de chacun la catharsis de l'autre, voire aussi celle du lecteur.
De son côté, Steranko nous propose une nouvelle fois des planches d'une grande efficacité à la structure éclatée, de véritables petites perles graphiques qui ne sont pas sans rappeler le travail exemplaire de Kelley Jones sur Batman.

N'oublions Jamais

Captain America est mort, pour la population comme pour les Vengeurs le doute n'est plus permis et Tony Stark s'en va clore définitivement le dossier du Super-Soldat. C'est l'occasion pour l'homme d'acier et pour le lecteur de se remémorer qui était Captain America, ses faits d'armes contre ses "plus grands" ennemis - du terrible Papillon à Crâne Rouge en passant par la Légion Impie des Mendiants, sa galerie d'adversaires est des plus cocasses. On survole aussi la mort du héros ainsi que celle de Bucky ou encore la découverte du corps congelé par Namor puis finalement son amour pour Sharon Carter. Stark termine son récit par un salut militaire devant le portrait du soldat Rogers.

 
Au fond, j'ai une folle envie de passer outre cet épisode tellement le ton est éloigné des recherches psychologiques des précédents récits du recueil. Et bien que cet interlude semble indispensable à ce Marvel Classic, tout cela fleure bon la propagande pro-Cap bête et méchante.
Mais ne boudons pas notre plaisir, mine de rien un ancien marchand d'armes faisant l'apologie du parfait citoyen américain a quelque chose de touchant...
 
 
La Mort Mystérieuse De Captain America


Cet épisode commence comme le précédent mais d'une manière très originale puisqu'il s'agit cette fois-ci  de la mort de Captain America observée du point de vue de l'Hydra. Alors que l'organisation fête la disparition de leur némésis, le leader Madame Hydra clos à sa manière le dossier de Cap et se remémore les événements qui l'ont menés au rang de chef de l'organisation.
Stan Lee en profite pour creuser la personnalité de Miss.H en faisant d'elle non pas un simple ennemi du bien désireux de diriger le monde, mais une femme tourmentée par un passé douloureux. Le recette-Marvel, encore et toujours aussi efficace !
Les Vengeurs quant à eux se réunissent pour les funérailles de leur vieil ami.
Les hommes de l'Hydra en profitent alors pour endormir les héros afin de finir le travail. Rick Jones, effondré et absent de la cérémonie échappe au piège et décide de suivre ce cortège macabre jusqu'au cimetière où doivent être enterrés les corps inanimés de ses partenaires.
Une fois sur place, un Captain America bel et bien vivant fait son apparition et le jeune Rick se joint à lui pour faire échouer le plan de leur adversaire de toujours !


Jim Steranko en profite pour nous offrir une pleine page à la composition irréprochable mettant en scène les deux acolytes en plein combat, et je paierais cher pour voir Alex Ross reprendre cette planche !

Je passerais sur l'ignoble stratagème qu'avait employé Steve Rogers pour simuler sa mort dans l'épisode précédent et je vais donc aller au cœur du sujet :
Cette mésaventure permet à Cap de faire définitivement croire à tout le monde qu'il n'était pas Steve Rogers. Ainsi, il sait que ses proches seront à nouveau en sécurité. De plus, c'est à la fin du récit que La Sentinelle De La Liberté se débarrasse de Madame Hydra.
Cette histoire présente en fin de compte la renaissance de Steve Rogers : et pour ancrer plus profondément cette symbolique, la dernière case du récit présente le héros s'éloignant en costume de civil vers la sortie du cimetière. La métaphore est claire : Rogers s'extirpe enfin des souvenirs macabres de son passé.
En conclusion, Rick Jones semble enfin avoir mérité son titre de nouveau Bucky et Cap s'offre une nouvelle vie. Et un nouveau fils.
Pour ce qui est du traitement graphique, Steranko nous fait de nouveau plaisir avec des cases d'une grande créativité et d'un dynamisme boostant la lecture en n'hésitant pas à mettre en scène les onomatopées ou en usant du noir et blanc pour intensifier l'action.

Captain America Et L'Énigme De Crâne Rouge :

Épisode bonus de ce recueil datant de 1941, Captain America et Bucky sont confrontés pour la première fois au terrible Crâne Rouge. Ce récit fait beaucoup penser aux histoires d'horreur qui débarqueront une dizaine d'années plus tard : le Crâne Rouge y est représenté comme une sorte de monstre zombie hypnotisant ces proies afin de les tuer (pure rhétorique visuelle étant donné qu'il les tue en les empoisonnant).
À la publication, nous sommes donc en plein Golden Age et il est toujours très marrant de voir avec quel manichéisme les méchants étaient désignés : pour Crâne Rouge ce sera donc une grosse croix gammée blanche sur le torse (à la manière des films japonais avec les ninjas portant tous un bandeau sur le front avec dessus écrit... ninja !)
Tout le récit souffre de cette grande naïveté inhérente aux comics de l'époque et même le style de Jack Kirby, pas encore affirmé, offre à chaque planche un dessin simpliste et souvent maladroit. Mais dans l'ensemble il s'agit là d'une des clés de voutes de l'histoire de Cap puisqu'il s'agit de sa première rencontre avec une des incarnations de Crâne Rouge. Alors il ne faudrait pas jouer les fines bouches.

En conclusion, ces sept récits permettent réellement de s'immerger dans l'esprit de La Légende Vivante, de saisir les maux qui furent les siens à la suite de son réveil, de comprendre comment il est parvenu à faire le deuil d'un passé trop lourd à porter. En une centaine de pages, on découvre Steve Rogers l'être humain, loin des apparats du costume rouge-blanc-bleu. C'est à un vrai voyage temporel que vous participerez en lisant ce recueil ! Car de nos jours, Cap est ancré dans une dynamique contemporaine où les différents auteurs le confrontent à des conflits externes bien concrets ; ce Marvel Classic est un parfait miroir de cette époque en nous présentant un héros replié sur lui-même forcé de se ré-inventer pour continuer d'exister. Fermé du reste de la planète et des conflits qui l'enflamment, Steve Rogers doit combattre ses propres conflits intérieurs.
Le Silver Age est aussi l'ère d'une industrie du comics fleurissante d'où naquirent parmi les plus grands auteurs et dessinateurs de toute l'Histoire des super-héros et ce Marvel Classic en est la preuve formelle : Stan Lee s'attarde comme toujours sur l'humanité de ses personnages afin de les rapprocher de ses lecteurs et surtout de lui-même. Kirby et Steranko quant à eux, nous offrent des planches d'une composition aujourd'hui disparue avec l'avènement des nouveaux procédés de colorisation et d'impression, ainsi qu'avec les courants artistiques qui ont su évoluer dans le monde des comics au cours des décennies.

Finalement, ces sept histoires sont les témoins d'une époque lointaine, décalée, rétro, mais qui nous rappellent encore et encore que cette ère est à la base de tout, une renaissance qui a permis aux comics d'entrer dans l'âge de bronze avec une véritable identité aussi bien sur le plan graphique que narratif.

Les moins :

- Des dialogues et une narration souvent lourds.
- Des scènes d'action et des rebondissements vite expédiés.
- Le choc des générations (quoique cela ne concerne qu'un certain nombre de lecteurs).
- Une naïveté frôlant de temps à autre la propagande pro-Cap.


Les plus :

+ L'approfondissement de la psyché de Captain America, allant crescendo au fil des récits.
+ Un style graphique toujours plus dynamique et novateur.
+ Une plongée dans les eaux troubles quoique rafraichissantes du Silver Age.
+ Des épisodes indispensables à la bonne compréhension du personnage de Cap.


Note Globale : 4/5

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