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The Wanderer's Treasures #2, Ragnarok

The Wanderer's Treasures #2, Ragnarok

ReviewMarvel
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Notre note

Bienvenue dans la deuxième édition de The Wanderer’s Treasures. Semaine Thor oblige, c’est au dieu asgardien du tonnerre que nous allons aujourd’hui nous intéresser. Et plus précisément à sa mort, telle que nous l’ont contée Michael Avon Oeming (Powers, The Mice Templar) et Andrea DiVito (Scion, Annihilation) en 2004 dans le story arc Ragnarok (Thor vol 2 #80-85).

Commençons par replacer l’histoire dans son contexte. A cette époque, Marvel avait décidé de relancer Avengers en confiant le titre à Brian Michael Bendis. Le premier acte de celui-ci fut de détruire l’équipe avec Avengers : Disassembled. En parallèle à cela l’éditeur et le scénariste décidèrent de décliner le concept de Disassembled dans les autres séries liées à l’univers des Vengeurs (Captain America, Iron Man, Thor et assez étonnamment Sensational Spider-Man). Autre point notable, ce story arc de Thor devait être le dernier, Marvel ayant décidé d’arrêter la série en raison de ventes jugées décevantes. Bendis conseilla alors lui-même de confier le chant du cygne de Thor à son ami et collaborateur sur Powers, Mike Oeming, connaissant la passion de ce dernier pour la mythologie nordique. L’artiste se mua donc pour l’occasion en scénariste (avec un peu d’aide de Daniel Berman pour les scripts) et nous livra le petit bijou que je vais maintenant vous présenter.

Du point de vue de la continuité, il suffit de savoir qu’à ce moment de la série Odin (le chef des dieux asgardiens et père de Thor donc) est mort. Le dieu du tonnerre est donc monté sur le trône d’Asgard dont il est l’héritier. Il a aussi un temps reçu le pouvoir d’Odin (l’Odinpower) mais l’a perdu lorsqu’il est revenu à Asgard. Nul besoin d’avoir lu les histoires narrant ces évènements pour apprécier Ragnarok, puisque presque aucune référence directe n’y est faite. Et lorsqu’il y en a c’est uniquement pour expliquer un évènement qui aurait pu choquer les lecteurs habituels (le retour de Surtur par exemple). Il suffira au lecteur d’accepter le status quo que le scénariste lui propose au début du récit et de se laisser porter par l’histoire.

Tout commence par un prologue très réussi qui nous plonge immédiatement dans l’ambiance avec de nombreuses références à la mythologie nordique (la création du monde à partir du corps du géant Ymir, les trois nains qui ont forgé Mjolnir le marteau de Thor) revue et corrigée par Mike Oeming pour l’adapter tant à son récit qu’à l’univers du comic. Ainsi de nombreux détails sont soit écartés (le fait que Mjolnir recèle une imperfection suite à un tour de Loki), soit modifiés (les conditions de la création de l’arme : dans l’edda c’est suite à un défi lancé par Odin aux forgerons nains). D’autres sont créés de toutes pièces (les pouvoirs du moule qui a servi à forger Mjolnir).  Ce procédé de relecture de l’edda s’avèrera être l’une des constantes du story arc, et l’un de ses principaux intérêts. Oeming prend visiblement plaisir à exploiter ses vastes connaissances sur le sujet pour enrichir son récit, lui donner une sorte de base « réaliste » en l’ancrant dans la version « officielle » de la mythologie nordique. Cependant il ne le fait jamais au détriment de la narration et sait prendre des libertés judicieuses pour ne pas transformer son histoire en simple plagiat de cette mythologie et au contraire nous conter une intrigue originale. Ceux qui connaissent le sujet se délecteront des nombreux clins d’œil (Fenris dévorant le soleil, le bateau fait avec les ongles des morts,…). Les autres prendront à n’en pas douter plaisir à découvrir cet univers si riche qui a inspiré bien des auteurs d’heroic fantasy (J.R.R. Tolkien le premier)

L’histoire à proprement parler se divise quant à elle assez nettement en trois actes. Le premier parait à priori assez classique. On y voit Thor confronté à une coalition de ses ennemis emmenés par Loki et puissamment armés (c’est à ça qu’a servi le prologue autour du fameux moule). Les choses tournent évidemment au tragique pour le dieu du tonnerre qui est obligé de demander l’aide de ses alliés de longue date, Iron Man et Captain America. S’ensuit la lutte de nos héros contre le mal, avec notamment une confrontation d’anthologie entre le trio et la petite bande de Loki. Ce qu’il convient surtout de retenir de cette partie c’est le brio avec lequel le scénariste nous fait ressentir la camaraderie qui existe entre les trois Vengeurs. Ils ne sont pas seulement des frères d’armes mais de véritables amis, et Oeming fait passer cela en un seul numéro. Et puis il y a la fin de cet « acte », l’annonce de la mort de Balder (autre point essentiel de l’edda revisité par Oeming) qui rompt avec le classicisme. Cette fois le bien ne triomphera pas. C’est le crépuscule des dieux. Ragnarok.

L’acte deux est celui du désespoir. Morceaux de bravoure épique et références mythologiques s’entremêlent pour créer une histoire sombre mais passionnante. C’est avec bonheur qu’on retrouve nombre de personnages secondaires de la série, tous très bien utilisés (Beta Ray Bill notamment). C’est excellent, mais ça n’est rien en comparaison de la suite.

Car c’est dans l’acte trois que le récit de Mike Oeming se sublime, allant jusqu’à acquérir une dimension méta textuelle. Tout commence par Thor qui refait le chemin accompli par son père Odin (encore une référence brillamment exploitée) pour réellement s’élever au rang de dieu. Mais surtout c’est là qu’on comprend qui est le véritable ennemi. Je ne parle pas de « ceux qui sont assis en haut parmi les ombres » (those who sit above in the shadows), créés pour l’occasion, mais de ce qu’ils représentent : le destin. Le wyrd des vikings. La mythologie nordique est en effet un cycle, une boucle qui se répète à l’infini. C’est cette idée que le scénariste développe et contre laquelle le héros se rebelle. Je ne vous dévoilerai bien sûr pas la fin du récit, mais sachez qu’elle est magistrale. Et qu’il ne s’agit pas d’un happy end (Oeming en a horreur, comme on peut le lire dans son excellente post face incluse dans le tradepaperback). Et surtout quand vous lirez la dernière page, pensez au sort de la série Thor dans la réalité (annulation, relaunch…) et vous saisirez immédiatement l’aspect méta textuel que j’évoquais plus tôt.

Enfin, une présentation de Ragnarok serait incomplète si on n’évoquait pas les excellents dessins d’Andrea DiVito. L’italien livre une prestation au dessus de tout reproche. On savait depuis son passage sur Scion (chez Crossgen) qu’il était très à l’aise pour dessiner de l’heroic fantasy et il le confirme ici. Son trait, réaliste et détaillé, lui permet de créer un univers crédible malgré sa nature fantastique. Qu’il s’agisse des décors ou des personnages (humains ou créatures diverses), tout est toujours très bien rendu. Mention spéciale au superbe Fenris. Mais ce qui retiendra le plus l’attention c’est l’intelligence et la justesse des mises en pages. Très sages et classiques lors des scènes calmes, elles se font dynamiques et inventives dès que l’action commence. Les cases changent de formes, sont disposées de manière chaotique, mais sans que la lisibilité en pâtisse. La bataille opposant Thor et ses deux alliés Vengeurs à Loki et ses sbires en est un exemple éclatant. Les transitions entre ces deux styles se font à chaque fois sans accroc et sont la parfaite traduction visuelle des variations dans l’intensité de la narration. Il y a aussi ces pages superbes lorsque Thor revit son passé devant le puit de Mimir (là encore la mise en page fait tout, avec des cases aux bords irréguliers) ; ou encore les rencontres avec those who sit above (l’astuce de les représenter en blanc sur noir est bien trouvée). On saluera enfin les très belles couvertures de Steve Epting (Captain America).

Ragnarok est donc un superbe story arc, brillant tant par son écriture que par ses dessins. Il est disponible en trade paperback en VO, ainsi que dans un volume relié « Avengers Disassembled » regroupant aussi les story arcs correspondants de Captain America et Iron Man. Il a été publié en français dans la revue Marvel Icons Hors Série #1 chez Panini. Maintenant il ne vous reste plus qu’à mettre un album de Blind Guardian en fond sonore (je vous conseille l’album « A Twist In The Myth » et plus précisément la ballade « Skalds And Shadows ») et à suivre le Dieu du tonnerre dans sa dernière bataille.

PS : Vous noterez que les images illustrant cet article sont issues de la version espagnole de Thor. Ce sont les seules que j'ai pu me procurer.

Jeffzewanderer
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