Home Brèves News Reviews Previews Dossiers Podcasts Interviews WebTV chroniques
ConnexionInscription
The Dreadpoule #3 [Humeur S.M] : Quand Greg Horn pulvérise le 4ème mur de l'hypocrisie

The Dreadpoule #3 [Humeur S.M] : Quand Greg Horn pulvérise le 4ème mur de l'hypocrisie

Trashbag

DISCLAIMER : Exceptionnellement, ce billet ne reflète en AUCUN CAS la ligne éditoriale du site ni un propos partagé par l'ensemble de la rédaction, bien au contraire. Ces écrits et ces idées sont la propriété de son auteur seul et ne reflètent en aucun cas l'état d'esprit des rédacteurs de COMICSBLOG.fr.
S'il est encore en ligne aujourd'hui, c'est parce que "tout" doit pouvoir trouver sa place sur ce sujet en 2011, mais ne le prenez pas comme le miroir d'un site d'actualité Comics ou d'une rédaction qui chercher à faire évoluer les choses, même avec ses petits moyens.
Merci.



Mea-culpa :

D'avance, vous me voyez désolé de ne pas avoir pondu mon billet de la semaine dernière. Mon excuse sera un problème d'ordinateur. Mais comme cette précédente semaine n'était pas bien riche en coups de gueule potentiels, je m'apprêtais à ressortir un vieux dossier... vous n'avez donc rien raté.

Cependant, nous sommes Jeudi quand je commence la rédaction de cet article-ci et déjà Comicsblog.fr me tend une perche phénoménale. Alors je tiens tout d'abord à remercier Max Bo et Katchoo pour m'offrir cette opportunité de gueuler un coup.

 

Tout a commencé avec le Trashbag publié mercredi 13 Avril. Déjà je sentais le débat poindre le bout de son nez morveux. La faute à une illustration du talentueux Greg Horn qui met en scène Batman, un litre de lait à la main, posté derrière Catwoman à quatre pattes en train de laper un bol de cette boisson dont la gent féline est censée se délecter.

Dans le même article, je découvre que notre consoeur Katchoo a déjà poussé son coup de gueule sur son propre blog ! Et je me rends compte, alors surpris, que la plupart des gens s'offusquent de l'image dégradante de la femme, telle que représentée par l'artiste sur ce somptueux dessin.

 


Avant-propos :

Donc que les choses soient claires entre nous : je trouve ce débat stérile et selon moi, les lecteurs et les lectrices de comics qui reprochent à Greg Horn la vision qu'il donne de Selina Kyle et de la femme en générale font preuve d'une certaine hypocrisie, tout au plus d'une cécité sélective.
Sachez pour finir qu'absolument rien ne me gène dans cette illustration, et que je trouve qu'elle a tout à fait sa place dans l'imagerie populaire des comics telle que ces derniers nous la présentent aujourd'hui - et depuis des lustres.



N.B : Certaines des images qui vont suivre sont de natures à choquer les défenseurs de la femme dans le milieu des comics. Dans un soucis de clareté lorsque vous croiserez l'icône ci-contre sur une des images présentées dans cet article, cela signifiera que le mâle - le vrai - valide l'image en question et en autorise sa diffusion.
 

Passons au vif du sujet !

Les héroïnes rabaissées au profit de leur plastique... c'est pas nouveau : 

On s'outre de l'image de la femme renvoyée par cette illustration mais on oublie vite ce qu'est en général la représentation picturale de la femme dans les comics. Je veux dire, entre vous et moi, sérieusement, honnêtement, personne ne trouve déplacé que Power Girl ressente le besoin de porter un tel décolleté ? En quoi cela lui sert-il dans sa lutte contre le mal ?

Alors certains parlent d'une certaine libéralisation de la femme qui - bah oui merde quand même - s'habille bien comme elle veut ; ou alors on mettra en avant le fait que la femme dans le monde des super-héros a toujours été objet de fantasmes et que c'est normal etblablabla. Mais au final la femme n'est ni plus ni moins qu'un objet utilisé dans un monde d'hommes, par des hommes, pour des hommes.

Et personne ne s'en offusque, ni du costume de PG, ni des poses suggestives de Catwoman ou encore des tenues tristement légères d'Emma Frost...

Il y a tellement mieux à faire avec les super-héroïnes : regardez le lourd passé de Barbara Gordon ; lisez aussi les Detective Comics mettant en scène la dernière Batwoman. J'en passe. Y'a du contenu, de la profondeur merde quoi ! Y'a pas que Batman ou Daredevil qui méritent de posséder un vrai background au sein de séries qui ne se vendent pas au travers d'une plastique aguicheuse comme si leurs héros n'étaient pas capables d'être humainement intéressants...

Mais comme on s'en doute tous, cet état des faits n'est pas récent et ça n'est pas près de changer !

J'aime les cape, les bottes en cuirs, les bas nylon et les gros seins :
 

Revenons maintenant sur cette histoire de femme = fantasme. Alors d'accord, la femme a toujours été représentée dans les comics comme objet de fantasme. J'ai rien contre l'idée étant donné que je suis un homme doublé d'un hétéro à la fantasmatique jamais à court de carburant !

Mais il ne faut pas là encore se mettre des oeillères : le monde du fantasme ne se limite pas à la femme masculinisée aux formes généreuses telle que PG, à la princesse guerrière dénudée à la Red Sonya ou encore par exemple à Harley Quinn la femme-enfant. Si on joue sur le registre des fantasmes, il faut aussi reconnaître que Greg Horn balaye un autre pan du sujet en mettant en scène le fantasme de domination/soumission à travers le filtre du sado-masochisme cuir et latex. Rien de réellement choquant là-dedans quand on sait qu'un pourcentage non négligeable de la population aime ou aimerait s'adonner à ce genre de pratiques. Parti de ce principe en tout cas, il n'y a dans le travail de Horn rien de plus offusquant que les Red Sonya ou les Power Girl citées ci-dessus.

En clair, lorsqu'on aime les comics - lecture qui nous vend du rêve à l'aide de pin-ups encapées - il est assez malvenu de se plaindre dès qu'un artiste présente un simple élargissement du sujet du fantasme et de la femme objet.

Bien sûr, on peut aussi se plaindre du fait que Horn rabaisse Selina Kyle au stade d'un animal soumis à l'homme (Batman). Ce qui en soit, il est vrai, représente un affront totalement assumé par l'auteur envers la Femme avec un F majuscule. Mais soyons honnête deux secondes (encore une fois), ne me dites pas que Bill Finger et Bob Kane, en imaginant la première catwoman, n'ont pas eu conscience à un seul instant qu'ils étaient en train de donner vie à une icône S.M. Non, sérieusement... L'image ci-contre résume le fond de cette pensée.

Ainsi je pose la question : à travers le personnage de Catwoman, quand a réellement commencé la dégradation du personnage au rang de jouet sexuel pour zoophiles ? Qui a frappé le premier ?

L'illustration qui nous agite tous cette semaine ne fait que mettre en avant cet aspect du personnage que l'on ne peut ignorer. Et même si le père Horn n'avait sûrement pas ça en tête lors de sa réalisation, sa mise en scène a le mérite de remettre en question la légitimité de la place qu'occupe encore aujourd'hui la femme dans le monde des comics.

 

 

Greg Horn - Adam Hughes - J. Scott Campbell : même combat :

Si on s'offusque pour une telle illustration, alors il faut aussi s'outrer pour le travail d'autres artistes. Entre les dessins d'un Adam Hugues et celui d'un Greg Horn on obtient le même résultat : la femme dans les comics réduite au rang d'objet sexuel. On peut aussi citer le magnifique calendrier de J. Scott Campbell qui revisite façon pin-up les héroines de contes de fées. Entre Cendrillon et la Belle au Bois Dormant, nous avons le plaisir ambiguë de pouvoir admirer le Petit Chaperon Rouge  - qui rappelons-le un instant est à la base une jeune fille mineure -

Dans les autres sujets qui généralement fâchent la majorité, personne ne se plaint non plus de l'idée sous-jacente qui veut que la libéralisation de la femme introvertie qui a pour but de s'insérer dans la société, doit passer par un costume de pute sado-maso, comme si l'émancipation de la femme devait s'accompagner de la prostitution de son corps. Pour ceux qui n'auraient pas compris, je fais entre autre référence au pitoyable "Catwoman" de Pitof. Et ce film aura été vu - malheureusement - par un public ô combien plus large que l'illustration de Horn.
Bref si c'est ça la libération de la femme, je préfère être misogyne !

 

 

Toutes ces idées dégradantes sont passées dans une sorte de langage courant du comics, un code tacite que tout lecteur accepte sans broncher.

Si on adhère à ça, on n'est plus à une illustration subversive près et on peut donc aussi adhérer au reste.

 

Conclusion :

À mon humble avis, Horn nous sert ici ni plus ni moins qu'un dessin à l'humour potache qui fera sûrement glousser ses potes au bar PMU du coin dimanche matin après le tiercé. Mais si on regarde de plus près, à travers une mise en scène osée Horn retourne contre le média qui l'emploie ses propres codes (poses lacives, fesses rebondies, décolletés de rêve, tenues moulantes) et démontre - très certainement involontairement - que le fantasme, qu'il soit contenu dans le microcosme des comics ou ailleurs, ne se limite pas qu'à quelques imageries populaires mais aussi à certaines branches de notre sexualité moins "mainstream" mais toute aussi convenable, concevable et noble. Critiquer cette mise en scène, signer des pétitions contre cette illustration ou y mettre le feu revient tout simplement à ignorer - voir censurer -volontairement la plupart des penchants coquins que possèdent plus de monde qu'il n'y parait, et ce même parmi des lecteurs et des lectrices de comics. Ca revient aussi et surtout à fermer les yeux sur plus de 50 ans d'instrumentalisation de la femme.

Si les comics ont toujours joué sur l'objetisation de la femme ; si on a toujours sagement accepté cette mentalité, il faut dès lors en assumer toutes ses facettes : dès qu'Adam Hugues dessine une Catwoman grimpant un immeuble toute de cuire vêtue avec son 90D qui dépasse de sa veste judicieusement dézippée, on est face à une mise en scène comportant les mêmes codes que le travail de Greg Horn sur le même personnage. La seule différence est que les deux artistes s'attaquent à deux branches différentes de la fantasmatique du lectorat. Et malgré cela, les deux approches restent identiques.

Ce gag innocent de Greg Horn se contente de nous mettre cette vérité sous le nez : C'est ça la femme qu'on nous vend depuis des décennies chez Marvel, DC et la plupart de leurs confrères.
Il est peut-être temps d'ouvrir les yeux et d'assumer.

En attendant, vous reprendrez bien un peu de lait ?


\o/

à lire également
Commentaires (15)
Vous devez être connecté pour participer