Quand on commence à feuilleter ce satané comics qu'est Walking Dead, expulsé de l'imaginaire du grand Robert Kirkman comme
un cadavre putréfié de son caveau, on a comme un arrière goût d'engrais
dans le fond de la gorge. Et on se rend alors vite compte que nous
tenons entre nos mains une des pièces maitresses du mythe contemporain
du zombie. Ce digne héritier des oeuvres de Georges Romero et de Max Brooks
en impose d'emblée par son humanisme à toute épreuve. Kirkman pose
ainsi un regard tendre sur ses protagonistes et peut-être encore plus
sur les zombies qui pullulent de page en page, mais armé d'une subtilité
qui fait mouche à tout coup. Résultat, la critique s'est vite rendu
compte de sa valeur et lui a offert en 2010 un Eisner Award bien mérité.
Adapter la série pour le petit écran était un pari risqué car avec les zombies rendus fashion grâce à Danny Boyle et Zack Snyder, le public est devenu difficile à satisfaire. Même les dernières bobines de Georges "Le Maitre" Romero ne parviennent plus à rassasier notre soif d'hémoglobine et de chaire abominable.
Alors Frank Darabont a
pris les commandes du projet. Franky, ce bon vieux Franky, et ses
adaptations plus que réussies de la Ligne Verte et des Évadés. L'espoir
renaissait dans le coeur de millions de fans.
Et pourtant, avec Andrew Lincoln à la tête du show, c'était loin d'être gagné. Pour rappel, Andrew Lincoln à la base c'est ça.
Autant dire qu'ils partaient avec un sérieux handicap !
On découvre aussi avec
une joie quelque peu ambiguë que Franky semble définitivement avoir
compris l'amour que porte Kirkman pour ses zombies. La scène de la morte
rampant dans l'herbe est tout bonnement bluffante. Tout d'abord parce
que le maquillage du mort-vivant est criant de réalisme (si tant est qu'on puisse parler de réalisme quand il s'agit de zombies)
et aussi et surtout parce qu'on se prend à ressentir de la pitié pour
cette chose mourant de faim, à l'instar de Rick venu abréger ses
souffrances. C'est là qu'on ose supposer qu'il s'agira d'une grande
série. Non seulement d'une grande série d'horreur, mais aussi et surtout
d'une énoooooorme
série dramatique ! Jamais à ma connaissance on n'avait donné autant
d'humanité à ses monstres censés personnifier la fin de notre
civilisation. Réussir à faire transparaître cet aspect de l'oeuvre de
Kirkman à l'écran était à première vue le vrai défi, et Franky semblait l'avoir remporté haut la main.
Et je ne parle même pas de cette scène d'un goût plus que douteux,
présentant Rick au milieu d'une dizaine de véhicules abandonnés, forcé
d'abattre une gamine zombifiée aux caprices culinaires peu scrupuleux.
Cette séquence choc montée pour mettre les fans et les néophytes
d'accord nous promettait une série télé plus que subversive. Une
adaptation fidèle. Une vraie réussite. Une première.
Puis finalement, le 27
mars dernier, Orange Cinéchoc a diffusé l'épisode numéro 2 de cette
première saison. Et la forteresse d'espoir qu'avaient bâtie le public
autour de la série s'est envolée comme un vulgaire château de cartes.BIM ! Comme ça, sans crier gare.
En un clin d'oeil, en un seul épisode, l'esprit de Kirkman s'est envolé
haut, très haut pour ne plus jamais redescendre, jeté au loin par une
armada de scénaristes incapables biberonnés à la part de marché et aux
grosses ficelles scénaristiques rentables.
Alors ok, soyons
humbles et indulgents quelques instants : on peut comprendre que la
production compte sur une série qui puisse faire un sacré paquet de
thunes... heu je voulais dire un sacré paquet de saisons. Vu la taille de
la série en comics, c'était le minimum syndical. On peut aussi accepter
que pour le coup on rajoute des personnages - c'est le prix à payer pour
assurer la pérennité du récit dans son format télévisé. Mais pouvait-on
s'il vous plait éviter la cour miraculeuse des stéréotypes ?! D'où
sortent ces personnages qui font leur apparition dans l'épisode 2 ?
Walking Dead est censé mettre en scène les derniers vestiges de
l'humanité et de quelle manière la personnalité des différents
protagonistes évolue au fil du temps. Mais de vous à moi, franchement,
qui s'intéresse à la survie de personnages qui ont autant de profondeur
qu'un séquestré du Loft ? Qui veut savoir ce qu'il va advenir de pauvres
survivants quand ils accumulent à eux seuls les pires clichés du genre
zombie... et du cinéma en général ?
Faisons le bilan provisoire de cette déchéance : on peut compter parmi ces personnages d'une composition sans faille T-Dog,
le black qui s'exprime comme un rappeur en agitant les mains dans tous
les sens et en donnant du phrasé vénère. Puis on nous offre aussi Morales,
surement intégré dans la série pour une question de quotas ethniques
tellement sa présence est anecdotique. Peu importe, le tout est de
pouvoir faire de belles photos de famille cosmopolites qui plairont au
plus grand nombre.
Si seulement ces
personnages servaient à quelque chose, je dis pas. Mais ça pue tellement
le remplissage à coups de faires-valoir fades et sans saveurs qu'il
paraît évident qu'ils ne sont là que pour faire du bourrage de casting.
Et il y a Merle
aussi, mais nous reviendront sur lui plus bas. Il va me servir de
transition car il est l'exemple type de l'échec majeur de cette première
saison. Car comme vous l'aurez compris, je considère cette première
saison comme étant passée à côté de l'essentiel (avec un grand ESSSSSSSS) et vous qui avez été nombreux devant votre écran le 27, vous me comprenez surement.
Bon où en étais-je ? Pouf-pouf, ah oui voilà. Non contents de nous servir un plat réchauffé de personnages aussi plats que la poitrine de Sarah Wayne Callies, ils ont décidé d'écrire un second épisode réunissant tous les clichés des films de zombies.
En quelques mots : "Des survivants que tout oppose
doivent travailler en équipe pour échapper à une horde de morts-vivants
qui frappent aux carreaux de leur frêle refuge."
Ou comment réaliser la pire scène d'évasion en territoire zombie de
toute l'histoire du genre. Alors je sais, ce genre de ficelles
scénaristiques a été mise en place par Roméro le père du zombie
contemporain... et j'ai l'impression d'être en train de remettre en
cause les fondamentaux du grand Lénine a un meeting du partie
communiste. Mais franchement, si Danny Boyle a eu les couilles que
d'autres n'avaient pas ailleurs, en imposant des morts-vivants qui courent ; si Robert Kirkman s'est imposé en quelques numéros comme le maître d'un nouveau genre : le drama-road-movie-survival-post-apo
; on pouvait quand même attendre de cette adaptation télévisuelle
qu'elle puisse se passer de certains archétypes dorénavant relégués à des films
émasculés aux titres se finissant à coup de "of the dead"!
Eh bien que nenni !
En un quart d'heure, le spectateur désabusé se rend compte qu'il est
face non pas à l'adaptation du fabuleux roman-graphique édité chez
Image, mais à un énième zombie-movie. En clair, cet épisode s'embourbe
dans un enchainements de scènes sans grand intérêt tellement elles
ralentissent l'histoire bêtement au lieu de lui donner une énergie
constructive.
J'entends déjà
certaines personnes soutenir que Merle est quant à lui un personnage
plus intéressant que T-Dog ou Morales. Eh bien venons-en à Merle, ce
grand taré raciste et très certainement drogué qui brave l'autorité et
se croit revenu à l'âge de pierre. Il rappelle au spectateur que Walking
Dead nous raconte un monde où les lois qui régulaient l'existence des
êtres humains ont volé en éclats ; seule celle de la survie prime
dorénavant ! Nos lois actuelles disent que si un homme est assassiné,
son meurtrier doit être condamné. Dans le monde de Rick et ses copains,
si le meurtre peut servir à la survie du groupe, alors il est justifié.
Et laisser Merle menotté sur le toit d'un immeuble infesté de zombies
répondait admirablement bien à la vision de Kirkman. Ce taré de Merle
était dangereux pour la survie des autres et il était évident qu'ils ne
pouvaient quitter la ville avec lui. Mais une des grandes ficelles
scénaristiques récurrentes de
cette saison s'est alors imposée comme un pet honteux en pleine
cérémonie funéraire. Ainsi pour les scénaristes de la série, l'idée doit
être la suivante : Si un personnage DOIT mourir, ça ne peut être la faute à nos gentils survivants.
Alors du coup, si quelqu'un décide de sacrifier tel ou tel protagoniste,
on aura toujours un autre gus dans le lot pour prendre le pauvre
martyr en pitié et tenter de voler à son secours.
Ainsi dans ce satané épisode deux, T-Dog tente au
péril de sa vie de retirer les menottes de Merle mais un malheureux coup
du sort lui faire perdre les clés des sus-dites menottes. Oups.
Résultat, si Merle doit mourir ce ne sera pas la faute à une humanité
luttant pour survivre, mais au destin. L'honneur est sauf.
Je ne comprends pas cette façon de penser.
Dans son comics, Kirkman peignait un flic de province propulsé leader à
cause d'un caprice de la nature. Le voilà forcé de prendre des décisions
affreuses pour repousser encore de quelques jours leur funèbre trépas.
L'intérêt est d'observer la dégradation des valeurs humaines lorsque des
vies sont en jeu. L'intérêt est de présenter des choix radicaux qui
auraient été inhumains en temps normal mais qui prennent une importance
capitale au vue des circonstances dramatiques qui les entourent. C'est de ça que tient tout le fondement dramatique du comics, sa singularité face à la cohorte de produits dérivés morts-vivants qui envahissent nos kiosques et nos écrans depuis une dizaine d'années.
Mais tout au long de cette première saison, dès que Rick prend une décision importante (gros plan sur les gouttes de sueurs perlant sur son front, son regard plissé et ses lèvres qui tremblent), c'est pour finalement le voir courir avec trois potes pour se jeter dans les griffes d'Atlanta transformée en ville cannibale, afin de sauver quelqu'un ; trouver de la nourriture ; je sais pas moi, jouer les bon samaritains post-apo' martyrs de la fin du monde.
Vous le verrez au fil des épisodes, cette tournure mélodramatique collera tout au long de la saison.
Merci les mecs, vous êtes des héros... Je vomis mon popcorn et je reviens.
Dès lors nous pouvons
affirmer sans craintes que les scénaristes ont réussis un fabuleux
travail de sape sur l'univers abyssal de Robert Kirkman. J'espère qu'ils
sont bien payés, sinon ça frôle vraiment la cruauté aveugle.
Pour parfaire leur emprise gros-sabots
sur la série, les scénaristes se sont privés d'un cliffhanger de fin de
saison tout trouvé pour qui a lu le comics. Mais il leur fallait malgré
tout un season final qui en fasse baver au spectateur, un twist qui retourne son cerveau. Eh bien comment dire... à première
vue les scénaristes préférèrent mettre en scène le plus immonde cliché
du film de zombie pour finir sur le final le plus téléphoné de
l'histoire du final.
Je n'en dirai pas plus pour ne gâcher la surprise à
personne.
Bref on a donc droit à deux derniers épisodes pour conclure la saison...
deux épisodes, seulement deux... Ils vont quand même pas trouver le
moyen d'encore plus tout foutre en l'air en deux épisodes ? Ne répondez
pas, c'était une pure question rhétorique. Ces épisodes étaient l'ultime
promesse pour une saison deux radieuse, mais au lieu de cela les
scénaristes enterrèrent pour de bon la première saison de Walking Dead
dans un classicisme à vomir, presque qu'un aveu de manque
d'inspiration... non, une preuve flagrante de manque d'inspiration et
d'incompréhension de la B.D. de Robert Kirkman.
L'idée centrale étant
évidemment de balayer le plus large panel de spectateurs et de faire
durer la série le plus longtemps possible, histoire de dorloter cette
poule aux œufs d'or jusqu'à épuisement. Et cela quitte à produire un
spectacle parfois médiocre et souvent même décevant.
Ce qui représente
néanmoins une chouette mise en abime pour une série traitant du mythe
des zombies, mythe rappelant que notre société consumériste est en train
de s'auto-dévorer jusqu'à l'extinction totale.
Mais rassurons-nous, car Comicsblog.fr nous a appris il y a peu que le pool de scénaristes allait changer pour la seconde saison. Alors donc je ne devais pas être le seul à penser tout ça...