Périodiquement, Hollywood choisit de poser son étrange regard sur des oeuvres plus rares, moins accessibles que l'habituelle formule des héros costumés ou des comics indépendants "porteurs". C'est par exemple le cas du comic strip Bloom County, une bande satirique, ou plus exactement, humoristique, absurde et tournée vers des sujets de société et un commentaire de la politique aux Etats-Unis. La Fox compte proposer une version animée de l'oeuvre de Berkeley Breathed, en proposant au bonhomme de participer au projet. La promesse paraît toute bête : proposer au personnage de la ville fictive de Bloom County de se transporter dans le présent, et de commenter l'actualité contemporaine, forcément plus bizarre que lors des débuts de ce petit projet.
South Park's Peanuts
Le comic strip de Breathed remonte en effet à des temps plus simples. Découvert par le Washington Post dès l'université, pour avoir réalisé une première mouture de BD satirique basé sur le quotidien des facultés aux Etats-Unis, imprimée dans le journal de l'école, l'artiste entame la parution de Bloom County au sein de cette prestigieuse institution journalistique en 1980. Il poursuivra le travail jusqu'en 1989, en tant qu'artiste de dessin de presse, et obtiendra le prix Pulitzer en 1987 pour son travail sur la série. Mais, si Bloom County s'impose effectivement comme une référence du commentaire amusé ou absurde sur le quotidien politique des Etats-Unis, Breathed pose aussi les bases d'une mythologie à part entière : l'action se déroule dans une ville reculée de l'Amérique profonde, avec une galerie de personnages, un petit quotidien et une narration par épisodes.
A Bloom County, les animaux parlent, les enfants sont savants et les personnes âgées sont nombreuses. Une sorte de petite ville de carte postale où l'ensemble des habitants sont capables de mots d'esprits, ou se mettent dans des situations absurdes, comparable au Peanuts de Charles M. Schulz, avec davantage d'éléments puisés dans le réel et un engagement social plus important. Le travail de Berkeley Breathed sera salué pour sa capacité à digérer l'actualité, l'intelligence de ses commentaires et la qualité de son humour, participant à solidifier Bloom County comme une référence de la sphère du dessin de presse aux Etats-Unis. Récemment, l'auteur avait relancé le comic strip sur Facebook, en s'intéressant notamment à la campagne présidentielle de 2016 et à l'élection de Donald Trump.
Pour cause, le président de Fox Entertainment lui-même justifie l'envie de proposer une série animée en évoquant ses propres souvenirs d'adolescent, et sa passion pour les animaux parlants de cet univers. De son côté, Breathed tire une analogie entre le premier et le second film Alien : à la fin du premier film, Ripley, débarrassée du Xénomorphe, s'endort et imagine que l'aventure est finie, pour finir par se réveiller quelques décennies plus tard en s'apercevant que la menace est plus grande, plus menaçante et plus sérieuse encore qu'avant d'entrer dans son état d'hyper-sommeil. L'artiste explique que cette situation se compare pour beaucoup à celle de Bloom County - lorsque la série avait été arrêtée, qui aurait pu imaginer que le monde aurait cette drôle de gueule trente années plus loin ?
Le studio Bento Box Entertainment, sous-division de la Fox en charge de projets d'animation, s'occupera du développement concret de cette version en images mouvantes. On doit notamment à cette société de production le cartoon Bob's Burger (Netflix), ainsi que les séries animées Brickleberry ou Paradise PD. Breathe Berkeley est annoncé à l'écriture, et le projet devrait trouver sa place aux côtés des Simpsons ou de Family Guy dans la catégorie des satires politiques en deux dimensions produites par le groupe Fox, une sorte de tradition du cartoon social encore entretenue aujourd'hui.
