MàJ 26/06/20 : si Dark Horse a déjà pris la décision de cesser tout travail avec Scott Allie, Jeff Lemire a pris publiquement la parole pour exercer la pression nécessaire afin que la maison d'édition ne faille pas à son engagement tardif. De fait, Lemire indique que si jamais Dark Horse revenait à travailler avec Allie, il cessera la production de tout titre Black Hammer. Compte tenu de la nature de poule aux oeufs d'or de cette franchise, l'éditeur devrait désormais se tenir à carreaux.
I believe you, Shawna and I am very sorry this happened to you. I will no longer create new Black Hammer books for Dark Horse or continue to work with them if Scott Allie is ever given any more work @DarkHorseComics I have let this be known to publisher Mike Richardson as well.
— Jeff Lemire (@JeffLemire) June 25, 2020
Dans la foulée de nouvelles révélations sur les comportements sexistes de certains auteurs dans l'industrie des comics, les langues continuent de se délier. Dans les derniers jours, les noms de Cameron Stewart, Warren Ellis puis Jason Latour seront entrés dans les conversations actuelles, à différents degrés de gravité, preuves est que le milieu de la BD aux Etats-Unis commence à poser la question du traitement des femmes, dans le rapport aux lectrices comme aux collaboratrices.
L'éditrice Shawna Gore, qui a travaillé de nombreuses années chez Dark Horse Comics évoque, sous la forme d'un long post sur ses réseaux sociaux (particulièrement pénible à lire au vu des faits en question) l'agression qu'elle déclare avoir subi de la part de l'éditeur Scott Allie. L'homme, connu dans le milieu, avait notamment occupé le poste d'éditeur en chef chez Dark Horse. Pour les intéressés, le premier tweet est intégré ci-dessous (pour la suite, à dérouler). A la différence du cas Latour, on parle ici d'une agression sexuelle proprement dite, et de harcèlement aux conséquences profondes sur la carrière de Shawna Gore, qui s'est vue retirée de nombreux projets lorsqu'Allie était encore son supérieur. La victime explique notamment que celui qui était autrefois son ami et collaborateur l'aurait écartée des titres sur lesquels elle travaillait, car il ne pouvait pas aborder sainement sa relation de travail avec elle. Au prétexte qu'il était "amoureux d'elle", et que, en résumé, c'était donc de sa faute.
I have made the decision to come forward with my own experience of abuse in the comics industry. I am not the one at fault and the shame I have felt is not mine to carry.
— Shawna Gore (@ShawnaGore) June 24, 2020
I was assaulted, harassed, and retaliated against by Scott Allie during our tenure at Dark Horse. pic.twitter.com/78El6VDbb4
Le témoignage de Shawna Gore pointe vers un comportement proprement illicite, à la différence des affaires survenues ces derniers jours, dans des zones plus floues de l'entre-deux légal/moral. Le harcèlement en question se sera étalé sur près de quatorze ans. Le comportement d'Allie était une fois de plus connu de beaucoup de professionnels. Ce dernier avait d'ailleurs été renvoyé de chez Dark Horse Comics il y a quelques années, notamment pour avoir harcelé des artistes (hommes et femmes) au sein de la maison d'édition, mais aussi pour avoir agressé sexuellement le scénariste Joe Harris - un geste qu'il avait justifié par son alcoolisme. Shawna Gore tient à préciser à ce sujet que l'éditeur était à jeun lors de leurs interactions répétées. L'éditrice prend la parole en estimant qu'Allie n'a pas évolué dans son attitude, et pour les supposées nombreuses autres femmes qui ont pu subir des affres dans leur carrière du fait de son attitude.
We believe Shawna Gore. Effective immediately, Dark Horse Comics will not be working with Scott Allie now or in the future. We apologize to fans, creators and employees for all the damage and hurt Scott has caused. More: pic.twitter.com/kFWEqZUj6J
— Dark Horse Comics (@DarkHorseComics) June 25, 2020
En conséquence de ce témoignage, Dark Horse a annoncé publiquement rompre toutes leurs collaborations en cours avec Scott Allie (Mike Mignola, collaborateur du bonhomme jusqu'à récemment, s'est également prononcé publiquement sur la question). La décision a depuis été discutée par de nombreux professionnels de l'industrie : en effet, si Allie avait été renvoyé de Dark Horse en 2017, il continuait de travailler avec l'éditeur sous la forme de prestations en freelance, alors même que des faits similaires lui avaient été reprochés. Beaucoup se demandent, dès lors, comment Allie a pu continuer à travailler au regard de son historique de harceleur et d'agresseur sexuel. En résumé, une "sanction" qui paraît tomber trop tard.
Pour l'heure, Scott Allie n'est pas inquiété sur le plan des tribunaux. Quant à l'industrie des comics, en reflet du débat sur l'attitude individuelle de Warren Ellis ou de Jason Latour, les prises de paroles successives de ces derniers jours laisseraient envisager une sorte de sursaut tardif de témoignages, comme le cinéma a pu en connaître il y a deux ans avec l'affaire Harvey Weinstein. Les comportements des uns et des autres, passés à la loupe et rendus matériels par de nombreux témoignages convergents, ont déjà des conséquences sur l'industrie contemporaine, qui commence à ouvrir en grand des placards restés longtemps fermés. A voir si l'actualité sera à nouveau rythmée par des affaires du même genre d'ici les prochaines semaines.
