La pandémie de coronavirus Covid-19 a un impact considérable sur l'ensemble de l'industrie des comics. En France, les librairies sont fermées et les éditeurs ont suspendu leurs publications, mais aux Etats-Unis, où est en vérité fabriquée la matière première, les maisons d'édition n'ont pas pris de décisions communes. Le distributeur Diamond Comics a annoncé récemment cesser la distribution des nouveaux comics à compter de la semaine prochaine, et certains acteurs du marché, tels qu'IDW ou Humanoids, ont déjà fait part de leur intention de diminuer et décaler leurs futures sorties.
Ces mesures sont prises en particulier pour venir en aides aux comicshops et librairies spécialisées, qui constituent ce qu'on appelle le marché direct (direct market), le principal point de vente des comics au format single issues, ces fascicules de vingt à quarante pages (généralement) à retrouver mensuellement. En effet, les revendeurs (retailers) passent leurs commandes de comics chaque mois en fonction de la demande des réguliers, et des nouveautés dont ils peuvent juger du succès, et font ensuite leurs bénéfices sur ce qui est concrètement vendu. Dans cette façon de fonctionner, tout comicbook commandé mais non vendu devient facteur de perte pour le comicshop.
On comprendra donc qu'avec la cessation d'activité (temporaire) de Diamond Comics, et la fermeture des comicshops sur de nombreux états aux US, personne n'a réellement d'intérêt à sortir des nouveautés, puisque les points de vente ne sont pas accessibles au lectorat, et que donc, les revendeurs ne peuvent pas se permettre de commander des comics. Pourtant, l'activité doit fonctionner d'une manière ou d'une autre : il faut quand même des comics, et trouver des façons d'en vendre. La plus simple est de simplement passer commande aux shops et de se faire livrer, ou d'attendre la réouverture. Néanmoins, l'activité va forcément baisser, et c'est donc à cet égard que plusieurs éditeurs prennent leurs directives. Après IDW, c'est au tour de Dark Horse Comics et Archie Comics de faire part de leurs décisions.
Dark Horse, en premier lieu, a pris une double mesure : d'une part, une réduction du volume des publications dans les prochains mois - sans pour autant donner de spécificités ; d'autre part, une période de trois mois pendant laquelle tous les comics de l'éditeur commandés, mais non vendus, pourront être retournés à Dark Horse, limitant ainsi les risques financiers pour les revendeurs.
Archie Comics suit également le pas, et de façon encore plus concrète. L'éditeur américain a publié un communiqué faisant le détail (à retrouver ci-dessous), avec ce qu'il faut en retenir. Premièrement, Archie avait annoncé que leurs comics de mars et avril 2020 pourraient être renvoyés, et étend cette possibilité à l'ensemble de leurs publications de mai également. D'autre part, le volume de comics va lui aussi être revu à la baisse. Ceci inclut tous les titres qui étaient prévus de fin avril à juillet 2020, dont par exemple le one-shot Archie/Flash Gordon annoncé récemment. D'autres titres déjà imprimés seront proposé à la vente, mais Archie annonce également une mise en pause de ses titres destinés au direct market à compter du 15 avril prochain, les comics étant également proposés en version numérique à ce moment là. Passé cette date, il faudra attendre pour voir quand les publications pourront reprendre.
A message to our comic book retailer partners regarding upcoming releases. pic.twitter.com/KhuGiXpykk
— Archie Comics (@ArchieComics) March 26, 2020
Des mesures importantes et qui permettent aussi à Archie de limiter ses frais, l'éditeur n'étant pas, malgré son histoire, le plus gros producteur de l'industrie. A cet égard, on reste encore surpris que Marvel n'ait pas surenchéri sur sa précédente annonce, qui n'était que de diminuer les prix de commande aux comicshops, sans aborder une seule fois la question du volume de publication (qui a toute son importance quand près de 50% des comics commandés par mois viennent de chez eux). Du côté de DC Comics également, le silence radio étonne et inquiète à la fois. Si l'on comprend bien que ces deux maisons ne sont pas que de simples éditeurs, mais des filiales dans un vaste conglomérat (Disney d'un côté, AT&T de l'autre), l'urgence de la situation devrait les inciter à suivre leurs collègues indépendants - puisque si les comicshops ferment définitivement leurs portes, ils n'auront plus d'endroits où vendre leurs comics.