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Daredevil par Nocenti et Romita Jr. : à (re)découvrir les yeux fermés

Daredevil par Nocenti et Romita Jr. : à (re)découvrir les yeux fermés

ReviewPanini
On a aimé• Des problématiques encore actuelles
• Des personnages faillibles tout du long
• Mary TYphoïde, très belle création
• John Romita Jr. en pleine forme
On a moins aimé• L'écriture de Nocenti sur Butch, le gosse agaçant
• La partie Inferno dénote du reste
Notre note

Lorsqu'on demande au tout venant de citer un run emblématique de Daredevil, les noms de Frank Miller ou Brian M. Bendis viendront à la plupart des bouches. Mais ce serait oublier le passage de la scénariste Ann Nocenti, qui a offert un très joli morceau d'histoire au diable de Hell's Kitchen. Ca tombe bien, puisque Panini Comics vient d'en sortir une réédition au cours du mois passé, dans la collection Marvel Icons.

Lorsque Nocenti reprend le titre, l'ombre de Miller plane encore, et le tome qui nous intéresse reprend la série au moment où le dessinateur John Romita Jr., alors en pleine ascension (et certains diront à son meilleur niveau), la rejoint. Ce premier tome, constitué d'une douzaine de numéros, a le mérite de nous présenter la première apparition de la vilaine Mary Typhoïde - a quelques semaines de sa venue sur petit écran. Comme quoi, on pourra au moins remercier Iron Fist de nous amener du bon comicbook (c'est ironique, personne ne le remercie et on vous déconseille de regarder dans l'absolu).

Car vous l'aurez déjà deviné depuis le titre de cette critique, Daredevil par Nocenti et Romita Jr., c'est de la qualité. La scénariste propose des histoires très terre à terre, dans lesquelles Matt Murdock et son alter égo luttent comme ils peuvent peu pour que la loi puisse fonctionner, face à des ennemis qui ne sont pas forcément que des super-vilains costumés. En effet, Nocenti s'attaque à des problématiques sociales fortes, à la fois contemporaines de l'époque de parution, mais qui encore résonnantes aujourd'hui. Il est question, beaucoup, d'écologie, de multinationales qui se pensent au dessus des lois et se permettent de polluer l'environnement, sans penser aux répercussions sur l'avenir de l'humanité. Il est question de la peur du nucléaire et de la menace d'une guerre totale, de délinquance adolescente, du contrôle des masses. Des thèmes forts et récurrents, qui n'étaient pas forcément communs pour l'époque, et qui rappelle le lien étroit entre comics et société.


Nocenti n'en oublie pas pour autant ses personnages, et la qualité de leur écriture est remarquable, jamais manichéenne. Ce que démontre la scénariste autour d'un long récit, dans lequel Le Caïd cherche à tout prix à détruire Daredevil, c'est que chacun est faillible. Les personnages ont leurs défauts et perdent de leur superbe - que ce soit un Foggy qui décide de défendre une entreprise véreuse, ou un Matt Murdock qui se laisse aller à la tromperie, quand son alter ego connait des explosions de violence dans ses allées. Celle-ci est d'ailleurs évidemment présente, Nocenti tentant d'autres approches que la simple bagarre pour résoudre les conflits, ce qui offre une belle diversité dans la façon d'aborder le super-héros.

On retient surtout le personnage de Mary Typhoïde, qui fascine par sa folie et son indépendance - un personnage féminin très fort de caractère, qui a les hommes - et donc le monde - à ses pieds. Malgré une dualité très marquée, l'autrice réussit à rendre la vilaine et son conflit intérieur intéressant, et fait d'elle un adversaire de taille pour le Diable Rouge, sur le plan physique comme psychologique. On admirera tout au long de l'histoire qui les oppose cette capacité à appuyer sur les faiblesses du héros, dans un traitement qui, sur sa fin, rappelle fortement Knightfall - à la différence que Nocenti publiait cette histoire six ans avant. 

Le tome comporte quelques écueils, puisque l'écriture de l'autrice n'est pas toujours parfaite. A noter la caractérisation du jeune Butch, enfant du quartier assez agaçant dans ses changements d'humeur intempestifs, et témoin, peut-être, d'une volonté de conserver un personnage pensé pour un lectorat jeune - sauf que ça ne fonctionne pas. La conclusion du tome, sur le crossover Inferno, tranche aussi énormément de ton avec le reste, outre que certains numéros ne sont pas inclus, pour un manque de cohésion global dommageable - mettons que ça permet de voir Romita Jr. se faire plaisir sur le côté fantastique et démoniaque de l'ensemble, avec un Mephisto plutôt impressionnant.


Parce qu'il faut aussi parler du dessin, autre atout de poids pour cet imposant ouvrage. Le style marqué actuel de Romita Jr. se fait déjà ressentir sur les planches, notamment dans sa façon de dessiner Mary Typhoïde - le design du personnage étant assez particulier, on imagine, dans la norme de l'époque. Le dessin est propre, détaillé surtout, à la fois pour les personnages que sur les fonds, avec des cases remplies, et embelli par le travail d'encreur d'Al Williamson. Si la colorisation donne un cachet d'époque, qu'on appréciera ou non en fonction de votre affect avec cette empreinte visuelle, l'action par le dessin de Romita Jr. est d'une lisibilité exemplaire, avec un découpage millimétré quand besoin s'en fait, et des angles choisis qui permettent de mettre en valeur les éléments importants de l'action. Preuve en  est que si le dessinateur est désormais super-star, ce n'est pas pour rien, même si son style moderne est plus clivant.

En définitive, ce premier tome de Daredevil par Nocenti et Romita Jr. est un ajout de qualité à votre bibliothèque. Ce run n'ayant pas connu de réédition depuis sa publication initiale par Semic, on remerciera Panini de nous proposer de (re)découvrir un très bon passage de l'histoire du Diable d'Hells Kitchen. On attend le tome 2.

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Arno Kikoo
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