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Chasseuse de Géants : se perdre à trop forcer l'émotion

Chasseuse de Géants : se perdre à trop forcer l'émotion

ReviewCinéma
On a aimé• Les grandes lignes sont respectées
• Un casting féminin sympathique
On a moins aimé• Trop d'artifices pour forcer l'émotion
• Souffre de la comparaison à son modèle papier
• Une réalisation trop sommaire
Notre note

Il y a quelques semaines sortait, pour la première fois en intégralité, le titre I Kill Giants dans la langue de Molière. Un coup de coeur immédiat (que je vous invite à retrouver sur 9eme Art) et dont l'adaptation en film arrive également dans nos contrées. Disponible depuis le 6 juin en Blu-Ray/DVD, et renommé Chasseuse de Géants sous nos latitudes, le film a pour lui une solide base matérielle, d'autant plus que Joe Kelly est en charge du script, un réalisateur fraîchement oscarisé pour son premier court-métrage, Anders Walter, et un casting entraînant. Autant dire que tout est réuni pour passer un très bon moment. Et pourtant.

Du point de vue de l'histoire, Chasseuse de Géants suit la ligne installée par le comic book. On y découvre la jeune Barbara Thorson (Madison Wolfe, assez juste), jeune élève plutôt associable, ayant bien du mal à s'intégrer dans son milieu scolaire. En rejet de son entourage potentiel, elle se montre défiante et bien sarcastique face à ceux qui essaient de l'aider : sa psychologue (Zoe Saldana), sa soeur Karen (Imogen Poots) ou la nouvelle venue à l'école, Sophia (Sydney Wade). Et si elle est si isolée, c'est qu'elle a une mission particulière. Des géants arrivent bientôt sur la ville, et Barbara est la seule à pouvoir les arrêter. En apparence du moins, puisque beaucoup se demandent si la jeune femme ne vit pas dans un monde bâti par ses propres illusions.


Les thématiques générales de I Kill Giants se retrouvent dans le film : sur la solitude, sur la famille, sur le harcèlement à l'école, et sur le deuil, Walter et Kelly s'accordent pour donner un film réellement fidèle au matériel original, les libertés prises étant plus précisément des coupes dans les passages plus fantaisistes du livre, ou des moments de développement qui ne pouvaient figurer alors que le film affiche déjà presque deux heures au compteur. Dans son ensemble, le casting essentiellement féminin fonctionne bien. Les jeunes actrices sont convaincantes, même si quelques lignes de dialogue ont plus de mal à fonctionner que d'autre, mais on sera ravis d'avoir un modèle d'héroïne pour les jeunes filles, qui change du modèle instauré par les tendances young adult des dernières années.

Chasseuse de géants n'est pas un film à gros budget, ni un film d'action, comme pourraient le penser ceux qui s'arrêteront à la seule affiche (diablement jolie par ailleurs). De fait, Andres Walters fait avec les moyens qu'il a, et de ce côté sans être renversant le film n'est pas désagréable à regarder. On s'accordera à voir le manque de moyens dans les derniers instants du film, avec une action trop rapide et qui souffre de raccords curieux. Ce qu'on peut déplorer en revanche c'est une façon de filmer assez sommaire, comme si le réalisateur ne voulait pas profiter d'un certain talent (qu'il a) pour appuyer sur l'ambiance de l'histoire, ou s'amuser par exemple à jouer avec l'éclairage, pour rendre hommage au noir et blanc de l'oeuvre papier. Tout est très classique, démonstratif, et c'est d'ailleurs dans l'ensemble que cette démonstration fait perdre au film ce qui aurait pu être sa force.


Il est impossible de ne pas prendre en compte - du moins, pour l'avis de votre rédacteur - la puissance émotionnelle qui se dégage d'I Kill Giants. L'ouvrage prend son temps pour que le lecteur s'attache à son héroïne, découvre le malaise qui l'habite, et fasse face à son géant, avec une justesse dans l'écriture de Kelly. Par les coupes de certains moments, et des scènes qui du coup ont moins de liant entre elles que dans le livre, le rapport à l'héroïne installé par Walters n'est pas le même, ce qui atténue fortement la portée émotionnelle du récit. Parce que ses moments qui disparaissent sont importants, et participent à la puissance du "twist". Du coup, certains passages du livre perdent de leur force, et des répliques pourtant très justes tombent à plat, parce que Walters essaie de rattraper ce qui lui manque dans l'écriture par des moyens moins subtils.

Et par ce manque de subtilité, je ciblerai principalement l'utilisation de la musique pour appuyer le côté dramatique des scènes, qui est tellement insistante que c'est le contraire qui se produit. Avec des notes de piano mélancoliques des violons lancinants, ou une balade aux paroles tristes, la bande-son est là pour vous arracher des larmes au forceps, alors qu'il n'y en a aucunement besoin. On s'éloigne alors des personnages, avec l'impression de voir Walters nous dire "regardez comme c'est triste" de la même façon qu'il est dommage qu'un humoriste doive vous expliquer en quoi sa blague est drôle. 

Ce qui est d'autant plus dommage car on a envie d'aimer Chasseuse de Géants. A l'heure des méga blockbusters, le projet fait chaud à voir, et l'on n'a pas envie de mettre en doute la sincérité du réalisateur, de Joe Kelly et de l'ensemble du casting lorsqu'ils ont mené cette adaptation à bien. Mais cette bonne volonté n'efface pas ces quelques défauts qui, mis bout à bout, n'empêchent pas de passer un bon moment devant le film, mais casse tout espoir d'avoir un chef d'oeuvre comme son homologue de papier.

Chasseuse de Géants est donc un film qui se laisse regarder sans déplaisir. Le casting est généralement performant, et l'histoire suit le comics tout comme ses thématiques. Mais Walters va par moments trop vite et utilise de grosses ficelles pour appuyer le côté émotionnel de son histoire, quitte à provoquer un détachement net du spectateur aux personnages. Un faux pas qui empêche à l'adaptation de briller autant que le matériel original, ce qui ne serait pas gênant si ce qui en pâtit est la principale force du récit papier. Un coup d'essai qu'on a envie de soutenir malgré tout, mais il faudra rester objectif sur sa qualité.

Vous pouvez commander Chasseuse de Géants à ce lien.

Arno Kikoo
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