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Final Crisis Tome 1 : Sept Soldats, un Grant Morrison généreux et (faussement) décousu

Final Crisis Tome 1 : Sept Soldats, un Grant Morrison généreux et (faussement) décousu

ReviewUrban
On a aimé• Présenter de nouveaux visages
• Variété de tons et de styles
• La science de Morrison pour la continuité
• Une publication qui enchevêtre pour donner un esprit d'ensemble
On a moins aimé• Quitte à perdre les lecteurs par moments
• Des dialogues parfois laborieux
• Pas forcément clair sur ses intentions
Notre note

Au tournant des années 2000, Grant Morrison amorce un projet fleuve chez DC Comics. Une crise, un temps baptisée Hypercrisis puis Final Crisis, projet qui perdra de nombreux lecteurs pas toujours habitués au style de l'auteur britannique, et dont la suite directe sera The Multiversity il y a quelques années. La préparation de cet événement ne se sera pas faite sans un long travail de chassé croisé entre différentes séries et événements fondamentaux dans certains grands titres. Tout commençait à l'époque par sept mini-séries englobées dans un esprit commun : les Seven Soldiers of Victory.

Il est assez important de lire la préface de l'ouvrage incorporée (comme d'habitude) par Urban Comics avant de s'y jeter, voire de faire une ou deux recherches supplémentaires pour comprendre l'identité de ce projet. Nous sommes à l'époque d'un Morrison foisonnant, qui vise loin et souvent juste avec comme principales armes la continuité, un amour des cultures croisées et une envie englobante de déclarer sa flamme au medium. Il en ressort un récit assez dense qui pourra dérouter certains, en particulier dans la façon dont s'enchaînent et s'empilent les numéros avant de se connecter les uns aux autres, puisque l'aspect décousu trahit (évidemment) cette cohésion vers un grand tout.

 

Les Seven Soldiers sont récupérés par le scénariste depuis une lointaine histoire éditoriale. L'équipe existait à une autre époque sous d'autres couleurs et avec d'autres personnages, et Morrison rend d'emblée une sorte d'hommage distant à ces héros du passé dans l'ouverture du volume qui pose la menace qu'on retrouvera ensuite par instants, en fil rouge : une sorte de race alien, insectoïde, qui vient effectuer sur Terre une moisson de héros.

La thématique de l'araignée revient périodiquement, de même que l'idée d'un cycle qui se répète. On le comprendra au fur et à mesure de la parution de Final Crisis, mais cette idée de recommencement n'est ici que survolée dans quelques dialogues : l'intérêt est surtout de présenter de nouveaux héros. En interview, Morrison expliquera qu'il cherchait à l'époque à reproduire ce que Marvel avait proposé avec les Ultimates, mais plutôt que de réinventer la Justice League sous un angle moderne, il va chercher des référents aux héros Marvel qu'il serait intéressant de moderniser et de présenter sous un jour nouveau. 
 
En sortent ici des figures relativement peu connues : le Gardien de Manhattan, un justicier urbain, Klarion l'apprenti sorcier, le chevalier Justin de Camelot et Zatanna, plus connue, pour ce premier volume. Suivront d'autres pour arriver au nombre de sept, Morrison tenant manifestement à cette numérologie.
 
On va au départ suivre leurs aventures mutuelles et intervient assez vite un grand sentiment de confusion. D'abord parce que le scénariste prend son temps, parce qu'il ne fait rien pour unifier sa vaste palette de styles, et que le découpage fait s'enchaîner le chapitre d'une mini-série par le chapitre d'une autre mini-série. Côté écriture, là où le Gardien ou Zatanna sont peut-être les plus proches de ce que l'on attendrait d'une série inspirée par Ultimates, la partie Camelot évoque plutôt une sorte d'école britannique de l'écriture. Un mélange de mythologie arthurienne et de science-fiction bariolée des années '70, comme ce qu'aura pu faire Moore sur Captain Britain en cherchant à Merlin et à la Table Ronde une origine plus cosmique. Le trait de Simone Bianchi qui gère cette partie de la BD cherche des influences européennes, et ne fait rien pour se lier à l'ambiance générale des autres moments.


 
Côté Klarion, c'est pareil : son histoire, de par ses thématiques et l'esthétisme qu'y insuffle Frazer Irving, appelle à d'autres styles et d'autres influences. Présenté au départ comme une sorte de contre folklorique grinçant, l'histoire du jeune sorcier évolue ensuite vers des détours plus tortueux. Zatanna semble paumée dans un grand trip complexe qui remonte à la première Crisis et traverse les différents champs magiques de DC avec ironie, tandis que le récit du jeune chevalier paraît être celui qui va le plus vite vers la menace de fond. Les idées s'entrechoquent, les mini-séries se répondent assez curieusement et tandis que Grant Morrison fait le choix d'introduire ses héros dans leur propre contexte - pour les présenter, avant de les connecter - on enchaîne une introduction filée par une autre sur l'essentiel du tome. Quitte à se perdre quand les tournures ne cherchent pas à se rendre perméables.
 
Le scénariste s'essaye à une sorte de jaillissement d'idées où toute une batterie de concepts nouveaux sont présentés sans que le lien avec une éventuelle Crisis ne paraisse encore clair (c'était le risque), ou que ne soit fait un lien avec la partie la plus visible de l'univers DC habituel. Ces héros évoluent tous à la marge, parfois dans un univers très différent, et là où on apprécie comment Morrison arrive à jongler entre ces différentes facettes d'un même monde fictif, on sent aussi qu'il utilise des références qui ne seront évidentes que pour lui. L'époque où il se foutait pas mal de savoir si le lectorat accrocherait ou non.
 
Les péripéties s'accumulent et s'enchaînent avant de réellement se connecter - tout à l'air neuf, tout a l'air parti sur de bonnes bases. L'inconvénient étant cet aspect laborieux d'être en face d'une énorme introduction à un ensemble qui ne boucle que tardivement, et demandera donc à chacun de se positionner sur ce qui lui est raconté sur chaque héros individuellement, avec les références nécessaires, et un recul sur les intentions du scénariste. Ce-dernier, généreux, passe par le destin d'un pégase parlant à un récit plus social sur le déclin d'un héros de la presse, les aventures sombres d'un petit sorcier grimaçant et d'une aventure décomplexée sur l'addiction à la magie. C'est curieux, fouillis, et passionnant pour les amateurs du style de l'auteur. Aux autres, il pourra être difficile de savoir où tout ça veut en venir.

Sur l'esthétique, on sera partagé sur l'apport de Ryan Sook dans l'arc Zatanna à l'exception de quelques trouvailles psychédéliques, mais côté Bianchi et Irving, le boulot est fait et bien fait. Un peu plus de réserve sur le Gardien de Cameron Stewart qui représente à sa façon une école de trait un peu plus poussiéreuse dans les années 2000 (on le retrouvera en meilleure forme plus tard) malgré de bien jolies couleurs. Personne n'arrive hélas à dépasser les découpages de J.H. Williams III sur le premier numéro - c'était prévisible.

 

Un premier volume en forme d'énigme et de nouveauté pour ce Final Crisis Tome 1 : Sept Soldats. Rien n'est abusé dans le titre, puisque ce premier gros morceau pousse bien la porte de ce que sera la dernière crise officielle de DC, puisque si certains considèrent que le Flashpoint ou Rebirth font aussi partie du listing, l'éditeur tient à l'aspect révolutionnaire de ce sigle appliqué à très peu d'événements dans son histoire. Son aspect est celui d'un énorme fleuve de références prises à droite et à gauche, d'un grand puzzle complexe à déchiffrer et d'une réinterprétation massive des concepts de base chez DC. Dans ce tas, les Sept Soldats passent pour une fresque de plusieurs idées qui se répondent en définitive sur le tard, dans une grosse intro' qui a le mérite d'innover et contre elle la lenteur de son propos.

- Vous pouvez commander Final Crisis Tome 1 à ce lien

Corentin
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