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Batman : The Gift, le Flashpoint décomplexé

Batman : The Gift, le Flashpoint décomplexé

ReviewDc Comics
On a aimé• Plein de bonnes idées
• Tony Daniel rend une bien belle copie
• Un esprit noir bien rendu
• Tom King, constant dans la qualité
On a moins aimé• Une facilité qui gâche parfois son potentiel
• Résolution bâclée
• Encore un arc de surplace
Notre note

Au cours d'un de ces grands colloques éditoriaux pendant lesquels le rédac chef' et le pigiste débattent de l'avenir des éditorialistes, d'éthique et de bières aromatisées (pour ou contre, dites nous dans les commentaires), s'est posé la question de : comment accompagner le suivi des ongoings sur le plan critique. Attendu qu'il est difficile de tout suivre et de trier les parutions en terme d'importance, vous aurez remarqué que sont privilégiés ici les numéros #1 - parce que plus accessibles et, en quelque sorte, plus événementiels - et les arcs de crossovers en général.

Or, c'est bien de savoir si une série commence bien, mais il est aussi intéressant de savoir si elle reste bonne dans la durée. Aussi, on profite cette semaine de la fin d'un petit arc sans grosses retombées du côté de la série Batman de Tom King, accompagné par Tony S. Daniel pour l'occasion, histoire d'inaugurer ces critiques d'arcs que nous espérons plus nombreuses à l'avenir. Une opportunité de rappeler au passage que le scénariste reste l'un des plus constants dans la qualité de son run, jusqu'ici cadencé à quarante-sept numéros. Bien ouej, Tommy.


Rappel des faits : entre les numéros #45 et #47, Batman meuble en attendant de passer au doigt de sa femme chat préférée une bague que l'on imagine coûteuse. Un petit arc baptisé The Gift pour poursuivre le tour des héros de la maison DC, qui viennent depuis quelques mois visiter la série, histoire de poser un regard sur cet événement crucial et inédit dans les parutions du héros : le mariage, enfin. La pratique n'a rien de neuf - peut-être vous souvenez vous, après la mort de Damian Wayne, d'un même défilé de portraits amicaux dans les pages de Batman & Robin à l'époque scénarisée par Peter J. Tomasi, mais on peut revenir beaucoup plus loin, DC étant en fait assez fan de ce côté familial pour installer ses personnages dans un univers.

En l'occurrence, on tombe face à Booster Gold, qui ramène un peu de sa loufoquerie à Gotham City dans une grande parodie de Flashpoint où se glissent des tonnes de bonnes idées. Comme d'habitude, le héros doré va faire une gaffe - et cette fois, vraiment importante - en sauvant les parents de Bruce Wayne dans son enfance, un "cadeau de mariage" qui ne sera pas sans conséquences sur le statu quo. Bruce Wayne a donc ici vécu une vie de heureuse de riche playboy sympa, tandis que les parents Grayson sont eux bels et bien morts, que le Joker n'a pas trouvé d'adversaire suffisamment doué pour l'empêcher de devenir une menace de plus grande ampleur, etc. Une idée cool qui joue sur les bons tableaux : rigoler un peu gentiment sur les séries à la Flashpoint, avec l'éternel commentaire méta' de King sur le monde de Gotham City.

 

Le style du scénariste est en effet bien plus clair qu'au début de son run. Très à l'aise depuis qu'il a fait avancer la relation de Batman et Catwoman, il propose un déroulé simple de numéros concepts, de répliques cycliques tournant autour d'une ou deux idées fortes. Tout le monde n'est pas client, et on peut effectivement se poser la question de l'épaisseur des scripts ou du temps passé sur la machine à écrire, compter les "I'm Batman" et les "miaous", mais pour ceux qui apprécieront, le style de Tom King marche pour des raisons évidentes. Une hésitation permanente entre le premier et le second degré qui utilise tous les codes de la parodie.

Les dialogues du scénariste sont généralement assez pauvres, voire déconnectés des situations. Chaque personnage interagit avec l'autre avec un éventail de répliques limité, comme si l'envie de rendre un échange crédible se heurtait à une sorte de quatrième mur. L'idée que Batman sait qu'il est Batman, que Catwoman sait qu'elle est Catwoman, et que chacun devait se limiter à dire ce qu'on imagine qu'il dirait dans telle ou telle situation. La force de King n'est pas dans ses mots mais dans l'intention qu'il donne, et sa capacité à densifier une réplique en la réutilisant - une sorte de contre-Snyder, pas du tout égotique dans sa démarche, ni bavard ni trop explicatif, et pas forcément intéressé par l'idée de s'approprier Batman non plus.

A ce titre, le run propose souvent des allées et venues dans le méta', notamment sur les flashbacks, le choix de certaines couleurs, les couvertures. Celle du numéro #47 est assez parlante sur le sujet, on retrouve un vieux truc des comics du Silver Age : une scène hors contexte qui vend le numéro en isolant un événement dramatique (et mensonger), et des personnages qui parlent, une idée que les couvertures modernes n'utilisent plus beaucoup. On retrouve plein d'autres renvois dans le même genre : Jason Todd est ici un vendeur de systèmes de sécurité contre les vols de pneus de voiture. Batman est un héros à la Miller qui assume les flingues, le costume de Catwoman est un renvoi évident au film de 1992. Cela étant, on retrouve tout de même moins de renvois que d'habitude dans ces trois numéros.

 

L'arc est en général assez violent, dans la forme comme dans le fond. King utilise le décalage de Booster Gold, un personnage qui sert rarement aux histoires dramatiques, avec la violence froide de l'univers où il a atterri, un monde cruel et sans lois qu'on aurait presque envie de voir plus exploré. Généralement, on ne sait pas trop si le scénariste rit de la bizarrerie générale ou s'il l'utilise comme une vraie réflexion sur ce qu'aurait été Gotham City sans Bruce Wayne dans le costume - on se bornera à dire que ça n'aurait probablement pas été joyeux dans tous les cas. L'humour fonctionne et embarque un peu de folie avec lui, en particulier dès que Booster est séparé de la machine qui lui tient lieu de sidekick et qu'il se retrouve sans personne pour lui donner la réplique.

Certaines scènes sont assez folles dans leur genre, surtout quand on se dit qu'il s'écoule en fait plusieurs années en trois numéros. Largement le temps de devenir fous dans ce monde en flammes, que le coloriste Tomeu Morey montre en jaune et en vert, comme piégé dans un éternel soleil de fin d'après-midi. L'ensemble est écrit et dessiné comme un véritable cauchemar avec l'absurdité qu'on associe au concept, un monde où des éléments familiers deviennent tout à coup très dérangeants et où artiste et scénariste glissent tout un tas de détails pour appuyer cette idée de décalage inhabituel (les flingues, évidemment, mais aussi les clopes de Selina).

 

Il en ressort un joli jouet un poil frustrant, déjà parce qu'il donne nettement l'impression d'assumer son côté "arc de remplissage" et parce que le scénario n'est pas toujours généreux. La fin en particulier est particulièrement frustrante au vu de ce qu'elle donne, pas suffisamment pour qu'on regrette la lecture mais assez pour qu'on se demande pourquoi King est devenu allergique aux arcs de long terme. Avec un numéro de plus le résultat se serait sans doute mieux apprécié, mais c'est tout le problème de cette fuite en avant qui empile tout un tas de caméos en attendant le mariage fatidique : c'est chouette mais ça ne sert à rien à part se divertir.

En ça, le divertissement est là, il aurait tout de même pu être plus généreux. Et en même temps, comment faire ce reproche à DC Comics après la maximisation de profits qu'aura été Metal, une exagération à tirer sur la corde partie d'une idée un peu marrante mais qui aura vite gonflé tout le monde. En définitive ce genre de petites lectures interchangeables a l'avantage de ne pas chercher à être un game changer absolu, et chez les Big Two, on peut dire que c'est plutôt reposant.

Un mot sur les dessins : Tony Daniel est en excellente forme et rend un univers organique, bien découpé et inspiré sur toute une série de plans. Quelques soucis sur les visages (une habitude) mais les designs sont bons et en un sens l'artiste correspond au côté parodique et ultra-violent du concept, avec de vraies trouvailles sur les gros plans ou les premières et dernières pages de l'arc. Un joli travail avec quelques temps forts plutôt remarquables, et comme il a été mentionné plus haut, Tomeu Morey fout le feu.

 

En résumé, Batman reste une très bonne lecture même quand elle abuse de son concept permissif sur le méta et l'auto-parodie. Un arc sympathique, avec de bonnes trouvailles et un humour grincant qui fonctionne même si on regrette que tout ça n'ait pas été plus loin. King se heurte parfois aux limites de ses propres codes, mais si ce The Gift doit donner une idée d'où en est la série actuellement, on aurait envie de valider en bloc vu le niveau de qualité générale. Bref, à ceux qui auraient éventuellement lâché au début, il sera peut-être temps de reprendre.

Corentin
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