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Kick-Ass #1, un numéro en toute franchise

Kick-Ass #1, un numéro en toute franchise

chronique

On présente Mark Millar comme celui qui sait avant les autres où le vent va tourner. Et c'est vrai : quand le super-héros apparaissait de plus en plus souvent au cinéma, le scénariste proposait une lecture de cette jeunesse geek de moins en moins ridicule auprès de la culture pop', dans Kick-Ass. Un récit où trois férus de comics adoptent les codes de leurs personnages préférés pour combattre le vrai crime, de la vraie vie, avec du vrai sang et de vrais os cassés. L'un plus dans le répertoire d'un Spider-Man aux côtes brisées, les deux autres en héritiers du Punisher et d'une version chibi d'Elektra.

Intéressant de regarder la courbe ascendante des créations Millar depuis ce moment T qu'a été Kick-Ass : c'est à ce moment là que le scénariste sera devenu un nom à lui seul, un paravent de créations trans-médias et une véritable licence auto-suffisante, auto-alimentée. A tel point que le Millarworld sera devenu l'alternative de Netflix aux majors dans l'adaptation de comics. En terme de méthodologie, c'est aussi avec Kick-Ass que Millar développe cette envie de mouvement, travaillant sur le script du comics et du film en simultanée, s’équipant d'un tic qui ne le quittera plus : la BD à destination de l'adaptation, technique d'auto-promo' brillante quoique discutable dans le principe.
 

 
Si Millar avait bien appliqué le concept de suites à son Kick-Ass originel, l'auteur est aussi célèbre pour proposer, chaque année, deux ou trois nouvelles séries - avec plus ou moins de réussites, mais l'envie toujours manifeste d'aller de l'avant, de passer au projet d'après sans faire ce que font les Big Two. Là où on peut citer le fluvial - mais brillant - Jupiter's Legacy en contre-exemple, ce besoin de porter son propre monde de super-héros choque moins puisqu'il épouse une tradition des auteurs émancipés, qui aiment avoir leur propre Astro CityBlack Hammer et autres déclinaisons du modèle. Seulement voilà, Kick-Ass, c'est différent.  
 
Et comme on ne reprochera pas à Mark Millar d'être malhonnête (restons sensés), cette ouverture qui ressemble à n'importe laquelle des séries de son style pose tout de même la question du besoin de ressortir du placard la sémillante combi' de plongée. Autrement que, justement, pour le nom. Recentrons nous.
 

 
Ce Kick-Ass n'est pas le récit de Dave ou de Mindy. On y découvre Patience, une mère de famille qui rentre d'Afghanistan, où elle aura passé ses dernières années à instaurer la démocratie à coup de M16 et autres colt.45 - l'héroïne a laissé son foyer entre les mains de son époux, un musicien raté qui décide avant son retour de tout plaquer pour s'enfuir avec une femme plus jeune et plus jolie. Très vite se pose la question des factures à payer, et Patience comprend le désarroi de sa situation.
 
Il était question plus haut de sentir les tendances - difficile ici de dire si Millar arrive trop tôt ou trop tard. Habilement située dans la ville d'Albuquerque, sa proposition ressemble à un esprit de dualité morale survenue au milieu des années 2000, quand le paysage télévisuel se remplissait de salauds sympathiques, compréhensibles, ou de personnages obligés de tricher avec les règles pour joindre les deux bout. Et là où Mary-Louise Parker choisira de vendre quelques grammes d'herbe sèche pour subvenir aux besoins de sa famille, Patience décide, elle, de casser quelques gueules et de dépouiller les nombreux malfrats peuplant les rues des bas quartiers. 
 

 
Ce contexte social est adroitement ou maladroitement survolé : Millar glisse un tacle à cette Amérique sans repères moraux depuis la guerre en Irak, à cette difficulté de se réinsérer pour les soldats et à une économie qui laisse de moins en moins de place à des emplois non précarisés. On le voit s'exprimer sur l'égoïsme du white male qui plaque femme et enfants pour assouvir une crise de la quarantaine mal digérée, par ce monde qui ne comprend pas l'artiste derrière le loser, et par la société qui a élu Donald Trump, sans approfondir le sujet. 
 
Le thème principal de ce Kick-Ass semble être celui-ci : évoquer par touches un renouveau, une société du présent, où la femme seule (et de couleur) reprend le contrôle de sa vie, de ses droits et de son foyer, quand l'homme n'a lui pas fait le job et laissé s'empiler des dettes à rembourser, par la force. Problème, la faciltié de Millar à poser de bonnes idées dans des introductions qui ne resservent pas ensuite rend cette lecture difficile à saisir. On aurait envie de se demander si tout ça n'est pas qu'une énième façon de répondre à la demande, et surtout, pourquoi le faire avec si peu de style.
 
Ce premier numéro n'est pas à la hauteur du nom. Là où le Millarworld est synonyme de bonnes accroches (parfois décevantes dans la durée, mais les introductions sont au moins toujours soignées), on retrouve un peu de paresse et de facilité dans l'enchaînement des enjeux. Le problème général est le manque de corps de ce scénario qui ressemble à n'importe quel autre une fois secoué de ses idéaux utiles - on a même l'impression d'avoir lu ou vu cette histoire très souvent, et se demander ce que Kick-Ass aurait à voir avec tout ça.
 

 
Le scénariste se débat avec un semblant de motif, qui donne en fait peu de réponses : pourquoi ne pas avoir porté un nouveau costume ? L'idée paraît grossière et une façon neuneu de ramener la licence sur le tapis - Kick-Ass n'a jamais fait de justice sociale, d'ailleurs. La patine de comic book nerd est aux abonnés absents, comme l'est l'esprit des premières séries. Ni dans la violence, l'action ou l'écriture des héros (souvent des sadiques ou des losers dans la première trilogie). En réalité, il aurait suffit que le costume seul soit remplacé pour que cette série porte un autre nom - c'est sans doute l'objectif, après tout on est ici en face d'un relaunch qui adopte la méthode Marvel du changement de héros pour un même costume. Il serait hypocrite de demander à Millar de ne pas fonctionner comme un gestionnaire de licence au vu de son statut actuel.
 
Néanmoins, à l'ombre d'une adaptation hypothétique avec Tessa Thompson, le numéro est loin de préfigurer d'un immanquable dans les créations du Millarworld. Le Millar est ici mi-figue, le Romita hésitant, ni mauvais ni bon selon les cases, et un propos sociétal qu'on sent utile et plein de bonnes intentions inquiète dans cette capsule qui exécute vite et ne donne pas le meilleur de son potentiel - rien de catastrophique, on pourrait généralement dire que ce numéro est même plutôt bon. Mais, cet étrange appareillage de franchise, rajouter un Kick-Ass aux Kick-Ass pour l'amour du titre et le boost des ventes en singles ferait faire la moue aux amoureux de l'auteur qui s'est en plus révélé à un meilleur niveau dernièrement sur Jupiter's Legacy. En somme, une semi-réussite, qui aura à faire ses preuves sur la durée.
 

 
Cette fois, pas de Gnarls Barkley dans une voiture volée, pas de jointures à la colonne vertébrale, références comics et électrocutions génitales. Ce quatrième volume de la série des Kick-Ass propose autre chose, pas moins intéressant, mais pas forcément là où on l'attendait et il appartiendra aux prochains numéros de valider ou d'invalider ce qui reste pour le moment une introduction dans les clous du Mark Millar habituel et habitué, qui ne se foule pas sans décevoir pour autant. On aurait aimé quelque chose de plus événementiel pour le retour de ce personnage si emblématique de la carrière du scénariste, on se contentera d'une lecture agréable qui rappelle qu'avant d'être auteur, le brave Millar est surtout un sacré filou. 
Corentin
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