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Dark Nights : Metal #4, entre ratages et fausses bonnes idées

Dark Nights : Metal #4, entre ratages et fausses bonnes idées

chronique

Peut-on accepter toutes les idées sous le principe qu'elles participent à un processus créatif ? C'est la question qu'il convient de se poser à la lecture de Dark Nights : Metal #4, grand foutoir organisé par Scott Snyder, qu'on ne voyait pas forcément venir après un Batman : Lost #1 franchement maîtrisé. Mais ce dernier numéro s'appuyait sur un ensemble de récits déjà posés (et de solide qualité). Metal, quatrième édition, permet à Snyder de lâcher ses liens avec ces précédentes histoires, et montre alors son incapacité à créer en restant un minimum cohérent.

Aux origines du Multivers

Aux antipodes même du récit décompressé qui prend son temps pour poser deux éléments, Metal passe à la vitesse supérieure avec ce quatrième numéro, Snyder posant plusieurs idées à chaque planche, avec en point d'orgue la redéfinition du Multivers et de son opposé, le Dark Multiverse, en lui conférant des origines mythologiques, auxquelles on adhérera ou pas. Une continuation dans une même thématique : puisqu'à la matière et l'anti-matière s'ajoutait la dark matter, alors au Monitor et Anti-Monitor il conviendra d'ajouter une troisième entité divine, dont l'identité reste malheureusement tue. De même, le point d'origine de tous les mondes devient une grande Forge Cosmique, qui représente une sorte de bouillon créatif où toutes les histoires, et tous les mondes sont possibles, avec l'idée que les mondes les plus chauchemardesques sont destinés à mourir, et que leur disparition sert à alimenter le feu de cette Forge.


Dès lors, le démon Barbatos dont l'histoire se reliait jusqu'à présent aux histoires développées par Milligan et Morrison, prend une toute autre dimension en devenant le Gardien de cette Forge, un gardien destructeur (et sous forme de dragon, au final, parce que c'est plus Metal) qui se sera affranchi des ordres de son maître (la mystérieuse troisième entité) pour faire perdurer la force du dark. Le plan n'est plus d'envahir la Terre du Multivers DC, mais de la plonger dans les abîmes des ténèbres, comme tout le reste de la création. Ces ténèbres, on a pu les découvrir au fil des one-shots consacrés aux Dark Knights, et elles n'augurent rien de bon. Mais une première incohérence se pose déjà, puisque si Barbatos a cessé de remplir son rôle, à savoir celui de détruire les Terres du Dark Multiverse, celui-ci ne devrait plus être destiné à mourir, et les Dark Knights n'auraient donc plus de raison de vouloir aller se réfugier sur le Multivers normal.

Toutes les histoires créées 

Au delà de réinventer toute l'origine de l'univers DC, Snyder se permet une grosse métaphore tout au long du récit, en allant s'aventurer dans la bibliothèque de Dream (le Sandman), qui contient selon la mythologie établie toutes les histoires écrites par l'Homme, même celles qui n'ont pas été couchées sur papier. Snyder en profite d'ailleurs pour ramener, en plus de Dream of the Endless, la figure de Lucien, gardien de cette bibliothèque, comme une sorte de commentateur extérieur du récit proposé au lecteur. Ainsi, plus que l'univers DC, c'est toute la création dans sa forme la plus noble qui est menacée, l'auteur se permettant en fait d'expliquer que toutes les histoires de comics que vous ayez pu lire ont vraiment existé. Ca ne vous rappelle rien ?

C'était le pari du run de Grant Morrison sur Batman ; au cours de son histoire, le scénariste britannique avait pris pour parti de dire que toutes les histoires de Batman avaient eu lieu, pour lier une grande continuité, avec notamment un passage très psychédélique pour justifier les récits fous du Silver Age. Snyder fait de même, ici, mais en seulement quelques pages, alors que Morrison avait pris plusieurs années et des dizaines de numéros. Ce qui permet un enchaînement d'idées et de situations plus folles les unes que les autres, sans que l'auteur ne se prenne la peine de le justifier. Car toutes les histoires possibles existent, même celles qui ne sont pas écrites. La preuve étant fait dans une note de l'éditrice Rebecca Taylor, lors de l'apparition de Starro qui lui raconte des faits datant d'une histoire qui n'a en fait pas été écrite - ce à quoi Snyder et Capullo répondent clairement "mais on s'en fout" via un petit pictogramme.


Et l'on retrouve cette impression de je m'en foutisme, qui va à l'encontre de toutes sortes de règles établies lorsqu'on veut conter une histoire (le respect de certaines unités) et repousse à l'extrême les limites du contrat de crédulité passé entre un auteur et un lecteur de comics de ce genre. Car on sait qu'on est dans un univers de super-héros, que Metal ouvre les portes du cosmique, du récit méta-fictionnel, et qu'il ne faut pas tout prendre au premier degré. Mais de son côté, le scénariste doit aussi maintenir une cohérence dans ses faits.

L'écriture d'un gosse de douze ans

Dès lors, faire sortir un gant bardé de Kryptonites de toutes les couleurs (parce que Batman a bien sûr prévu un jour de se retrouver face à plusieurs versions de Superman en même temps), inventer une planète invisible car basée sur "du gaz d'étoile zombie" ou un canon dopé au super-métal qui serait braqué sur la Terre depuis des millénaires, ou un portail téléportatif planqué au fond d'Atlantis, parce que fuck it, why not ? tient autant de l'absurde que d'un certain manque de savoir faire. 


De même, faire intervenir le Sandman en deus ex machina  pour sauver des personnages d'une situation désespérée et faire avancer l'intrigue à coup de téléportations, si c'est effectivement "fou" dans la proposition, c'est également très flemmard et médiocre dans l'écriture.

Dark Nights : Metal #4 en devient alors cet ensemble d'idées balancées à la suite, pêle mêle, à force de concepts balancés au détour d'une case et de retournements de situations plus improbables les uns que les autres. Car selon l'auteur, la plus puissante des armes est "une histoire", et que c'est donc dans le processus créatif que l'univers DC sera sauvé (comprendre : par son scénariste, si vous aviez encore des doutes sur le melon de Snyder). Et s'il peut se cacher derrière un côté méta, ça n'excuse rien. En l'état, le caméo de Starro et sa façon de s'exprimer digne des années 60, fait sens lorsqu'on tient compte de la dimension Silver Age du persnnage.


Et c'est même d'ailleurs, le passage au final le plus acceptable. Même dans le récit, les personnages sont dépassés par ce qui leur arrive, à la manière d'Hal Jordan qui dit clairement "je suis dans une histoire que je ne suis pas censée comprendre" et la réponse de Mr. Terrific qui explique qu'on ne peut pas rationnaliser le cosmique, qu'il y aura toujours plus de questions, Snyder pouvant ainsi se dédouaner de tout semblant d'incohérence dans son récit puisqu'il la justifie par la même occasion. 

On a alors l'impression que Snyder a confié un tas de figurines DC à son gosse et l'a laissé raconter une histoire avec. Certains y verront un geste rock'n roll, une envie de briser des limites, et peut-être que mon côté, je suis trop sérieux, trop premier degré, pas assez métal. Mais même dans son côté le plus rock et énervé, le métal reste un genre musical construit et défini par des codes, pas un bordel sans nom qui consiste à taper sur tout et juste faire du bruit. On ressortira donc avec la tête lourde, d'autant plus que l'écriture n'aidant pas, la lourdeur du récit est plus qu'appuyée. A vouloir barder trop d'idées sans réfléchir à comment les agencer, on se retrouve avec un grand n'importe quoi, certes conséquent d'un point de vue créatif, mais déconcertant de puérilité dans sa construction. On attendait un minimum de maturité de la part d'un auteur qui sévit depuis tant d'années chez DC.

Arno Kikoo
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