Pendant que DC Comics continue de vivre son après-Rebirth en présentant les conséquences de son événement éditorial qui a débuté l’année dernière, avec The Button notamment, Marvel entame une révolution éditoriale du même acabit qui devrait véritablement prendre forme dans quelques mois avec Generations. En attendant, la Maison des Idées joue avec les dernières pièces de son univers actuel et laisse Nick Spencer maître d’un event qui s’étalera tout le long des prochaines semaines, Secret Empire.
Sans spoiler véritablement dans cette critique, je suis tout de même obligé de poser le contexte de cet événement peu anodin puisqu’il place Captain America dans le rôle de la cible à abattre. En effet, dans un retournement de situation totalement ubuesque, la Maison des Idées a redéfini totalement le passé de son univers en invoquant une intervention presque divine de l’Hydra. En effet, Secret Empire #0 nous apprenait que les membres de la cellule nazie avait totalement modifié l’Histoire pour faire finalement croire aux Alliés qu’ils avaient perdu la Seconde Guerre Mondiale. Pire encore, Steve Rogers a toujours été un agent de l’Hydra rendu dormant pour pouvoir prendre une place majeure dans le nouvel ordre mondial et trahir nos héros à la surprise générale du monde.
Malheureusement, tout ce tumulte a pourtant été bien désamorcé dans Secret Empire #2 et qui, sans dévoiler le détail de cette découverte, faisait s’écrouler comme un château de cartes une intrigue pourtant construite pour nous présenter des héros acculés sans aucune chance de rédemption. Et c’est probablement le reproche principal qu’on pourrait jusqu’ici faire à cet event qui est à l’image de Steve Rogers : confus. En effet, comme notre héros au bouclier, Secret Empire ne sait pas trop bien comment se placer et essaie finalement d’inscrire un changement majeur dans un univers Marvel qui se prépare aussi à des bouleversements éditoriaux. C’est d’ailleurs pour cela que l’event déçoit pour le moment. On sent Nick Spencer impliqué et enclin à aborder des thèmes politiques assez intéressants, notamment vis à vis de la position de Captain America ou encore entre les luttes internes qui opposent des Vengeurs acculés, mais l’impact est terriblement amoindri par le futur de la Maison des Idées.
En effet, le scénariste tente quelques envolées d’idées et placent nos héros dans une situation face à laquelle ils n’ont plus aucun choix que de prendre des décisions drastiques pour s’en sortir. D’un côté, nous avons la branche principale des Avengers qui ont décidé de retrouver les fragments du cube cosmique pour replacer la réalité dans son ancien contexte et l’autre nous présente une Black Widow, une habituée de la guerre et des conflits, qui décide de s’émanciper pour mener le véritable combat qui vaille la peine d’être mené, celui contre Steve Rogers. Cette approche est probablement l’une des plus réussies de Nick Spencer, qui, en ramenant le conflit à une échelle très humaine pose un problème inhérent à toute la question super-héroïque : faut-il sauver tous les humains ou accepter quelques sacrifices pour espérer sauver tout le monde ?
Finalement, avec l’expansion des conflits à des échelles mondiales et cosmiques, les Avengers se sont finalement peu à peu détachés de la condition humaine et Nick Spencer nous présente une divergence d’idées majeures entre plusieurs des membres de l’équipe : faut-il tenter de sauver Steve Rogers ? Faut-il le tuer ? Faut-il reprendre le contrôle de la Terre ? Faut-il abandonner et sauver des hommes et des femmes menacés par le régime ? La menace est trop importante pour avoir le temps de se poser ce genre de question. Mais ce n’est pas la seule interrogation politique que l'auteur apporte avec sa série qui vient aussi tacler la vacuité de notre système politique. Secret Empire est cependant assez effrayant dans le constat qu’il fait des citoyens, qui acceptent finalement la situation, comme si passer d’une démocratie à une dictature se faisait dans la résignation la plus totale, et pire, il va même jusqu’à présenter un peuple comme en accord avec les décisions du “gouvernement Hydra”. Un raccourci un peu difficile à digérer même si on sent très bien derrière ce message une frustration grandissante vis à vis de l’administration Trump.