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Édito #88 : Le projet Manhattan de DC Comics, mauvaise idée ou coup de génie ?

Édito #88 : Le projet Manhattan de DC Comics, mauvaise idée ou coup de génie ?

chronique
Œuvre ô combien culte des amoureux de bulles et de cases, Watchmen a, lors de sa sortie en 1986, transcendé totalement le média en abordant des thématiques beaucoup plus profondes en abordant critiques sociales, réflexions philosophiques sur l'homme et sa vacuité au sein d'un monde vaste. Le comic-book d'Alan Moore et Dave Gibbons avait réussi à convaincre en montrant que le 9ème art aux USA pouvait être bien plus que des histoires de super-héros sauvant le chaland à la moindre occasion et le sourire aux lèvres.



En retournant totalement le point de vue sur les super-héros, présentés comme des cancers qui ont participé à la déchéance d'un système lui-même bien corrompu, les personnages de Watchmen se voient totalement refuser le droit de continuer à se pavaner dans leur costume à l'exception de ceux qui décideront de mettre leur talent au service du gouvernement (évidemment). C'est dans cette optique que le Doctor Manhattan travaille au service du Président Nixon (qui en est à son cinquième mandat, dans une uchronie que l'on envie pas) avant de s'élever lui-même au rang de Dieu et de ne plus voir l'intérêt de s'occuper des affaires de l'humanité. De par son statut, cette œuvre ne pouvait évidemment pas rester dans son coin à une époque où les sociétés ressortent les vieux pots en pensant qu'il sera plus facile d'en faire de meilleures soupes.
 
DC Comics a donc décidé de faire une première infidélité au gros barbu adepte de magie noire en 2012 en dévoilant une série qui revisiterait l'œuvre, Before Watchmen. Cet événement éditorial lancé en grande pompe par la Distinguée Concurrence était l'occasion d'offrir une préquelle à l'univers de Rorschach et ses "amis" à travers de nombreuses mini-séries qui s'arrêtaient sur le passé des têtes connues du comic-book mythique. Il faut cependant préciser que l'initiative trottait déjà dans la tête de DC depuis les années 80 puisque Alan Moore et Dave Gibbons avaient planché sur des titres qui n'ont jamais vu le jour comme les chroniques du Vietnam du Comédien ou encore un titre team-up entre Nite Owl et Rorschach. Certaines de ces idées sont d'ailleurs reprises pour Before Watchmen. Pourtant, malgré des équipes all-star - on parle quand même de J.M. Straczynski, Darwin Cooke, Joe et Andy Kubert, Adam Hughes... - et un succès commercial certain, les mini-séries s'éloignent souvent de l'image des personnages dépeints par Alan Moore.



Tout de même fort de ce succès, DC Comics a donc dans l'idée de mettre en avant les héros de Watchmen et réfléchit à l'entreprise de les intégrer totalement à l'univers de leurs héros principaux, quitte à laisser de côté le projet de Watchmen 2 de Grant Morrison. Les années et mois passent, la Distinguée Concurrence annonce alors un nouveau relaunch, DC Rebirth, qui sera l'occasion de créer un nouvel événement éditorial destiné à récupérer les lecteurs qui commencent à se lasser des aventures engendrées depuis le début des New 52. C'est ainsi qu'avec DC Universe Rebirth #1, sorti en mai 2016, Geoff Johns met les pieds dans le plat avec une conclusion suggérant (fortement) que l'ami Doctor Manhattan, grâce à sa condition divine, y est pour quelque chose dans la perte des années de Batman et ses congénères à la fin du Flashpoint, créant ainsi les New 52.
 
Mis de côté pendant une année, cette intrigue est teasée par la découverte du fameux badge au smiley sanglant du Comédien qui finit par atterrir dans la Batcave.
The Button de son nom, qui s'est déroulé dans les pages de The Flash et Batman, était donc l'occasion de lever le voile sur ce mystère et de comprendre, enfin, le rôle qu'ont joué les Watchmen dans ce nouveau chapitre de l'univers DC Comics. Nous vous invitons d'ailleurs chaudement à jeter un coup d'œil à la review de The Button, que nous vous avons proposé vendredi dernier. Mais, à quelques jours de sa conclusion, Geoff Johns dévoilait une petite surprise avec la série Doomsday Clock, qui gérera finalement le retour du personnage bleu, qui devrait visiblement combattre un autre héros bleu (avec un slip rouge), Superman, sans oublier d'impliquer  le nemesis de celui-ci qui donne son nom à l'arc en question. Sans surprises, The Button était donc une deuxième introduction et n'a pas véritablement fait avancer le schmilblick.



L'éditeur semble d'ailleurs se mettre consciemment dans une situation hautement inconfortable en assumant qu'à moitié le retour des Watchmen. Il ne faut pas se tromper, le défi est d'une taille jamais égalée pour DC qui n'aura d'autre choix que d'être à la hauteur des lecteurs qui considèrent Watchmen comme LE classique et qui ne pardonneront que difficilement une arrivée maladroite et qui n'égalera pas les réflexions d'Alan Moore. Pourtant, et c'est peu rassurant, DC Comics semble déjà préparé à essuyer une telle déconvenue en proposant un Doomsday Clock qui ne sera finalement pas un crossover entre différentes séries, signifiant donc que ces conséquences ne seront que peu évoquées dans les autres titres de l'éditeur, sous peine de perdre les lecteurs qui passeront à côté.

Pourtant, les premiers teasers ne sont clairement pas anodins quant à l'implication du Docteur Manhattan dans la création du DCverse. En effet, je précisais plus haut que Jon Osterman (de son nom d'humain) avait fini par se détourner de la vie humaine mais ce n'est pas totalement vrai. À la fin de l'œuvre, le dieu bleu indique qu'il a de nouveau ressenti de la curiosité dans l'espèce humaine en découvrant les conspirations de son ancien allié, Ozymandias. Cette scène n'est clairement pas anodine pour Watchmen et les événements qui prennent actuellement cours dans le DC Universe, puisqu'il finit même par ajouter : "I think perhaps I'll create some.". Cette phrase résonne maintenant plus que jamais avec le teasing de DC Universe Rebirth #1 et les événements de The Button qui laissent fortement supposer que Doctor Manhattan est à l'origine de cet univers.

Et c'est ici qu'une question majeure se pose : DC Comics a t-il eu sa pire idée ou un coup de génie ? Évidemment, il est encore très tôt pour savoir ce que Geoff Johns a déjà en tête pour Doomsday Clock mais cette histoire laisse place à beaucoup de questions. D'un côté, il est assez facile de voir cette décision éditoriale comme de l'opportunisme alors que Watchmen pourrait (sûrement) voir le jour en série TV et qu'une adaptation animée serait aussi dans les cartons. De plus, le nom Watchmen est puissant auprès du grand public qui a, en grande partie, découvert l'œuvre avec son adaptation dans les salles obscures par Zack Snyder en 2009. Intégrer les Watchmen au roaster de l'univers classique pourrait donc être la porte ouverte au n'importe quoi et des séries et mini-séries sur ses personnages auraient l'occasion d'apparaître ça et là, abandonnant au passage l'unique justesse de l'écriture de Alan Moore qui a personnifié des concepts sur un catalogue de héros vieillots, plutôt que de créer des personnages. Because money !

Pour autant, il serait tout de même assez intéressant de voir la coupe à moitié pleine plutôt qu'à moitié vide. De par sa condition divine, le personnage de Manhattan est amené à être en perpétuelle évolution et sa vision complexe du monde et de la vie ne se limite finalement qu'à son analyse et sa compréhension de celui-ci. Le héros, par définition, grandit indépendamment de toute volonté. Pourtant, le divin bleu est lui aussi dans une phase d'appréhension de son plein potentiel et de ses capacités tout au long du comic-book. Il viendra d'ailleurs à comprendre le caractère précieux de l'espèce humaine et plus généralement de la vie, qui est principalement due au hasard d'interactions micro-moléculaires, qu'il arrivera à saisir. Mais revenons donc à cette fameuse problématique : et si c'était lui ? Et s'il avait créé l'univers DC ? Il faut avouer que cette idée est tout de même assez attirante puisque créer cet univers en réponse au sien serait finalement assez logique. Sauf qu'accepter que l'univers DC soit la récréation d'un dieu tout puissant d'une uchronie réputée inchangeable, ça fait une sacrée pilule à avaler. 



Dans le monde de Watchmen, les super-héros font parti d'un concept dépassé. Ils sont détestés de la population et du gouvernement qui cherche soit à les traquer, soit à les exploiter (comme notre bon Doc). Leurs représentants sont eux-même à moitié fous et ils incarnent souvent les pires traits de caractères de l'humanité, comme la brutalité du Comédien ou encore l'anarchisme sans concession de Rorschach, prêt à mourir pour ses idéaux, portés par des actions extrémistes. Les héros sont donc globalement une expérience ratée dans un monde qui court droit à la catastrophe. Et si la création de l'univers DC était simplement une réponse du Docteur Manhattan à son propre monde ? Un monde où les super-héros sont finalement des représentations de valeurs humaines positives fortes comme l'altruisme, la tolérance, le partage ou l'espoir. Et si Superman, Batman, Green Arrow et autres n'étaient finalement qu'une réponse à la violence du monde de Docteur Manhattan ? Évidemment, celle-ci est aussi présente dans l'univers DC puisqu'il s'agit d'un concept humain et donc d'un paramètre à prendre en compte. Mais si ce monde n'est pas non plus parfait, c'est probablement que Doctor Manhattan lui-même est imparfait, comme il le démontre tout au long de Watchmen durant lequel il évolue pour atteindre cette perfection. Il faut donc voir l'univers DC comme sa première création, maniée et remaniée à travers l'histoire que nous connaissons et les crises qu'il a essuyé, évoluant en même temps que Manhattan, qui ne serait donc finalement ici que pour éditer un autre monde qui ne sera jamais parfait.

"Je préfère l'immobilité qui règne ici. Je suis fatigué de la Terre, de ces gens, fatigué d'être pris dans la confusion de leur existence. Ils prétendent s'acharner à bâtir un paradis, et voici que leur paradis est peuplé d'horreurs. Peut-être que le monde n'est-il pas fait, peut-être que rien n'est fait, une horloge sans artisan. Il est trop tard, il a toujours été, et il sera toujours trop tard."

- Docteur Manhattan, Watchmen, 1986.
AlexLeCoq
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