Les comics sont un formidable moyen pour raconter des histoires toujours plus grandioses dans des décors tout aussi monumentaux. D'une cité remplie de dieux nordiques à une ville sous-marine en passant par les confins de l'univers, la seule limite des comics est l'imagination de ses auteurs. Pourtant, Justin Jordan a décidé d'installer l'histoire de Dead Body Road sur une route perdue au milieu d'un désert qui pourrait bien être dans un endroit comme le Nevada. Ce n'est pas que le scénariste de Luther Strode ou Spread manque d'imagination, bien au contraire, mais c'est que certaines fois, les histoires les plus poignantes sont aussi les plus dépouillées.
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Éditeur : Image Comics
Premier numéro : Décembre 2013
Nombre de numéros parus : 6
Genre : Revenge Comics
Quand Justin Jordan se lance dans l'écriture de Dead Body Road, il vient de finir le premier volume de Luther Strode. Sa nouvelle série continue la voie pleine de violence et d'hémoglobine qu'il avait emprunté dans son histoire qui voyait un lycéen persécuté découvrir une formule lui permettant de devenir un colosse. C'est une autre violence que va pourtant décrire le nouveau titre d'Image Comics. Pas de super-héros ici, juste une violence très humaine, moins caricaturale car beaucoup plus accrochée à la dureté du réel. Jordan veut faire du polar, celui qui est habité par une galerie de personnages sans foi ni loi et aucun échappatoire à une situation merdique dès le départ. En fait, le scénariste veut rendre son hommage à cette longue tradition des crime stories américaines, nihilistes et sans concession. Celles qui se déroule dans un monde interlope, là chez des braqueurs de banques au milieu de Nulle-Part, USA, et qui ne trichent sur rien, ni la violence ou le langage cru et laconique.
Surtout, Justin Jordan a envie de rendre hommage à un genre qui existe surtout au cinéma et beaucoup moins en comics (quoiqu'il en existe en version capes et collants) : la Revenge Story. Cet exercice de style magnifié par le polar américain a fait les beaux jours du cinéma avec des films comme Bronson ou Point Blank. Ainsi, quand Gage, "héros" de Dead Body Road, apprend que sa femme est assassinée durant un braquage alors qu'elle tentait de faire son boulot de flic, il part dans une quête qui ne s'achèvera qu'avec la mort des responsables. Et Gage est le personnage parfait pour cela, puisqu'il ne croit plus en rien. Ce flic ripoux viré pour s'être trop servi dans la caisse a l'âme aussi noire que le canon de son Beretta. Sa femme pourtant l'avait convaincu de revenir sur le droit chemin, lui faisait croire qu'il pouvait encore devenir meilleur. Une fois ça perdu, il ne lui reste rien sinon la vengeance. Il a emprunté la route d'un homme déjà mort.
Dead Body Road n'est pourtant pas l'histoire d'un seul homme. Car sur cette route que Gage a décider de prendre, il va croiser un échantillon de ce qui se fait de pire dans l'humanité. Vous vous rappelez du braquage ? Celui-ci a délivré son fruit, des données bancaires représentant quelques millions et que le hacker qui a fait faux bond à ses co-braqueurs a remis à sa femme. S'ensuit logiquement une course-poursuite où la jeune femme en question, Rachel, essaye de semer les voleurs qui veulent récupérer leur butin, qui eux-même ont aux trousses un ex-flic aux méthodes expéditives. Et tout ce beau monde va croiser un ex-partenaire sociopathe et une bande de bikers adeptes du canon scié. C'est là que se révèle la virtuosité de Justin Jordan, qui jette sur une route brûlante une galerie de personnages qui ont tous leur propre but, quand il fait se confronter les volontés des uns et des autres dans un déluge de tôles et de flammes.
Pour mettre en image ce récit, sous adrénaline du début à la fin, il fallait un dessinateur au moins aussi virtuose que le scénariste pour rendre cette impression de fuite effrénée. Avec Matteo Scalera, qui va juste après partir explorer les mondes parallèles de Black Science, Jordan a trouvé l'artiste qui lui fallait. Le trait aussi dynamique que le découpage, le dessinateur italien, que l'on retrouvera sur le stand d'Urban Comics la semaine prochaine pour la Paris Comics Expo, s'amuse avec les personnages qui ont tous leur charisme particulier et avec un récit dont il retranscrit l'ambiance au nuage de sable près. Surtout, comment ne pas parler de cet épisode cinq où il met en scène durant l'ensemble du numéro une course-poursuite en voiture et Harley Davidson qui ne peux finir que dans un carambolage dantesque ? Un tel tour de force que Justin Jordan en fait un après-propos, bluffé par la performance de l'artiste. Une scène maintes et maintes vue au cinéma et magnifiée ici dans son passage au comics. Car Dead Body Road est finalement le meilleur Revenge Movie qu'il vous sera donné de lire.
