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Édito #53 : les séries télévisées Marvel, l'échec du transmédia ?

Édito #53 : les séries télévisées Marvel, l'échec du transmédia ?

chronique

La semaine dernière, on apprenait l'arrivée potentielle d'une nouvelle série télévisée estampillée du sceau de Marvel Studios : Marvel's Most Wanted, qui devrait mettre en scène Bobby Morse (Adrianne Palicki) et Lance Hunter (Nick Blood), deux personnages issus d'Agents of S.H.I.E.L.D., qui attaquera bientôt sa troisième saison. Le studio de Kevin Feige développe donc son offre du côté du petit écran, dorénavant envahi par l'univers Avengers, celui de la CW et consorts du côté de la Distinguée Concurrence. Mais cette dernière n'ayant pas encore fait le choix d'une stratégie globale, nous la laisserons de côté pour mieux analyser les séries de Marvel Studios, qui sont peut-être une preuve du caractère utopique de la narration transmédia.

Transmedia, kezako ?

En français, on le désigne aussi sous le nom de transmédialité, pour rester dans des sonorités bien de chez nous. Mais peu importe, la narration transmédia a pour vocation de raconter une seule histoire à travers plusieurs plateformes et formats, afin d'étendre le public visé et l'univers concerné. Sur le papier, c'est donc la promesse d'une histoire qui continue quelque soit le média que vous choisissez, et d'un univers qui vous accompagne au quotidien. Une stratégie qui fait saliver les propriétaires de licences, mais qui demande bien du travail, comme nous le prouve notre exemple, l'univers Marvel Studios.

Agents of S.H.I.E.L.D., le tremplin raté

En 2013, lorsque Marvel Studios et ABC s'associent pour lancer Agents of S.H.I.E.L.D., on assiste à une nouvelle manifestation de la toute puissance de l'entreprise de Kevin Feige, couronnée par les succès d'Avengers et d'Iron Man 3. On se dit aussi qu'étant donné la force de frappe du studio, et sa capacité à inviter de vrais créateurs (que ce soit réussi ou non), tous les espoirs sont permis. Et puisque l'univers développé par Marvel Studios est en plein âge d'or, on lui fait volontiers confiance pour nous présenter les dessous d'une organisation secrète loin d'être exemplaire, comme nous l'a montré Avengers. Au lieu de cela, on découvre vite une version Whedonisée du Club des Cinq, avec une équipe jeune, pas tellement ambivalente, et qui enquête sur des sujets plutôt mineurs, si on les compare avec les agissements du Mandarin ou une invasion Alien.

 

Et mine de rien, cette orientation créative est le plus virulent de mes griefs à l'égard de la série de Jed Whedon, qui malgré de bons atouts (Clark Gregg en tête, mais aussi des personnages féminins bien plus intéressants que la moyenne) s'avère à mon sens dispensable, même lors de ses liens les plus direct avec des films Marvel Studios comme The Winter Soldier ou Age of Ultron. Je ne sais pas vous, mais j'ai bien du mal à me forcer à regarder une série pour apprendre que les héliporteurs du second Avengers sont affrétés par Phil Coulson. Des connexions de façade, là où la série pourrait explorer la phase sombre d'une agence gouvernementale, qui est en fait devenue une branche néo-nazie très cartoonesque. Dommage car il y avait de l'idée, ne serait-ce que pour explorer le point de vue des humains sur la question super-héroïque.

Agent Carter, le charme de l'anecdotique

Plus récemment, nous avions eu droit à la mini-série Agent Carter, toujours du côté d'ABC. Et de la même manière qu'Agents of S.H.I.E.L.D. se vend aux fans en regardant vers le futur et ses Inhumains, Agent Carter s'appuie sur le passé pour séduire, en s'inspirant de The First Avenger et de sa patte Spielbergienne. Globalement, je trouve la série plutôt solide, mais une fois encore, on a vite fait de tomber dans des liens très cosmétiques. Si l'opposition entre Howard Stark et Peggy Carter fait office de foreshadowing (des indices quant au futur) à Civil War, l'ensemble a bien du mal à étendre convenablement le Marvel Cinematic Universe. Là encore, les liens sont convenus, et le seul véritable apport à l'offre Marvel Studios reste le personnage d'Agent Carter, qui s'est taillé une place de choix, pour le plus grand plaisir des fans d'Hayley Atwell.

Ici, même si tout n'est pas parfait, la proposition est au moins valide : Peggy Carter étant un personnage important dans le parcours de ce bon Steve Rogers, présenter son combat de femme agent secret dans l'après guerre était un choix judicieux. Et si la série manque parfois cruellement de moyens, elle les compense par une certaine ambition et un discours progressiste qu'on pourrait voir comme un reflet des comics Marvel.

Netflix : gros moyens, gros résultats ?

Deux séries, deux résultats bien différents, qui nous montrent qu'étendre habillement une histoire auprès d'une certaine cible est délicat. Mais heureusement, si on prend l'exemple plus récent encore de Daredevil, on pourra se convaincre de l'intérêt du transmédia. Pour le coup, le show de Steven DeKinght, et a fortiori, la stratégie du studio sur Netflix, est un essai transformé. Tout d'abord parce que les usagers de Netflix représentent une génération de fans cinéphiles et sérievores qui se sont parfois lassés de l'univers Marvel Studios et de ses gimmicks.  En attaquant ce segment avec une série noire, résolument adulte et portée par une direction artistique prononcée, Marvel Studios s'adresse à un public pointu, qui a salué les efforts de Daredevil.

Côté histoire maintenant, Daredevil, comme Agent Carter, fait le choix de se centrer sur un seul personnage : et moins les protagonistes sont nombreux, plus on peut les développer. L'univers ne gonfle ici par artificiellement, et on notera d'ailleurs que les liens au MCU ont été limités au minimum. Il est tout au plus utilisé comme un bac à sable, un contexte dont les rues de Hell's Kitchen sont le sombre reflet. Ajoutez à cela un système de phases et un regroupement à la Avengers (la mini-série Defenders) et vous obtenez une tentative réussie de transmédia. Mais au contraire des deux séries d'ABC, celle de Netflix peut compter sur un rythme de production et un budget avantageux. En somme, quand Marvel Studios se donne les moyens, la réussite n'est pas loin.

Un avenir incertain

Maintenant, que faut-il attendre de la suite ? L'annonce de Marvel's Most Wanted n'est guère rassurante. Si Agents of S.H.I.E.L.D. peut déjà être considéré comme le plus dispensable des tie-ins à un crossover nommé Marvel Cinematic Universe, son spin-off centré sur deux personnages (qui étaient eux-même mineurs par rapport au groupe de la série mère) ne fera sans doute pas mieux. En étant très mauvaise langue, je dirais que Marvel Studios et ABC cherchent à monétiser les fonds de tiroir, et je n'y vois pas l'envie ou l'ambition nécessaire à un show régulier. De leurs côtés, Agents Carter et Agents of S.H.I.E.L.D. continueront d'explorer l'avant et l'après MCU tant bien que mal. Et pour reprendre l'exemple du teasing vers Inhumans, pas sûr que la multiplication de ce type de personnages dans une série du câble américain favorise la réputation des Inhumains d'ici leur sortie en salle en juillet 2019. 

 

On attend également une nouvelle série par le scénariste de 12 Years a Slave qui indique que les rumeurs (Cloak and Dagger et Ms.Marvel en tête) sont toutes fausses. Peut-être faudrait-il se préparer dès maintenant à une nouvelle série institutionnelle et sans vrai personnage principal. Autant d'extensions encore dispensables à l'heure où j'écris ces lignes, alors qu'elles pourraient prolonger habillement un univers certes imparfait mais passionnant. Resteront alors les séries Netflix qui, pour ce que l'on en voit, on le mérite de proposer une expérience nouvelle et qualitative.

Vous l'aurez compris, Marvel Studios essuie les plâtres en attendant l'arrivée d'un modèle transmédia vertueux, qui restera peut-être une utopie. Après tout DC et Warner semblent très bien se débrouiller de leur côté, avec une séparation pas toujours claire mais bel et bien réelle. 

Republ33k
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