BOOM! Studios continuent tranquillement leur mutation pour copier le modèle d'Image Comics. Si ce sont encore les licences qui font vivre le petit éditeur, ce dernier n'hésite pas à lancer dans le grand bain de jeunes artistes avec des histoires totalement inédites, convaincu de leur talent, comme c'est le cas avec ce Welcome Back dont les auteurs ne sont pas forcément connus, mais pourraient se faire un nom avec cette excellente surprise.
Le scénariste Christopher Sebela symbolise bien le modèle de BOOM!. Engagé pour écrire le comics Escape From New York (l'éditeur aime beaucoup Kurt Russell en ce moment), ils lui ont offert en contrepartie l'occasion de lancer son creator-owned. Le barbu résident à Portland (encore un) nous livre donc une histoire qu'il a eu le temps de faire mûrir. Celle-ci se construit comme un ensemble de sous-couches, comme si derrière une intrigue s'en cachait une autre, des poupées russes narratives qui se découvrent peu à peu. En premier lieu, on fait la connaissance de Mali, jeune femme qui erre dans Kansas City, diplôme en poche et pas l'ombre d'un boulot à l'horizon. Une jeune femme somme toute normale qui traine son désœuvrement entre fêtes et recherche infructueuse de job, un quotidien pour le moins banal donc. Sauf qu'elle ne s'est pas toujours appelée Mali. Elle a changé de nom et de ville pour fuir son passé.
En effet, son beau-père qu'il l'a élevé était un serial-killer célèbre. Si bien qu'elle attire tous les obsédés de meurtres, tous ces weirdos qui ont une obsession malsaine pour les tueurs en série et qui lui vouent une certaine fascination glauque. Si elle a changé entièrement de vie, elle garde en elle un spleen qui n'a rien de romantique. Pourtant, cette tristesse qu'elle a chevillé au corps ne concerne pas seulement les errements meurtriers de son paternel, puisqu'on découvre encore une nouvelle couche, plus mystique et étrange : il semblerait qu'elle soit la réincarnation d'une force qui traverse les âges depuis le début de l'humanité et dont le but est d'affronter son semblable, encore et encore et encore. A chaque époque, ces deux êtres se retrouvent, s'entretuent et recommencent dans leur prochaine vie. Sauf qu'elle n'en a pas encore conscience et rêve pour l'instant de duels de samouraïs, de chevaliers, d'indiens et cowboys, de mafieux dans les années 70.
Evidemment, Mali ne connaît pas encore ce background mystico-temporel qui s'apprête à lui exploser à la figure. Ce qui n'est pas le cas de sa contrepartie, Miss Vos, une jeune femme dont on ignore à peu près tout pour l'instant, si ce n'est qu'elle a l'air bien plus portée sur la partie assassinats de cette histoire. On la rencontre à Lisbonne où elle va faire passer un très mauvais moment à un ponte qui débite un ensemble d'énigmes où il est question d'organisations séculaires, d'une guerre sans fin et de réincarnations. Ce premier numéro, même s'il est relativement bavard, se garde bien de livrer toutes les clés et joue habilement avec son lecteur qui sera bien sûr perdu dans tout ce charabia mystique. La confrontation entre le quotidien désenchanté de Mali et le propos presque magique qui se profile est parfaitement maîtrisé et maintient l'intérêt du lecteur jusqu'à un cliffhanger assez génial qui épaissit encore un peu plus le mystère.
L'autre bonne pioche de ce numéro, c'est le dessinateur Jonathan Brandon Sawyer. Lui aussi commence dans la profession (enfin, dans la partie payée de la profession) et démontre déjà un talent certain. Cet autre barbu a un style qui ne sera pas sans rappeler ceux de Matteo Scalera ou Sean Murphy. Avec des encres très présentes et très graphiques, il livre des planches extrêmement dynamiques et expressives. Surtout qu'on sent qu'il prend visiblement beaucoup de plaisir à faire ses flashbacks dans des époques différentes, comme sur la toute première planche où l'on assiste à un duel de samouraï sur fond de jonques échouées. De plus, il a donné à Mali une expressivité qui rend cette héroïne très attachante et donne envie de suivre ses aventures dans ce qui ressemble pour l'instant à de la folie pure.
Nouveau creator-owned de qualité pour BOOM! Studios qui a bien compris tout l'intérêt de laisser le champ libre aux artistes. Un premier numéro prometteur qui nous démontre que l'on peut parler de crise de l'emploi, réincarnation et guerre éternelle dans une même histoire si l'on si prend bien. Portée par une héroïne passionnante, cette série en quatre numéros est la friandise de la fin de l'été.