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Édito #27 : Un pour tous, tous pour le cinéma !

Édito #27 : Un pour tous, tous pour le cinéma !

chronique

Alors que je noyais mon chagrin de ne pas retrouver la climatisation du métro de Manhattan pour la deuxième année consécutive à New-York ce week-end, l'actu' venait tout de même de la Grosse Pomme avec la tenue de la New York Comic Con, devenue en quelques années la référence des amoureux de Comics, à l'heure où San Diego semble s'être tourné définitivement vers le multimédia et les shows à très grande ampleur. 

Organisé par ReedExpo (les futurs parents du retour de la Comic Con Paris), le festival deviendrait même presque plus gros que son arrogante grande sœur Californienne, si l'on en croit les chiffres donnés par des estimateurs aussi fiables qu'un syndicat un jour de manif'. 

 

Mais là n'est pas le plus important, et je vous propose (une dernière fois, promis) de jeter un oeil à notre reportage d'une cinquantaine de minutes si vous voulez découvrir les recoins de la NYCC. Ce qui nous intéresse aujourd'hui, ce sont les multiples annonces faites par les têtes pensantes de Marvel tout au long de ce week-end, elles qui se devaient d'apporter quelques éclaircissements sur la politique future de la Maison des Idées. Une politique que l'on disait agressive envers les lecteurs de la première heure, qui devront désormais composer avec la logique de studios, en témoigne l'arrêt annoncé de Fantastic Four, la famille Richards étant sur les rails d'une nouvelle aventure en pellicule qui tangue beaucoup du côté de la Fox. Inutile de jouer les enfants de chœur, la disparation du titre (aussi historique soit-il, rappelons que c'est lui qui lance le Silver Age et l'avènement total de la "Maison des idées" pour les 60 ans à venir) nous chagrinait davantage pour ce qu'elle représente éditorialement plutôt que pour le manque de voir sortir chaque mois une série qui ne passionne plus grand monde. 

L'exemple FF pouvait d'ailleurs servir de couverture pour Marvel / Disney et Marvel Studios (appelons cet ensemble "Joe Quesada"), qui en plus de mettre de vilains bâtons dans les petites roues de la Fox, se débarrasse d'un titre aux ventes faibles et bien moins clinquant que les succès en devenir que sont Doctor Strange, Black Panther, Inhumans et bien sûr Guardians of the Galaxy, devenu immense grâce au cinéma. Pourtant, Marvel a été bien plus loin dans l'idée d'embêter ceux qui lui ont arraché ses bébés à prix d'or, en teasant la disparation des Mutants au cours d'un évènement à venir en 2015.

No More Mutants ? Vraiment ? Marvel pourrait-il se passer de l'une de ses plus belles familles, de celles qui abritent des histoires aussi cultes qu'incontournables et qui se doivent de continuer à vivre mensuellement pour mieux appâter le lecteur curieux vers leurs heures de gloire passées ?  C'est en tout cas ce que semble indiquer la politique éditoriale savamment étalée de la Maison des Idées, qui sans aucune spectacularité, continue de bouger ses piliers et de remodeler une ligne sans cesse en mutation. Une mutation inhérente au média me direz-vous, mais aujourd'hui (dangereusement?) dictée par la logique de grand écran et de gros sous. À l'image d'une apocalypse sociale bien plus pernicieuse mais tout aussi dramatique et efficiente qu'un scénario de Science-Fiction, Marvel avance ses pions depuis des années, d'abord en amenant Coulson sur la Terre 616, puis en remplaçant (très mal) Nick Fury pour lui offrir les traits de Sam Jackson, en mettant en avant les Inhumans à partir d'une justification aussi drôlatique que les retards de Joe Mad et j'en passe. Tout se fait par nuances (des nuances aux mains grasses, je vous l'accorde), par petites touches et dans l'ombre, jusqu'à aujourd'hui.  Aujourd'hui, "Joe Quesada" semble voué à se débarrasser du passé et à ne pas aider un studio qui montrerait (notez le conditionnel) de la mauvaise volonté au moment de négocier avec le tout-puissant Disney. Mais à qui cela profite-t-il ? À Isaac Perlmutter, John Doe de la finance Pop-Culturelle et tout puissant Puppeteer de ses jouets à milliards ? Peu probable. À l'industrie des Comics, moribonde et devenue catalogue interactif de personnages à transposer sur écran ? Non plus, on parle ici de quelques millions d'euros seulement. À Disney, investisseur malin et soucieux de protéger ses licences acquises à grands coups de milliards ? Il semblerait que le coupable idéal soit tout trouvé.

Mais plutôt que de parler de coupable, d'opposer et de toujours chercher le conseil de l'ombre de ces géants de l'entertainment façon docu' conspirationniste sur RuTube, essayons de comprendre la logique de "Joe Quesada". Avance rapide : Marvel va mal au début des années 2000, se relance grâce à un Joe Quesada (l'artiste, pas l'entité) mort de faim, explose grâce à un prêt bancaire et au pari Iron Man au cinéma, développe un modèle économique et éditorial devenu référence dans l'ensemble de la Pop-Culture tout en brisant les records de bénéfices historiques de l'entertainment, et se retrouve aujourd'hui en position de force, les fans et le grand public dans la poche, pour poursuivre son grand schéma et montrer aux plagiaires que sa logique s'étale bien plus que le mélange de 3-4 films pour arracher des sourires et des connexions nerveuses à son audience. Quoi de plus logique alors que de capitaliser sur les licences maison, plutôt que de mettre le pied à l'étrier d'un autre géant, dirigé par le richissime et insondable Rupert Murdoch ? Il s'agit ici simplement d'un glissement de terrain, où la BD n'est plus qu'une propriété, et les mouvements éditoriaux une immense partie d'échec dirigée par des markéteux qui parviennent à sonder le cool pour mieux le régurgiter sous forme de longs-métrages, plus ou moins ambitieux, plus ou moins réussis (mais toujours aussi lucratifs).


Sony mis à part (les difficultés rencontrées par le studio en interne étant suffisamment grandes pour appeler à l'aide de sa maison-mère), doit-on le regretter ? C'est là une réflexion personnelle plutôt qu'une vérité toute nue, en témoigne l'armada de nouveaux lecteurs de Comics apparue pendant la vague des New 52 chez DC (dernier immense coup d'une industrie qui œuvrait alors déjà pour préparer le terrain au cinéma), dont les attaches et les valeurs sont bien différentes de celles des gardiens du temple, des lecteurs historiques, des vieux cons ou des vieux sages. Perdre la famille des X-Men, eux qui forment l'une des plus belles bannières de la BD américaine, serait un coup de poignard dans le dos de la part de Marvel (qui utilisera toujours quelques Mutants/"Gifted" par-ci par-là, certains d'entre eux étant trop précieux) envers ceux qui les soutiennent depuis des années, voire des décennies, à n'en pas douter. Pourtant, à travers le prisme des équipes qui gagnent encore leur vie grâce à leur production BD en 2014, il ne s'agirait là que d'appliquer une logique "venue d'en haut", qui ne semble pas particulièrement barbare au vu de l'éclatement des licences (et de l'empathie pour celles-ci) au cinéma ces dernières années. 

À vous donc de sonder le mal et/ou le bien dans un géant de l'entertainment qui souhaite vous divertir avec ses propres licences d'un côté (et c'est là que l'enjeu rhétorique importe, puisque X-Men est techniquement la propriété de Disney dans son matériau le plus noble, dont l'influence est paradoxalement infinitésimale aujourd'hui à l'échelle de l'argent engrangé par les -mêmes- personnages transposés sur écran), et qui n'hésite pas à prendre des mesures impopulaires, quitte à traverser une petite tempête de réactions de lecteurs qui n'auront d'autre choix que de se faire à cette politique nouvelle. Ce qu'il convient maintenant de juger, ce sont les qualités des histoires qui continuent d'être produites chaque mois, qu'elles comportent Wolverine ou non, que Wanda Maximoff soit une "gifted" ou une Mutante, que vos héros préférés soient adaptés sur Netflix ou non.

Sullivan
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