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DossierIndé

Les américains disent qu'on ne peut jamais revenir à la maison. Et ils ont raison. Mais on peut quand même passer faire un petit coucou de temps en temps, pour les anniversaires par exemple...

Car ce 18 février marque l'anniversaire de la création de Comic Talk en tant que rubrique. Depuis de l'eau a coulé sous les ponts, Comicsblog s'est professionnalisé, et la rubrique est devenu un site : COMICTALK.fr, fondé par moi-même, Steeve et Apteis.

Mais comme l'indépendance n'empêche pas la camaraderie, pour célébrer l'évènement, nos deux rédactions ont décidé de marquer le coup en vous proposant un petit aperçu de ce que Comic Talk est devenu là où tout a commencé.

Nous vous proposons donc de découvrir un dossier consacré aux héroïnes de Greg Rucka, un Wanderer's Treasure (tant qu'on est dans les comebacks) sur la série Bayou, et une sélection de Reviews Express consacrées aux sorties DC et indés de ces dernières semaines.

Sur ce, bonne lecture ! Et si ça vous plait, n'hésitez pas à venir nous faire un petit coucou chez nous, likez nous sur Facebook et suivez-nous sur Twitter !

1. By The Way
Chapitre 1

By The Way

AUTOPSY OF A RUCKA WOMAN

Si l’adage veut que derrière chaque grand homme se cache une grande femme, en matière de comics ce serait plutôt un homme qui se cacherait derrière beaucoup de grandes femmes. Et cet homme c’est Greg Rucka. Le scénariste, qui a notamment officié sur Adventures Of Superman, Detective Comics, Wonder Woman ou encore Wolverine, excusez du peu, est en effet justement réputé pour ses personnages féminins.

Les Rucka Women comme on pourrait les appeler sont à n’en pas douter la grande constante de l’œuvre de l’auteur. Qu’elles soient le personnage principal du titre qu’il écrit ou qu’elles viennent subrepticement voler la vedette à un héros bourré de testostérone, elles sont toujours là, et toujours remarquables. On pourrait même se dire que parfois ça tourne à l’obsession (si on vous confie le Punisher, vous pensez à créer une héroïne qui sera le vrai personnage principal de la série vous ?). Mais qu’ont-elles de si spécial en fin de compte ? Quelle est la recette de Greg Rucka pour créer ces héroïnes ? C’est ce que nous allons essayer de comprendre à travers cette « autopsy of a Rucka Woman ».

First Ladies

Commençons par le commencement, à savoir l’identification du corpus delicti (oui ça fait quelques lignes que je cherchais à la caser celle-là). Qui sont les Rucka Women ? Autant débuter par le quatuor d’héroïnes qui sont à la fois les stars de leurs séries respectives et des créations du sieur Rucka.

Tara Chace est une espionne au service de Sa Majesté, affectée aux opérations spéciales au sein du MI-6. Désignée Minder 2, elle tient la vedette dans la série Queen & Country publiée chez Oni.

Dex Parios (Dex étant un diminutif pour Dexedrine, la pauvre) est elle détective privé à Portland. Malchanceuse au jeu, et dans à peu près tous les domaines, mais doué pour son job, on la retrouve dans les mini-séries Stumptown, aussi publiées chez Oni.

Carrie Stetko, Marshall des Etats-Unis dure à cuire, compétente et habituée aux environnements glacés, fut elle l’héroïne des deux mini-séries Whiteout et Whiteout : Melt (toujours chez Oni).

Forever Carlyle, héroïne de la nouvelle série Lazarus, publiée chez Image. Elle est la protectrice génétiquement bidouillée de sa famille au sein d’un futur dystopique où le pouvoir est concentré entre les mains d’une poignée de familles richissimes.

Enfin comment ne pas mentionner Batwoman, aka Kate Kane, ex-militaire renvoyée pour homosexualité, ex-adepte des soirées mondaines, inspirée par Batman et qui trouva un nouveau sens à sa vie en devenant une justicière afin de protéger Gotham. Rucka écrivit ses aventures dans 52 puis lors d’un run sur Detective Comics où elle remplaça Batman.

Comic Talk 

Ladies First

L’œuvre de Greg Rucka est aussi marquée par ces personnages féminins créés par le scénariste qu’on qualifierait plus volontiers de second rôles, mais qui ont une propension certaine à voler la vedette à la star mâle du titre.

Le plus bel exemple est à n’en pas douter Rachel Cole-Alves, ex-marine et improbable survivante d’un assaut criminel lors de son mariage, le sergent Cole-Alves s’embarquera dans une odyssée vengeresse sous l’égide de Frank Castle aka le Punisher.

Sasha Bordeaux apparut quant à elle en tant que garde du corps imposée à Bruce Wayne. Elle finira par découvrir la double identité du milliardaire allant jusqu’à faire un temps équipe avec lui lors de ses escapades sous le masque de Batman. Elle eut ensuite une seconde carrière (toujours sous la plume Rucka) au sein de l’organisation secrète Checkmate, allant jusqu’à en devenir la reine noire.

D’autres personnages n’ont pas eu de destin si glorieux, mais eurent néanmoins leur importance. On peut citer le lieutenant Lupe Leocadio, chef de la Special Crimes Unit de Metropolis, dont le chemin croisa celui de Superman dans la série Adventures Of Superman.

Whisper A’daire et Nyssa Raatko, deux femmes fatales liées à R’as al Ghul (respectivement une alliée qui finit à Intergang, et sa première fille voulant le tuer) méritent aussi d’être mentionnées.

Cassie Lathrop, agent de l’ATF se frotta quant à elle à Wolverine et développera une véritable fascination pour le mutant griffu. On passera vite sur la sauvage The Native, plus animale qu’humaine.

 

Spoken For

Greg Rucka a aussi joué le jeu du work for hire et mis ses talents au service d’héroïnes dont il ne fut pas le créateur. Il convient en premier lieu de citer Renee Montoya. Officier de police au sien du Gotham City Police Department, elle ne fut pas créée par Greg Rucka. Mais l’auteur s’est énormément occupé d’elle, via les séries Detective Comics et surtout Gotham Central, puis dans 52 et ensuite en tant que The Question, au point que c’est tout comme.

Sinon le scénariste a écrit un run de Wonder Woman (ou : le comic le plus évident du monde à lui proposer), au sein duquel le rôle d’ambassadrice de Diana fut particulièrement mis en avant (elle se rendait à l’ONU, Themyscira avait son ambassade à New York…). Sa dimension guerrière ne fut pas non plus oubliée, ni ses liens avec la mythologie grecque. Signalons aussi le graphic novel The Hiketeia.

Toujours chez DC, Greg Rucka n’a pas non plus pu s’empêcher de mettre en valeur les talents de reporter de Lois Lane lors de son passage sur Adventures Of Superman. Il a aussi écrit les aventures de Flamebird (aka la kryptonienne Thara Ak-Var) en duo avec Nightwing (le héros Kryptonien, pas Dick Grayson) lors de son run sur Action Comics (sans Superman dedans, et oui).

Enfin, pour achever ce tour d’horizon, mentionnons que Greg Rucka a aussi été l’auteur d’un run remarqué sur la série Elektra chez Marvel, où il a fait passer l’assassin ninja par un véritable examen de conscience. Il a aussi été l’auteur d’une mini-série écrite en prose sur le personnage (Wolverine/Elektra : The Redeemer) et de la mini-série Ultimate Daredevil & Elektra, qui fut nettement plus anecdotique.

 

Tough

Les présentations ayant été faites, efforçons nous de trouver les points communs entre toutes ces femmes. Celui qui saute aux yeux est qu’elles sont toutes des dures à cuire. Souvent limite revêche, la Rucka Woman n’est pas une petite chose fragile qui rêve du prince charmant en contemplant les pâquerettes. Elle est indépendante, a un fort (pour ne pas dire sale souvent) caractère, et a les moyens de régler ses problèmes. Jusque là, ce n’est pas non plus hyper original, les héroïnes de comics modèle « princesse Disney » étant plutôt rares.

Si on veut être plus spécifique on notera que la Rucka Woman exerce souvent une profession plutôt masculine. Bon, désolé, je n’ai pas trouvé de manière moins sexiste de le dire. Mais que ce soit garde du corps (Sasha Bordeaux, Forever Carlyle d’une certaine façon), chef d’une unité d’intervention spéciale (Lupe Leocadio), espionne spécialisée dans les opérations spéciales (Tara Chace) ou même flic (Renee Montoya,Cassie Lathrop, Carrie Stetko) ou privée (Dex Parios), ce ne sont pas des métiers où les femmes sont très nombreuses.

De même le background militaire, qui revient souvent (Batwoman, Rachel Cole-Alves) est plus commun chez des personnages masculins, et les armes (Marines…) dont les héroïnes sont issues comptent peu de membres féminins.

La Rucka Woman est aussi particulièrement douée dans sa partie. Logique me direz vous, tant parce qu’elle est une héroïne justement (ce qui suppose de ne pas être le dernier des blaireaux), que parce qu’une femme doit souvent être particulièrement remarquable pour s’imposer dans un milieu fleurant bon la testostérone. C’est peut-être pour cela que la Rucka Woman a une telle tendance à voler la vedette au héros si elle n’est qu’un second rôle. Soulignons au passage que malgré cette caractéristique, la Rucka Woman n’est la plupart du temps pas confronté au sexisme de ses pairs, Greg Rucka préférant souvent laisser ce thème de côté.

Hard Knock Life

La Rucka Woman est donc dure en apparence, mais elle a aussi son lot de cassures, voire même un sacré bagage. Ces blessures ne sont cependant pas vraiment des faiblesses permanentes, mais plutôt l’obstacle que l’héroïne doit surmonter pour réaliser son objectif.

Ainsi Kate Kane dut dépasser sa perte de repère liée à son renvoi de l’armée pour se retrouver une raison d’être en tant que Batwoman. Et elle dut aussi surmonter le traumatisme de la découverte de la survie de sa sœur pour pouvoir fonctionner en tant qu’héroïne et en tant que personne. Renee Montoya dut elle aussi toucher le fond, et triompher de ses problèmes de violence, d’alcool, et de sa dépression pour trouver un semblant de paix en devenant The Question.

Tara Chace, si elle est relativement bien lotie au début de Queen & Country, accumule rapidement tant de traumatismes que sa capacité à remplir ses missions s’en ressent. La série ayant pris fin, on ne sait jamais si elle finit par reprendre le dessus. Sasha Bordeaux part elle aussi sans trop de problèmes, mais en acquiert son lot notamment suite à sa transformation à cause du virus OMAC. Et elle devra aussi les surmonter.

Dans Lazarus, tout semble indiquer qu’un des ressorts principaux de la série sera la résolution du dilemme entre le devoir d’obéissance absolu de Forever, le cynisme voire l’immoralité de sa famille, et la conscience naissante de l’héroïne.

 

Ces cassures peuvent aussi être l’élément principal de la personnalité de la Rucka Woman. Et là encore il serait inexact de parler de faiblesse.

Ce fut le cas pour Elektra qui subit un véritable examen de conscience tout au long du run de Greg Rucka, étant forcée de se confronter à ses nombreux démons pour découvrir qui elle était réellement. Et la réponse ne lui plut pas forcément, mais elle ne put que l’accepter.

De même Rachel Cole-Alves dut embrasser la douleur née de la tragédie qui motiva sa quête de vengeance, pour en faire sa raison de vivre afin que le Punisher l’autorise à la suivre dans son combat, scellant la descente aux enfers de l’héroïne. Cette logique peut aussi s’appliquer à Nyssa Raatko, qui ne vit que pour se venger de Ra’s al Ghul parce qu’elle considère qu’il l’a abandonnée.

Dex Parios fait un peu figure d’exception, sa poisse n’ayant pas le caractère tragique des exemples précités, ni d’ailleurs son goût pour le jeu, qui la met dans des situations délicates mais ne la détruit pas.

 

Ain’t No Love

La Rucka Woman est aussi malheureuse en amour. Il y a bien quelques exceptions (Sasha Bordeaux à la toute fin), mais la plupart du temps ses histoires de cœur sont soit inexistantes (Carrie Stetko, Dex Parios) soit tragiques. Renee Montoya a vu son histoire avec son amante Dee capoter à cause de ses propres problèmes, et sa romance avec Batwoman a aussi mal tournée et s’est soldée par une séparation douloureuse pour les deux femmes.

Tara Chace ne connaît que des déconvenues, entre une relation sans amour à laquelle elle doit mettre fin avec un autre Minder, et la perte de l’homme qu’elle aimait réellement. Pour Rachel Cole-Alves c’est la perte de l’être aimé qui est le déclencheur de son odyssée. Même Sasha Bordeaux a son lot de déconvenues en cours de route. Quant à Cassie Lathrop son obsession pour Logan vire à l’histoire d’amour mais surtout tourne court et elle finit larguée comme une malpropre (oubliée plutôt, ce qui incitera le scénariste Jason Aaron à la récupérer pour son idée loufoque de groupe constitué des ex de Logan, les Seraph’s Angels).

 

Il convient de signaler aussi que la Rucka Woman n’est pas une séductrice. Elle n’a rien de la voluptueuse femme fatale qu’on retrouve dans les polars noirs, et n’use pas de ses charmes. L’exception pourrait être Tara Chace, mais quand elle le fait ce n’est qu’occasionnellement et exclusivement dans le cadre d’une mission. Ce n’est absolument pas dans son caractère au naturel.

Notez aussi au passage que physiquement la Rucka Woman est rarement une pin-up. Elle n’est pas laide, loin de là, mais sa beauté n’est pas non plus particulièrement remarquable. Voyez Tara Chace encore, qui n’a pas le look James Bond Girl, ou Dex Parios. Forever Carlyle est aussi un exemple très parlant, son physique tout en muscle (pour coller avec l’idée qu’elle est avant tout une machine de guerre humaine) ayant même soulevé un début de controverse parmi les lecteurs de Lazarus. Et même quand le dessinateur représente une héroïne avec une plastique particulièrement flatteuse, on sent clairement que dans le scénario ladite plastique n’interpelle que rarement (Batwoman par exemple, ou Lois Lane). En fait physiquement la Rucka Woman est une femme ordinaire, loin des beautés sculpturales qu’on croise habituellement dans les comics.

 

The Wonder Woman Exception

Parmi toutes les héroïnes passées sous la plume de Greg Rucka, une fait figure d’exception, ne remplissant quasiment aucun des critères de la Rucka Woman : Wonder Woman.

En effet si l’amazone est incontestablement une femme forte, elle n’a pas le caractère revêche de la Rucka Woman typique, étant plutôt toute douceur et compassion. Elle n’a pas non plus de cassure profonde qui la définit ou qui la motive. Si elle évolue bien dans ce qu’on pourrait appeler un monde dominé par les hommes, ce n’est finalement pas plus le cas pour elle que pour toute autre femme. Il y a bien son statut d’ambassadrice, qui fait qu’elle évolue dans l’univers de la politique mais la dimension trop souvent regrettablement sexiste dudit univers n’était pas particulièrement mise en avant. Bon, certes elle n’a pas d’histoire d’amour, mais ne vit pas de tragédie en la matière non plus. Et elle est d’une beauté irréelle.

Il y a cependant une petite touche Rucka dans la façon d’écrire le personnage, au-delà de son ancrage dans une représentation réaliste du monde (son rôle d’ambassadrice, l’ONU etc…). En effet si Diana n’a pas de blessure intérieure (même ses déboires et doutes liés l’accomplissement de sa mission ne peuvent être qualifiés comme tel), elle en acquiert lorsqu’elle doit tuer Max Lord et se retrouve confrontée au regard de ses alliés et amis, Batman et surtout Superman, après ce geste.

Ce geste est aussi un exemple de l’accent mis par Greg Rucka sur l’aspect guerrier du personnage de Wonder Woman, qui n’est pas qu’une super-héroïne. Oui, elle est amour espoir et compassion, mais elle est aussi et surtout une guerrière qui se bat pour cela, en employant tous les moyens appropriés. Et elle ira même jusqu’à prendre une vie s’il le faut. C’est là une petite trace de la dureté typique des Rucka Women.

Néanmoins ces traits sont moins prononcés que chez les autres héroïnes évoquées tout au long de cet article, preuve s’il en était besoin que Wonder Woman est bien une héroïne à part, s’imposant à Greg Rucka plus que lui ne lui a imposé sa patte.

Et retrouvez nos autres dossiers sur le site dont :

- Batman vs Guy Fawkes

- Et si on relisait... Identity Crisis ?

- Scénario ou dessin, le débat

- Et Geoff Johns écrivit Aquaman

 

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2. The Wanderer's Treasures #64, Bayou
Chapitre 2

The Wanderer's Treasures #64, Bayou

« The bayou is a bad place. Ain’t nuthin’ good ever happened there. ». C’est sur ces deux phrases que s’ouvre Bayou, web comic de Jeremy Love publié via Zuda Comics en ligne puis sur papier par DC (la maison mère). Et c’est un mensonge. Car il s’y passe des choses magnifiques dans ce bayou.

L’histoire commence à Charon, Mississippi, en 1933. La petite Lee Wagstaff doit plonger dans ce fichu bayou pour y récupérer le corps de Billy Glass, un jeune noir qui s’y est noyé. Enfin, qui y a terminé en tous cas. La corde autour de son coup avait dû faire une bonne partie du travail. Mais Lee est bien décidée à accomplir sa mission, parce que son père, Calvin, a besoin des trois dollars de récompense. Et elle réussit.

Seulement, sous l’eau, elle ne voit pas qu’un cadavre. La fillette aperçoit aussi une silhouette humaine dotée d’ailes de papillons, bien vivante. Le genre de vision qui vous ôte toute envie de refaire trempette. Pourtant Lee finira par retourner au bayou, parce que son amie, Lily Westmoreland, a envie d’aller y jouer. Son amie aux beaux cheveux blonds et à la peau bien blanche.

Et tout se passe bien. Malgré les chants que Lee entend désormais. Jusqu’à ce que Lily perde son collier dans l’eau. Un collier perdu qui sera à l’origine d’un petit mensonge. Et d’une petite injustice. Puis d’une petite bêtise pour la réparer. Et enfin de la disparition de Lily, sous les yeux de Lee, qui la voit se faire engloutir par un homme aux proportions étranges sorti du bayou.

Et ce n’est que le début des ennuis, car dans le Mississippi des années 30, quand une petite fille blanche disparaît et qu’on retrouve une de ses chaussures près de la demeure d’un homme noir, on se pose assez peu de questions. Alors Calvin est arrêté, par un sheriff au final pas si haïssable qui veut au moins le maintenir en vie jusqu’au procès. Et Lee de comprendre qu’elle est la seule à pouvoir sauver son père, sa seule famille depuis que sa mère, chanteuse et fille de mauvaise vie, a été emportée par le bayou. Mais pour cela, elle devra retrouver Lily.

Lee se lance donc à l’aventure, et Bayou peut réellement commencer. Car avant toute chose, le comic de Jeremy Love est un pur conte de fée, qui n’est pas sans rappeler Alice Au Pays Des Merveilles de Lewis Caroll. Sauf qu’en guise de pays des merveilles, on a plutôt une version onirique du sud des USA, où tout est un reflet de la réalité. Un reflet troublant, où on rencontre des créatures telles ce chien anthropomorphisé qui traque les esclaves en fuite, Jubal.

 

Lee croise très tôt la route d’un géant sympathique même s’il est un peu simple, nommé Bayou, qui se prend d’affection pour elle et décide de l’aider dans sa quête du ravisseur de Lily. Un ravisseur nommé Cotton-Eye Joe, le fils du Boss-man, le général Bog. Mais Cotton-Eye ne sera que le premier obstacle à franchir sur leur route. Il faudra aussi compter avec l’impitoyable Stagger Lee. Heureusement l’improbable duo aura aussi un peu d’aide, en la personne d’un Billy Glass reconnaissant envers Lee, d’une sorcière ou du vaurien, coureur de jupon, bluesman de génie et lapin de son état Brer Rabbit (sans oublier l’inénarrable raton-laveur à l’identité fluctuante).

Bref, un casting joyeusement barré et surtout extraordinairement attachant et touchant. Lee, notamment, est particulièrement réussie, mélange parfait d’innocence enfantine, de courage et d’impertinence. Son duo avec Bayou est des plus classiques, mais fonctionne à merveille. Brer Rabbit est aussi un des ces personnages qu’on détesterait en vrai mais qu’on adore sur papier.

Tout cela au service d’une aventure envoûtante et endiablée. L’univers du titre est l’un de ses nombreux atouts. On plonge avec délice dans le sud rural des USA, entre champs de coton et « juke joints » où la musique résonne jusqu’aux aurores. La narration est à ce titre un pur chef-d’œuvre. Les péripéties s’enchaînent pour nos héros, entrecoupées par des scènes de rêve et des flashbacks qui nous en apprennent plus sur les personnages (Billy Glass ou la mère de Lee par exemple…), mais surtout qui créent l’ambiance à la fois féérique et sombre qui imprègne tout le récit.

Car comme dans tout vrai conte de fée, l’enchantement et la magie s’entremêlent avec les ténèbres. Ici c’est le terrible racisme du sud, les vestiges des années d’esclavage, qu’on retrouve à travers tout le titre. Non seulement dans le monde « réel », mais aussi dans l’univers magique où Lee est entraînée. Bayou est un esclave. On croise des monstres qui ont pour visage les caricatures des noirs dans les vieux cartoons… Mais si le racisme est un thème bien présent, il n’est jamais le thème du récit à proprement parler. Plus un élément de contexte, une toile de fond. Jamais vraiment un sujet. Et c’est encore plus pertinent du point de vue de la narration à mes yeux, ces abominations ordinaires en devenant encore plus horribles que si on insistait dessus.

Plus généralement, un des aspects les plus brillants de Bayou et l’utilisation par l’auteur de mille et un éléments du folklore américain. Cotton-Eye Joe qui fredonne la chanson du même nom. Le nom de Stagger Lee est lui aussi issu d’une chanson traditionnelle. Le nom du boss, Le général Bog fait écho au bien réel Général « Hellhound » Bogg (dont l’histoire est narrée dans le comic). Le tout se mêle parfaitement avec les créations issues de l’imagination à n’en pas douter fertile de Jeremy Love. Et surtout il y a le blues. Omniprésent. Comme un bande son sur papier.

 

Le dessin est à la hauteur du reste.Cartoony. Faussement naïf. Les visages sont remarquablement expressifs, et les designs des divers personnages et créatures sont des modèles du genre. Lee est à la fois enfantine et fière. Bayou gentiment benêt. Stagger Lee sinistre à souhait… Humains, animaux anthropomorphisés et monstres se croisent naturellement, dans des décors absolument magnifiques qui sont pour beaucoup dans l’ambiance du récit. De même que les couleurs de Patrick Morgan, qui capturent parfaitement le mélange entre magie et réalité.

Bayou est donc un authentique chef d’œuvre. Un conte de fée du XXème siècle, alliant magie et réalité. Un voyage enchanteur sur fond de blues et de légendes, terrifiant pour bien des raisons, mais dont chaque étape est un pur régal. Et hélas un voyage dont on ne connaîtra sans doute jamais la fin, car la série s’est interrompue après deux volumes, avant d’atteindre sa conclusion. Mais que ça ne vous dissuade pas de suivre Lee Wagstaff dans sa quête, je vous en conjure. Vous passeriez à côté d’un trésor.

Et découvrez les autres Wanderer's Treasures dont :

Dawn : Lucifer's Halo

- The Pulse

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3. Reviews Express
Chapitre 3

Reviews Express

Puisque Manu a mis le paquet sur les reviews Marvel Now ces derniers temps, nous avons décidé pour cet aperçu des Reviews Express de nous concentrer sur les titres DC et indés sortis entre le 22 janvier et le 12 février.

Reviews par Jeffzewanderer.

Semaine du 22/01

A retenir :On le dit que dans Harley Quinn #2 il est TRES lourdement suggéré qu’elle et Poison Ivy sont plus que des copines ? (pour les non-initiés à l’argot anglais, « beaver » désigne un animal (le castor) mais aussi une partie de l’anatomie féminine normalement comparée à un félin). Mais à part ça la série peine à trouver sa voie.

Conan The Barbarian #24 aurait peut-être dû s’arrêter là, parce que je ne vois vraiment pas ce que Brian Wood va pouvoir raconter dans son dernier numéro, mais vu son talent, je lui laisse volontiers le bénéfice du doute.

Et Marc Andreyko n’a pas l’air d’avoir encore tout à fait pris le rythme sur Batwoman, ce numéro tirant un poil à la ligne. Et je ne suis pas sûr que singer les mises en page de J.H. Williams III soit l’idée du siècle.

Enfin si vous vouliez savoir pourquoi Red Sonja se ballade en bikini, il y a une réponse connue mais amusante dans Legends Of Red Sonja #3, une anthologie vraiment bien ficelée.

#review Batman 27 La révélation scandaleuse du mois dernier n'était donc qu'1 leurre facile. Est-ce vraiment mieux? Ce numéro reste plat 2/5

#review PennyForYourSoulDeath 5 22 pages de baston c'est peut-être un peu long même avec le mélo du début pour remplir mais ça reste fun 3/5

#review HarleyQuinn 2Le titre manque d'équilibre : trop déjanté et décousu pour être sérieux, pas assez drôle pour se prendre tel quel 3/5

#review Batwoman 27 Entre flashback, imitation de JH Williams & histoire qui stagne, l'auteur semble se chercher. Bon cliff heureusement 3/5

#review LoneRanger 21 Joli stand-alone où le Ranger aide des pionniers pris dans le blizzard. Un peu trop convenu 3,5/5

#review MercySparx 4 A la rescousse de 2 anges dans un boxon surnaturel (au sens propre). De la très bonne série B, fun 3,5/5

#review JusticeLeague 27 Pâtit de la lenteur de globale Forever Evil, mais ce retour de Cyborg reste plutôt engageant bien que convenu 3,5/5

#review ConanTheBarbarian 24 La vengeance de Conan n'aurait peut être pas mérité un numéro complet, mais ça reste très bien écrit 3,5/5

#review StarWarsLegacy 11 Retrouvaille avec 1 connaissance d'Ania. Ficelle abusée ou coïncidence du siècle mais éléments intéressants 3,5/5

#review WonderWoman 27 Un pur numéro de transition où tous les subplots avancent doucement (Zola, 1st Born, les quêtes...). Bien fichu 4/5

#review LegendsOfRedSonja 3 Des histoires courtes très réussies (l'origine du bikini de Sonja!) et diverses, dans un bon récit cadre 4/5

 

Semaine du 29/01

A retenir : Saga est une série remarquablement écrite. C’est sûrement pour ça que cette tranche de vie on ne peut plus humaine se déroulant dans un univers SF complètement barré a aussi bien marché pendant 18 numéros. Mais je pense que l’exercice commence à atteindre ses limites, comme en témoigne cet arc où en définitive l’intrigue globale n’a pas progressé d’un iota, malgré quelques macchabés. Et je ne suis pas sûr que le petit bond dans le temps à venir change grand-chose. C’est peut-être le parti pris de Brian Vaughan, qui semble vouloir que son histoire soit à l’image de la vie (il n’y a pas de grand fil rouge, ça se déroule et puis c’es tout), et en ce sens il réussit plutôt son coup. Mais personnellement je suis officiellement lassé.

Sinon Big Dog Ink se pose en éditeur roi de la série B, même si Critter n’a pas trop l’air de savoir où aller (pouvoirs de Cassia incompréhensibles, des histoires de réalités alternatives confuses, et des subplots qui trainent depuis trop longtemps, comme celui autour de la mère de l’héroïne…), et c’est dommage.

#review Saga 18 L'arc s'achève. Tout ça pour ça. Le style (excellent) finit par ne plus suffire pour occulter le vide de l'intrigue 3/5

#review Critter 18 Il faudrait vraiment que la série se décide à aller dans une vraie direction. Heureusement l'héroïne reste attachante 3/5

#review UrsaMinor 3 Arrivée d'un nouveau personnage classe et d'un vilain attendu mais cool. Bonne série B 3,5/5

#review Witchblade 172 Retour aux affaires musclé pour Sara Pezzini. Marz livre une histoire plus dense. Dessin toujours vraiment bon 4/5

#review TMNT 30 Magnifique pause dans le récit en forme d'épilogue à City Fall, avec de nombreux "character moments" très touchants 4,5/5

 

Semaine du 05/02

A retenir : Dans Suicide Risk #10 Mike Carey continue son travail de construction d’univers en ajoutant encore un élément à son cocktail : le voyage dans le temps. Et ça s’intègre bien avec ce qu’on avait déjà compris, nous apportant quelques réponses et ajoutant tout un subplot du même coup (qui sont les étranges être qui traquent les deux dealers de pouvoirs ?). Et le scénariste n’oublie pas non plus de soigner la psychologie de ses personnages.

Dans le genre construction d’univers Lazarus #6 se pose là lui aussi. On commence en effet à mieux cerner à quoi ressemble le monde de la série en le voyant à travers les yeux des « wastes », le peuple. Et soyons juste, c’est limite flippant, le titre tenant plus de l’anticipation que de la pure SF. On suit notamment la petite famille découverte au numéro précédent, que l’auteur sait rendre attachante. Forever n’est pas oubliée pour autant et on continue d’avoir des aperçus de la psychologie de l’héroïne.

Enfin signalons l’initiative marrante de DC qui publie Green Lantern #28 et Red Lanterns #28 ensemble, pour le prix d’un seul numéro. Bon ce diptyque concerne plus l’univers des Red Lanterns (entre l’arrivée d’un nouveau membre et leur décision de se choisir un secteur à protéger) mais comme ce n’est pas plus cher les lecteurs de Green Lantern auraient tort de se priver. Par contre la moustache de Guy ça ne va vraiment pas être possible…

#review Damsels 12 Entre le retour de l'Argos, les plans des sorcières & une attaque de singes volants c'est un peu confus mais plaisant 3/5

#review GreenLantern/RedLantern 28 Sympa pour les relations entre Hal et Guy, l'intrigue concerne surtout Red Lanterns (Supergirl?) 3,5/5

#review AphroditeIX 8Le plan des Aphrodite pour obtenir des infos est très convenu mais narration efficace & dessin de + en + beau 3,5/5

#review GreenHornet 9Le cas tragique du policier trop honnête Ed Dugan, très bien géré pour une intrigue étonnamment noire 4/5

#review ForeverEvil 5Une belle baston entre Batman (juste parfait) la bande à Luthor et les sbires du Crime Syndicate. Numéro percutant 4/5

#review SuicideRisk 10 Ajout de voyage dans le temps, mais on continue de mieux saisir d'où viennent les superpouvoirs via les dealers 4/5

#review Lazarus 6 On continue de voir le monde par les yeux des "wastes". Excellente construction d'univers, personnages attachants 4,5/5

 

Semaine du 12/02

A retenir : Star Wars #14 (et le numéro précédent, formant un diptyque), ou le comic Darth Vader parfait. Le sombre seigneur Sith, en quête de vengeance après la trahison qui a causé la défaite de l’Empire dans l’arc précédent y est inquiétant, violent, tourmenté, ambitieux… Un condensé de tout ce qui en a fait le personnage culte qu’on connaît. Et la technique éprouvée consistant à nous faire assister aux actes du personnages à travers les yeux d’un témoin/narrateur est particulièrement bien employée par Brian Wood. Et les dessins de Facundo Percio ne gâtent rien.

The Mercenary Sea #1 par Kel Symons (déjà auteur du génial I Love Trouble) et Mathew Reynolds pourrait bien être un bijou de plus à mettre au crédit d’Image. La série se présente comme une pure aventure avec des contrebandiers, la quête d’une île mystérieuse, sûrement un peu d’espionnage par la suite… Les personnages sont juste typés comme il faut, jouant efficacement sur les archétypes propres à ce type de récit (le capitaine courageux, le français dragueur, la fille bad-ass…). Il y a ce qu’il faut d’humour. Mais surtout le dessin est magnifique. C’est élégant, digne d’un dessin animé, les couleurs sont superbes… Mais admirez plutôt l’image à la fin de l’article, elle vaut bien mille mots.

Et Vampirella Southern Gothic #5 ne doit d’avoir la moyenne qu’à la lucidité du scénariste, qui écrit presque littéralement qu’il a recours à un deus ex machina moisi pour boucler son intrigue. Mais du coup grâce cette petite brèche du quatrième mur, ça en devient cocasse.

#review RedSonjaBerserker Schéma trop classique du héros qui fait ami-ami avec un animal qui le lui rend. Mignon mais déjà vu hélas 2,5/5

#review VampirellaSouthernGothic 5 Fin loupée (baston & deus ex machina) mais c'est drôle de voir l'auteur en être conscient & en rire 2,5/5

#review Batman 28 Une aventure cool de Batman (univers sombre intrigant, action) mais c'est le milieu d'un arc pas encore commencé WTF ? 3/5

#review Sharazad 3 On commence à y voir plus clair, le vilain Janus est cool et l'héroïne charismatique. De la bonne aventure 3,5/5

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Chapitre 1

By The Way

AUTOPSY OF A RUCKA WOMAN

Si l’adage veut que derrière chaque grand homme se cache une grande femme, en matière de comics ce serait plutôt un homme qui se cacherait derrière beaucoup de grandes femmes. Et cet homme c’est Greg Rucka. Le scénariste, qui a notamment officié sur Adventures Of Superman, Detective Comics, Wonder Woman ou encore Wolverine, excusez du peu, est en effet justement réputé pour ses personnages féminins.

Les Rucka Women comme on pourrait les appeler sont à n’en pas douter la grande constante de l’œuvre de l’auteur. Qu’elles soient le personnage principal du titre qu’il écrit ou qu’elles viennent subrepticement voler la vedette à un héros bourré de testostérone, elles sont toujours là, et toujours remarquables. On pourrait même se dire que parfois ça tourne à l’obsession (si on vous confie le Punisher, vous pensez à créer une héroïne qui sera le vrai personnage principal de la série vous ?). Mais qu’ont-elles de si spécial en fin de compte ? Quelle est la recette de Greg Rucka pour créer ces héroïnes ? C’est ce que nous allons essayer de comprendre à travers cette « autopsy of a Rucka Woman ».

First Ladies

Commençons par le commencement, à savoir l’identification du corpus delicti (oui ça fait quelques lignes que je cherchais à la caser celle-là). Qui sont les Rucka Women ? Autant débuter par le quatuor d’héroïnes qui sont à la fois les stars de leurs séries respectives et des créations du sieur Rucka.

Tara Chace est une espionne au service de Sa Majesté, affectée aux opérations spéciales au sein du MI-6. Désignée Minder 2, elle tient la vedette dans la série Queen & Country publiée chez Oni.

Dex Parios (Dex étant un diminutif pour Dexedrine, la pauvre) est elle détective privé à Portland. Malchanceuse au jeu, et dans à peu près tous les domaines, mais doué pour son job, on la retrouve dans les mini-séries Stumptown, aussi publiées chez Oni.

Carrie Stetko, Marshall des Etats-Unis dure à cuire, compétente et habituée aux environnements glacés, fut elle l’héroïne des deux mini-séries Whiteout et Whiteout : Melt (toujours chez Oni).

Forever Carlyle, héroïne de la nouvelle série Lazarus, publiée chez Image. Elle est la protectrice génétiquement bidouillée de sa famille au sein d’un futur dystopique où le pouvoir est concentré entre les mains d’une poignée de familles richissimes.

Enfin comment ne pas mentionner Batwoman, aka Kate Kane, ex-militaire renvoyée pour homosexualité, ex-adepte des soirées mondaines, inspirée par Batman et qui trouva un nouveau sens à sa vie en devenant une justicière afin de protéger Gotham. Rucka écrivit ses aventures dans 52 puis lors d’un run sur Detective Comics où elle remplaça Batman.

Comic Talk 

Ladies First

L’œuvre de Greg Rucka est aussi marquée par ces personnages féminins créés par le scénariste qu’on qualifierait plus volontiers de second rôles, mais qui ont une propension certaine à voler la vedette à la star mâle du titre.

Le plus bel exemple est à n’en pas douter Rachel Cole-Alves, ex-marine et improbable survivante d’un assaut criminel lors de son mariage, le sergent Cole-Alves s’embarquera dans une odyssée vengeresse sous l’égide de Frank Castle aka le Punisher.

Sasha Bordeaux apparut quant à elle en tant que garde du corps imposée à Bruce Wayne. Elle finira par découvrir la double identité du milliardaire allant jusqu’à faire un temps équipe avec lui lors de ses escapades sous le masque de Batman. Elle eut ensuite une seconde carrière (toujours sous la plume Rucka) au sein de l’organisation secrète Checkmate, allant jusqu’à en devenir la reine noire.

D’autres personnages n’ont pas eu de destin si glorieux, mais eurent néanmoins leur importance. On peut citer le lieutenant Lupe Leocadio, chef de la Special Crimes Unit de Metropolis, dont le chemin croisa celui de Superman dans la série Adventures Of Superman.

Whisper A’daire et Nyssa Raatko, deux femmes fatales liées à R’as al Ghul (respectivement une alliée qui finit à Intergang, et sa première fille voulant le tuer) méritent aussi d’être mentionnées.

Cassie Lathrop, agent de l’ATF se frotta quant à elle à Wolverine et développera une véritable fascination pour le mutant griffu. On passera vite sur la sauvage The Native, plus animale qu’humaine.

 

Spoken For

Greg Rucka a aussi joué le jeu du work for hire et mis ses talents au service d’héroïnes dont il ne fut pas le créateur. Il convient en premier lieu de citer Renee Montoya. Officier de police au sien du Gotham City Police Department, elle ne fut pas créée par Greg Rucka. Mais l’auteur s’est énormément occupé d’elle, via les séries Detective Comics et surtout Gotham Central, puis dans 52 et ensuite en tant que The Question, au point que c’est tout comme.

Sinon le scénariste a écrit un run de Wonder Woman (ou : le comic le plus évident du monde à lui proposer), au sein duquel le rôle d’ambassadrice de Diana fut particulièrement mis en avant (elle se rendait à l’ONU, Themyscira avait son ambassade à New York…). Sa dimension guerrière ne fut pas non plus oubliée, ni ses liens avec la mythologie grecque. Signalons aussi le graphic novel The Hiketeia.

Toujours chez DC, Greg Rucka n’a pas non plus pu s’empêcher de mettre en valeur les talents de reporter de Lois Lane lors de son passage sur Adventures Of Superman. Il a aussi écrit les aventures de Flamebird (aka la kryptonienne Thara Ak-Var) en duo avec Nightwing (le héros Kryptonien, pas Dick Grayson) lors de son run sur Action Comics (sans Superman dedans, et oui).

Enfin, pour achever ce tour d’horizon, mentionnons que Greg Rucka a aussi été l’auteur d’un run remarqué sur la série Elektra chez Marvel, où il a fait passer l’assassin ninja par un véritable examen de conscience. Il a aussi été l’auteur d’une mini-série écrite en prose sur le personnage (Wolverine/Elektra : The Redeemer) et de la mini-série Ultimate Daredevil & Elektra, qui fut nettement plus anecdotique.

 

Tough

Les présentations ayant été faites, efforçons nous de trouver les points communs entre toutes ces femmes. Celui qui saute aux yeux est qu’elles sont toutes des dures à cuire. Souvent limite revêche, la Rucka Woman n’est pas une petite chose fragile qui rêve du prince charmant en contemplant les pâquerettes. Elle est indépendante, a un fort (pour ne pas dire sale souvent) caractère, et a les moyens de régler ses problèmes. Jusque là, ce n’est pas non plus hyper original, les héroïnes de comics modèle « princesse Disney » étant plutôt rares.

Si on veut être plus spécifique on notera que la Rucka Woman exerce souvent une profession plutôt masculine. Bon, désolé, je n’ai pas trouvé de manière moins sexiste de le dire. Mais que ce soit garde du corps (Sasha Bordeaux, Forever Carlyle d’une certaine façon), chef d’une unité d’intervention spéciale (Lupe Leocadio), espionne spécialisée dans les opérations spéciales (Tara Chace) ou même flic (Renee Montoya,Cassie Lathrop, Carrie Stetko) ou privée (Dex Parios), ce ne sont pas des métiers où les femmes sont très nombreuses.

De même le background militaire, qui revient souvent (Batwoman, Rachel Cole-Alves) est plus commun chez des personnages masculins, et les armes (Marines…) dont les héroïnes sont issues comptent peu de membres féminins.

La Rucka Woman est aussi particulièrement douée dans sa partie. Logique me direz vous, tant parce qu’elle est une héroïne justement (ce qui suppose de ne pas être le dernier des blaireaux), que parce qu’une femme doit souvent être particulièrement remarquable pour s’imposer dans un milieu fleurant bon la testostérone. C’est peut-être pour cela que la Rucka Woman a une telle tendance à voler la vedette au héros si elle n’est qu’un second rôle. Soulignons au passage que malgré cette caractéristique, la Rucka Woman n’est la plupart du temps pas confronté au sexisme de ses pairs, Greg Rucka préférant souvent laisser ce thème de côté.

Hard Knock Life

La Rucka Woman est donc dure en apparence, mais elle a aussi son lot de cassures, voire même un sacré bagage. Ces blessures ne sont cependant pas vraiment des faiblesses permanentes, mais plutôt l’obstacle que l’héroïne doit surmonter pour réaliser son objectif.

Ainsi Kate Kane dut dépasser sa perte de repère liée à son renvoi de l’armée pour se retrouver une raison d’être en tant que Batwoman. Et elle dut aussi surmonter le traumatisme de la découverte de la survie de sa sœur pour pouvoir fonctionner en tant qu’héroïne et en tant que personne. Renee Montoya dut elle aussi toucher le fond, et triompher de ses problèmes de violence, d’alcool, et de sa dépression pour trouver un semblant de paix en devenant The Question.

Tara Chace, si elle est relativement bien lotie au début de Queen & Country, accumule rapidement tant de traumatismes que sa capacité à remplir ses missions s’en ressent. La série ayant pris fin, on ne sait jamais si elle finit par reprendre le dessus. Sasha Bordeaux part elle aussi sans trop de problèmes, mais en acquiert son lot notamment suite à sa transformation à cause du virus OMAC. Et elle devra aussi les surmonter.

Dans Lazarus, tout semble indiquer qu’un des ressorts principaux de la série sera la résolution du dilemme entre le devoir d’obéissance absolu de Forever, le cynisme voire l’immoralité de sa famille, et la conscience naissante de l’héroïne.

 

Ces cassures peuvent aussi être l’élément principal de la personnalité de la Rucka Woman. Et là encore il serait inexact de parler de faiblesse.

Ce fut le cas pour Elektra qui subit un véritable examen de conscience tout au long du run de Greg Rucka, étant forcée de se confronter à ses nombreux démons pour découvrir qui elle était réellement. Et la réponse ne lui plut pas forcément, mais elle ne put que l’accepter.

De même Rachel Cole-Alves dut embrasser la douleur née de la tragédie qui motiva sa quête de vengeance, pour en faire sa raison de vivre afin que le Punisher l’autorise à la suivre dans son combat, scellant la descente aux enfers de l’héroïne. Cette logique peut aussi s’appliquer à Nyssa Raatko, qui ne vit que pour se venger de Ra’s al Ghul parce qu’elle considère qu’il l’a abandonnée.

Dex Parios fait un peu figure d’exception, sa poisse n’ayant pas le caractère tragique des exemples précités, ni d’ailleurs son goût pour le jeu, qui la met dans des situations délicates mais ne la détruit pas.

 

Ain’t No Love

La Rucka Woman est aussi malheureuse en amour. Il y a bien quelques exceptions (Sasha Bordeaux à la toute fin), mais la plupart du temps ses histoires de cœur sont soit inexistantes (Carrie Stetko, Dex Parios) soit tragiques. Renee Montoya a vu son histoire avec son amante Dee capoter à cause de ses propres problèmes, et sa romance avec Batwoman a aussi mal tournée et s’est soldée par une séparation douloureuse pour les deux femmes.

Tara Chace ne connaît que des déconvenues, entre une relation sans amour à laquelle elle doit mettre fin avec un autre Minder, et la perte de l’homme qu’elle aimait réellement. Pour Rachel Cole-Alves c’est la perte de l’être aimé qui est le déclencheur de son odyssée. Même Sasha Bordeaux a son lot de déconvenues en cours de route. Quant à Cassie Lathrop son obsession pour Logan vire à l’histoire d’amour mais surtout tourne court et elle finit larguée comme une malpropre (oubliée plutôt, ce qui incitera le scénariste Jason Aaron à la récupérer pour son idée loufoque de groupe constitué des ex de Logan, les Seraph’s Angels).

 

Il convient de signaler aussi que la Rucka Woman n’est pas une séductrice. Elle n’a rien de la voluptueuse femme fatale qu’on retrouve dans les polars noirs, et n’use pas de ses charmes. L’exception pourrait être Tara Chace, mais quand elle le fait ce n’est qu’occasionnellement et exclusivement dans le cadre d’une mission. Ce n’est absolument pas dans son caractère au naturel.

Notez aussi au passage que physiquement la Rucka Woman est rarement une pin-up. Elle n’est pas laide, loin de là, mais sa beauté n’est pas non plus particulièrement remarquable. Voyez Tara Chace encore, qui n’a pas le look James Bond Girl, ou Dex Parios. Forever Carlyle est aussi un exemple très parlant, son physique tout en muscle (pour coller avec l’idée qu’elle est avant tout une machine de guerre humaine) ayant même soulevé un début de controverse parmi les lecteurs de Lazarus. Et même quand le dessinateur représente une héroïne avec une plastique particulièrement flatteuse, on sent clairement que dans le scénario ladite plastique n’interpelle que rarement (Batwoman par exemple, ou Lois Lane). En fait physiquement la Rucka Woman est une femme ordinaire, loin des beautés sculpturales qu’on croise habituellement dans les comics.

 

The Wonder Woman Exception

Parmi toutes les héroïnes passées sous la plume de Greg Rucka, une fait figure d’exception, ne remplissant quasiment aucun des critères de la Rucka Woman : Wonder Woman.

En effet si l’amazone est incontestablement une femme forte, elle n’a pas le caractère revêche de la Rucka Woman typique, étant plutôt toute douceur et compassion. Elle n’a pas non plus de cassure profonde qui la définit ou qui la motive. Si elle évolue bien dans ce qu’on pourrait appeler un monde dominé par les hommes, ce n’est finalement pas plus le cas pour elle que pour toute autre femme. Il y a bien son statut d’ambassadrice, qui fait qu’elle évolue dans l’univers de la politique mais la dimension trop souvent regrettablement sexiste dudit univers n’était pas particulièrement mise en avant. Bon, certes elle n’a pas d’histoire d’amour, mais ne vit pas de tragédie en la matière non plus. Et elle est d’une beauté irréelle.

Il y a cependant une petite touche Rucka dans la façon d’écrire le personnage, au-delà de son ancrage dans une représentation réaliste du monde (son rôle d’ambassadrice, l’ONU etc…). En effet si Diana n’a pas de blessure intérieure (même ses déboires et doutes liés l’accomplissement de sa mission ne peuvent être qualifiés comme tel), elle en acquiert lorsqu’elle doit tuer Max Lord et se retrouve confrontée au regard de ses alliés et amis, Batman et surtout Superman, après ce geste.

Ce geste est aussi un exemple de l’accent mis par Greg Rucka sur l’aspect guerrier du personnage de Wonder Woman, qui n’est pas qu’une super-héroïne. Oui, elle est amour espoir et compassion, mais elle est aussi et surtout une guerrière qui se bat pour cela, en employant tous les moyens appropriés. Et elle ira même jusqu’à prendre une vie s’il le faut. C’est là une petite trace de la dureté typique des Rucka Women.

Néanmoins ces traits sont moins prononcés que chez les autres héroïnes évoquées tout au long de cet article, preuve s’il en était besoin que Wonder Woman est bien une héroïne à part, s’imposant à Greg Rucka plus que lui ne lui a imposé sa patte.

Et retrouvez nos autres dossiers sur le site dont :

- Batman vs Guy Fawkes

- Et si on relisait... Identity Crisis ?

- Scénario ou dessin, le débat

- Et Geoff Johns écrivit Aquaman

 

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Jeffzewanderer
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