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SuperWorld tome 1, la review

SuperWorld tome 1, la review

ReviewDelcourt
On a aimé• Plein de bonnes idées
• De nombreux contrepieds
• Une narration travaillée
On a moins aimé• Un dessin pas toujours au même niveau
• Certains dialogues trop premier degré
Notre note

Avec plusieurs ouvrages au compteur, comme Le Cercle qui en est à son troisième tome ou Bad Ass qui double la mise ces jours-ci avec un second volume, la collection Comics Fabric de Delcourt est définitivement bien lancée. C'est donc le bon moment pour celle qui fait du bien aux "comics à la française" pour lancer une nouvelle série, SuperWorld. Ce nouveau titre qui ne manque pas d'ambition arrivera-t-il à porter l'étendard d'un comics venu de nos contrées ?

"Vous êtes assez grands pour vous occuper de vos affaires, maintenant"

Ce qu'il faut déjà noter, et par pour excuser certaines faiblesses de l'œuvre mais plutôt pour en signaler la maîtrise, c'est que le scénariste Jean-Marc Rivière est d'abord un romancier de polar et qu'il signe là sa première bande-dessinée. De son domaine d'écriture habituel, il va en tirer un goût pour le mystère. L'histoire démarrant avec des interrogations auxquelles finiront par se rajouter de nouvelles questions tout au long du récit. Si on est clairement plus tourné sur une approche super-héroïque, des éléments de polar subsistent (la scène du corps retrouvé). De plus, Rivière s'applique consciencieusement à dérouter son lecteur, le surprendre au gré de situations convenues qui partent dans un tout autre sens. Comme quand on se doute que l'héroïne Tamara va s'avérer spéciale à la fin du récit, mais qu'elle se révèle l'être bien plus tôt dans l'intrigue, laissant la place à un final bien plus inattendu. 

On sent l'auteur très à l'aise avec la construction de son histoire, absolument pas gêné par le nouveau format qu'il aborde, ni par le changement radical d'univers qu'il traite. On sent qu'il a une solide culture en comics, et qu'il a écrit en fonction d'un lectorat qui est lui aussi rompu à cette littérature. Il peut ainsi mieux le dérouter par des situations qu'eux deux ont l'habitude de rencontrer, mais qui font preuves d'innovations. Pas évident dans un genre qui a des codes solidement ancrés.

Si surprendre son lecteur est rafraichissant et est clairement une bonne idée de la part d'un scénariste qui n'est pas intimidé par ce nouveau genre, ce n'est pas la seule qui émaille ce comics. Ainsi, ancrer le récit en France tout en ayant un regard global, permet de ne pas se sentir enfermer dans un héritage culturel qui peut être lourd dans le pays de Jean Giraud. Il se démarque aussi en présentant un univers qui a le paradoxe d'être à la fois une dystopie décadente et un monde qui semble avoir été sauvé. Il en ressort un ton étrange, assez intrigant pour y rester accroché. Ouvrir son œuvre par une scène qui a le chic de ne pas être une bête scène d'exposition et qui préfère présenter une allégorie de son histoire. On découvre un ancien qui représente le Golden Age des comics qui disparait peu à peu des mémoires et des adolescents (dont White Diamond en est le fier représentant) à qui on a visiblement oublier d'apprendre le sens des responsabilités et qui sont le pendant des héros sans sens moral agissant dans les nineties.

Si l'on pousse cette métaphore à l'ensemble de l'ouvrage, il en ressort que les grands héros disparus que l'on découvre au début sur une simple photo aux couleurs passées, sont les incarnations des héros du Silver Age, plein d'idéaux mais au point d'en devenir lisses, tandis que Tamara est elle la représentation du nouveau genre de héros qui est apparu ces dernières années et qui ont su mêler l'idéalisme fort des héros des débuts à une complexité plus actuelle.


"Le monde n'a plus besoin d'être sauvé."

Si le fond est d'une grande complexité, la forme aurait pu pâtir d'un manque d'expérience dans le Neuvième Art de la part de son auteur. Mais Jean-Marc Rivière ne semble pas avoir été effrayé par ce nouveau médium, et s'en approprie les spécificités, les tordant même pour en tirer des figures de styles narratives. Comme lorsqu'il distille des cases fugaces qui apparaissent au gré des pages et qui représentent des souvenirs dont l'importance est lourde sur le récit. Il peut même s'en servir pour intégrer un humour rafraîchissant, comme quand les policiers sont en train de parler d'une scène de meurtre, des médecins légistes apparaissent comme un pendant comique. Une maîtrise sur la narration fait par contre tâche en comparaison de certains dialogues qui sont frontaux, comme s'ils avaient été écrit pour se mettre au niveau d'un lectorat adolescent. Des dialogues ciselés et profonds font suite à des discussions de bas étage aux champs lexicaux peu utilisés. Dommageable quand on voit la qualité du reste du récit.


Enfin, abordons la partie graphique qui est la première incursion de la dessinatrice Francesca Follini dans les comics. Elle arrive à maîtriser le langage graphique de ce genre en découpant ses pages à la serpe, dynamisant la lecture. Là où les comics de chez nous perdent souvent un peu de tension à cause d'une mise en page trop posée, ici on virevolte au gré du scénario, même si parfois à trop vouloir coller au texte, elle en oublie d'être vraiment créative. Mais ce n'est pas là le principal problème, puisque celui-ci réside dans le dessin en lui-même. On y retrouve en héritage très dérangeant qui provient du dessin caricatural des BD comiques que l'on peut retrouver chez Bamboo. Ajouter à cela un style qui se rapproche des comics, et le mélange devient très bancal. Comme si son trait avait l'arrière-train coincé entre les deux chaises de styles bien différents. Évoquons enfin la couverture qui provient d'un talent français que l'on connait bien dans le monde des comics, celui de Stéphanie Hans. Elle a totalement saisi l'ambiance du comics et la restitue dans une illustration éthérée de toute beauté. Un bien bel écrin pour cette œuvre qui en vaut la peine.



Si l'on enlevait ces deux problèmes que sont certains dialogues qui manquent d'ambition et des dessins qui peinent à choisir leur voie, on aurait probablement un volume que l'on citerait en exemple pour vanter la production de comics de ce côté de l'Atlantique. Ces défauts sont affaire de maturité et ils pourraient avoir disparu avec l'expérience, ce qui nous rend impatient de découvrir le second tome, à venir dès 2014 !

Alfro
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