*Cette critique est une republication de la review V.O d'Alfro publiée le 10 Juillet 2012. Il est toutefois intéressant de noter que le travail éditorial d'Urban Comics est impeccable sur le titre, et que celui-ci est proposé au prix de 15€ seulement en VF contre 23$ outre-atlantique !
Après le succès inespéré et remarquable de Superman : Earth One de J. Michael Straczynski et Shane Davis, l'attente autour du concept identique mais adapté à Batman n'a cessé d'augmenter. Et le fait que cette attente ait duré deux ans nous aura donné plusieurs freins à ronger. Enfin sorti, ce graphic novel dont l'équipe créative fait partie des superstars de l'industrie comble t'il tout le buzz qu'il aura généré ?
Le principe directeur des Earth One est de revisiter les personnages mythiques de DC Comics en les modernisant, comme s'ils avaient été inventés à notre époque. C'est ce que parvient parfaitement à faire ici Geoff Johns. Il remanie dans les grandes largeurs les éléments de la mythologie de Batman, particulièrement les personnages d'Alfred Pennyworth ou d'Harvey Bullock ainsi que la mort des parents de Bruce Wayne
et sur les conséquences de celle-ci. Et si cela risque de choquer les
plus puristes, vu que les transformations sont vraiment radicales. Mais
il faut reconnaître que Geoff Johns s'y emploie avec intelligence et
talent, et que le tout sert un scénario bien réfléchi. On sent que le
scénariste de Green Lantern depuis des années a largement pensé son histoire pour qu'elle soit cohérente et surtout inutilement outrée.
Et pour accompagner le scénariste le plus influent de DC Comics ces
dix dernières années, on retrouve une autre star de l'industrie en la
personne de l'exceptionnel Gary Frank. Son style réaliste et méticuleux montre parfaitement la dureté de Gotham City.
Mais sa grande force réside dans sa capacité à transmettre les émotions
des personnages, point important dans cette histoire qui s'appuie sur
les différentes phases qui anime Bruce Wayne durant sa métamorphose vers
le justicier masqué. Notamment lors des premières sorties sous le
masque, c'est les maladresses dont fait preuve le vigilant. Ce qui
rappelle d'ailleurs fortement le Batman : Année Un de Frank Miller et David Mazzucchelli
qui est la réécriture des origines de Batman la plus importante à
l'heure actuelle et que Geoff Johns semble avoir minitieusement révisé
tant de nombreux éléments rappellent cette fameuse mini-série.
Mais si Geoff Johns écrit un scénario solide et avec une véritable
justesse dans les sentiments qui animent Bruce Wayne, on ressent un
certain malaise face au rythme imprimé dans le récit. Il alterne
séquences fortes très "hollywoodiennes", où Gary Frank livre quelques splash-pages
d'anthologie, avec d'autres plus posée, à la limite du contemplatif. Ce
pourrait être finalement une volonté de l'auteur, mais on sent ici plus
qu'il a été en difficulté face à la mise en place des éléments
formateurs de Batman et qu'il a trop voulu poussé vers "l'auteurisant"
afin d'éviter que son oeuvre soit considérée comme un simple blockbuster.
Ce qui est dommage finalement car il n'en avait nul besoin tant il mène
de main de maître l'éclosion de ce nouveau héros et que les réflexions
qu'il imprime ici sont à des lieues au-dessus de tout ce que pourrait
produire Michael Bay.
Et on sent que Geoff Johns ne veut que cette entreprise all-star
s'arrête là, tant il émaille son histoire d'éléments qui ne demandent
qu'à être développés. Il excelle dans l'insertion furtive de multiples
petits indices sur la mythologie Batman qui sont à même de devenir des
futurs intrigues. Et on reste sur une note de frustration tant on a
envie de dévorer la suite, et que s'il faut attendre encore deux ans
pour que vienne la suite, on va s'en mordre les doigts. D'autant plus
que la fin ne nous surprend pas des masses, elle sert plus ici à boucler
une introduction à ce qui pourrait se révéler comme un nouveau départ
excitant pour le Chevalier Noir.